La chronique que vous n’avez pas lue 18 mai, 2007
Posté par benchicou dans : Chroniques dans Le Soir,Non classé , trackbackLa chronique que vous n’avez pas lue
Censurée suite aux pressions sur le Soir
« Achetez moi un peuple »
Je vois Ouyahia, Belkhadem, Soltani, Amara Benyounès et même Sidi Said rivaliser dans la charlatanerie politique et j’ai alors une pensée pour Driss Chraïbi qui nous a quittés dimanche. Que pouvait nous laisser de plus précieux l’écrivain marocain qu’une de ces acides métaphores arabes par laquelle se décrivent les basses vanités humaines ? Décidément, oui, « la noblesse du fauteuil détermine la dignité humaine de celui qui est assis dessus, aussi sûrement qu’un mets succulent provoque la dignité du ventre.»
Il faut assurément avoir de l’estomac pour se plaire dans la parodie quand la société vit toutes sortes de tragédies. Et nos futurs députés, rendons leur justice, ne manquent pas de cet appétit là, indispensable aux uns, les barons, pour régner sur le gâteau national, et aux autres, les majordomes, pour trouver une certaines saveur aux miettes. L’histoire a eu, comme ça, ses vrais décideurs et ses boute-en-trains, ses puissants souverains et ses arlequins du Roi, le tout formant cette confrérie de politiciens amoraux, habiles dans le mensonge et désinvoltes devant le malheur, qu’il nous est donné loisir de voir et, hélas, aussi d’écouter jusqu’au 17 mai prochain. Il n’y a, après tout, aucune raison pour l’Algérie d’échapper à la règle des Nations : elle a eu ses Saladin et ses Savonarole, elle aura ses Raspoutine.
Mais alors que vient faire Rédha Malek, l’un des rares historiques encore en vie, au
milieu de cette communauté d’esprits cyniques et sans grande confession politique ? On le pensait étranger à ce monastère de l’intrigue et de l’ambition, et voilà qu’il s’en désigne comme un des plus fervents archevêques. Mesure-t-il ce qu’il lui faudra trahir de réputations pour faire partie de l’ordre des camelots ? Il lui faudra s’initier, au crépuscule de sa vie, aux techniques de l’immoralité, aux libertinages du mensonge, à l’impudeur du renoncement, aux inconvenances du pharisaïsme, bref à toutes ces vulgarités qui font le cynisme en politique et qu’on n’a jamais connues à Rédha Malek. Or ne le voilà-t-il pas déjà, lui le négociateur d’Evian, pris en flagrant délit de falsification, annonçant une « alliance avec le MDS » quand il ne s’agit que d’un futile compagnonnage avec quelques dissidents du MDS, annonçant le ralliement de Belaïd Abrika à l’« alliance des démocrates » quand la figure emblématique des arouch dit n’avoir jamais donné son accord à cette ligue dérisoire ? C’est que les collèges de l’esbroufe ont toujours besoin d’enseignes en trompe-l’oeil et Rédha Malek aurait dû le réaliser avant d’en être le proviseur.
L’homme au riche parcours a-t-il mesuré le risque qu’il y a à donner des démocrates algériens l’image classique et haïssable de l’escobarderie politique ?
Je me posais cette question quand je tombai sur l’article d’un autre historique, Mohamed Mechati (1) sur l’insurrection du 1er novembre. La réponse était là : c’est en s’éloignant du peuple qu’on tombe dans le discrédit politique. Et vice-versa : c’est en prenant le pouls du peuple qu’on prend la vraie température politique. Nous y sommes. Que nous apprend Mechati ? A la veille de l’insurrection « le peuple ne croyait plus à l’action politique. » Pire : « Il se sentait frustré par certains de ses dirigeants préoccupés essentiellement par la course au pouvoir. » Un demi-siècle plus tard, rien n’a vraiment changé : les politiciens, s’enfermant dans des corporations du délire et de la vanité, s’amusent à des élections qu’elles savent boudées, ignorées par le peuple occupé, lui, à de moins nobles soucis. Ils ignorent superbement, presque nonchalemment allais-je dire, le fossé qui sépare la société algérienne de ses gouvernants. « Achetez moi un peuple » , semble dire chacun de nos postulants au strapontin. Un peuple qui vote, cela va sans dire, et un peuple assez oublieux pour ne pas vous rappeler vos promesses trahies. Je pensais que ces caprices étaient la marque des politiciens impopulaires qui désespèrent de leur impopularité. Voilà qu’ils deviennent aussi le crédo de démocrates algériens, c’est à dire de politiciens qui devraient être aux côtés du peuple, même quand il boude les urnes, plutôt que du côté de ceux qui se désolent que la populace ne s’associe pas à leurs farces électorales. Or qui déplore, à l’avance, que « le problème fondamental qui va se poser est celui de l’abstention » (2)? Yazid Zerhouni, Ahmed Ouyahia ou Abdelaziz Belkhadem ? Aucun des trois. Ce désespoir sort de la poitrine de Amara Benyounès, chef de file des « listes démocrates », résolument décidé à faire le bonheur du peuple contre sa volonté.
Tout le débat de l’alliance démocratique se trouve coincée dans cette double question : comment la réaliser en dehors de la société et, d’autre part, comment réaliser l’union des personnes sans d’abord assurer celle des idées ? Or c’est bien à cela que nous invitent les promoteurs des « listes démocrates » aux législatives : à une consultation populaire au mépris de la volonté populaire ; à une façade de têtes vertueuses que rien n’unit sinon l’air du moment. Mais une coalition de démocrates n’est pas un défilé de majorettes. Elle se bâtit autour d’une charpente de trois ou quatre convictions communes, dont on sait qu’elles sont partagées par la société. Aujourd’hui, il faut, en gros, aux démocrates se mettre d’accord sur l’attitude face à l’islamisme, sur les libertés, sur le partage des richesses nationales et sur le sens de la modernité. Qui peut dire qu’il y a accord sur ces idées ? Qu’est-ce qui unit un parti qui soutient la Charte de Bouteflika, comme l’UDR, d’un parti qui la rejette violemment comme l’ANR ? La tartufferie, diront les uns. Le mariage d’intérêt diront les autres. Ah, les mariage d’intérêt entre l’histoire et la groseille ! Mais suffisent-ils à masquer la question : comment unir Amara Benyounès qui appelait à voter « oui » au référendum et notre brave ami Yacine Téguia arrêté par la police pendant qu’il placardait des affiches appelant à voter « non » ?
Aucun projet politique démocratique d’envergure ne peut se permettre l’économie d’un débat de fond. Les démocrates algériens doivent s’astreindre à l’épreuve du charbon, celle de concevoir, au contact de la société, un canevas commun qui corresponde aux espoirs populaires. Je ne doute pas qu’il puisse exister des esprits assez brillants pour penser pouvoir s’exonérer de cette besogne. Je ne doute pas non plus que parmi nos amis démocrates beaucoup font confiance à l’admirable avantage d’être politicien, c’est à dire, selon le bon mot de Claude Fournier, celui de toujours pouvoir se convaincre qu’en avançant soi-même on fait automatiquement progresser le peuple. Mais les chimères ne font pas une carrière politique.
Avec ces législatives, nous retournerons en 1954, l’époque où, selon Mechati « le peuple ne croyait plus à l’action politique. » Les démocrates algériens qui auront choisi d’y participer auront pris le risque de ressembler aux autres, à ces « dirigeants préoccupés essentiellement par la course au pouvoir. »
Ensuite, une fois revenus de 1954, après les déconfitures, après les désillusions, il sera peut-être l’heure de se regarder à l’échelle de l’histoire. Et de tirer les leçons. Toutes les leçons.
M.B.
1 Dans le Soir d’Algérie du 4 avril 2007
2 Dans le Liberté du 4 avril 2007
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Permettez moi Mr benchicou de vous dire toute ma gratititude mon estime pour ce que vous représenter à mes yeux.Aussitôt informé de votre blog ,je me suis hâter de m ‘y rendre.Sachez que vos écrits sont une bouffée d’air ,doxygène ,devant tous ces mensonges quotidiens qui nous sont déversés par tonneaux.Bouteflika ,l’injuste le tyran,le voleur,le menteur ,en un mot l’imposteur comme vous l’avait prénommé,croyait vous anéantir en vous jetant en prison.Dieu ,merci ,vous lui avait bien démontré votre capacité de résistance et de rebellion à son odre établi.Laissez-moi vous dire à présent ma joie de vous s’avoir libre aujourd’hui.et de continuer à vous lire.Continuer à nous illuminer de votre plume incisive tant redoutée par vos bourreaux et leurs valets.mon seul voeux,que votre journal populaire,le matin,retrouve sa place dans les kioques le plus vite possible.l’histoire retient et retiendra que les hommes libres ne meurent jamais et que le flambeau de la liberté personne ne l’éteindra,n’en déplaise à boutef l’assassin et son armada.votre ténacité aura raison de ces chorognard un jour ou l’autre.bon courage et bonne continuation.le combat continu! Abientôt.
Monsieur benchicou des personnalites opposantes parlent de tout sauf du FFS.Certe des divergences les ont liés avec ce parti par rapport a l’islamisme et l’arret du processus electoral de 92 mais tout de meme il restera le seul a ne pas avoir integrer les clans dup ouvoir et bein que je ne suis militant de ce parti j’admire ses positions .Lire Aslaoui et beaucoup d’autres cette position de nonreconnaissance est toujours presente .De la quelque fois je me pose la question est ce que ce n’est pas le fait que ce parti refuse d’integrer les clans qui les empeche .
J’admire votre courage et votre sincerité .repondez
vous me comprennez.
Rédha Malek n’est pas un historique du FLN (HISTORIQUE)