France-Algérie 2007-2016 : les trois idées de Sarkozy 26 juin, 2007
Posté par benchicou dans : Algérie-France : entre le passé et Sarkozy , trackback - Création, dès 2008, d’une université franco-algérienne réservée aux élites des deux pays
A la place d’un traité d’amitié dont il ne veut pas, Nicolas Sarkozy a réussi donc à convaincre les dirigeants algériens de conclure dès cet été – pendant ou juste après sa visite du 9 juillet- , une sorte de convention décennale de coopération pour la période 2007-2016 entre la France et l’Algérie. Sur quoi porte cette convention qui fait actuellement l’objet de discrètes tractations entre les émissaires des deux pays ? Le Matin a obtenu de sources françaises fiables, des précisions nouvelles à ce sujet. En gros, l’accord algéro-français 2007-2016 vise à rattraper l’énorme retard de l’Algérie sur le plan des connaissances modernes, du management économique et de la gestion des institutions locales. Le but semble être, selon nos interlocuteurs français et algériens, plus qu’une mise à niveau de l’Algérie, carrément un « désenclavement » du pays embourbé dans un décalage avec son époque et, de ce fait, inapte à rivaliser avec ses voisins de la future Union méditerranéenne et encore moins avec ceux de l’Europe. En arrière-plan se profile cependant un dessein inavoué : aider à l’implantation durable des intérêts français en Algérie.
En conséquences, et pour entrer dans les détails, la convention 2007-2016 portera donc sur trois domaines : la formation du capital humain; l’aide au secteur productif par la modernisation des administrations algériennes; l’appui à la gouvernance des communes et des espaces collectifs.
Axe prioritaire de la convention, l’appui à la “formation du capital humain”, est le plus entouré d’attentions et le mieux pourvu en moyens financiers et matériels. Il part d’un constat indéniable : la main-d’oeuvre et l’encadrement algériens sont désespérément sous-qualifiés en raison de la faiblesse de l’enseignement. Il faut faire vite et fort : Nicolas Sarkozy accepte de débloquer des fonds importants et d’introduire des facilités politiques exceptionnelles pour réaliser cet objectif. Essentiellement, l’objectif ici pour Paris est d’aider à l’amélioration de l’enseignement du français dans le primaire et le secondaire et de moderniser très vite l’enseignement supérieur en Algérie en favorisant, dès octobre prochain, des accords entre les universités françaises et algériennes sous forme de partenariat durable et même de jumelage. Il s’agira aussi de booster, dès l’automne 2007, la formation des cadres moyens et supérieurs algériens par des stages de perfectionnement assurés en France et en Algérie par des enseignants français dont on dit qu’ils sont déjà à pied d’oeuvre. Mais la grande surprise, la grande innovation de Sarkozy dans ce domaine est la création, dès 2008, d’une université franco-algérienne réservée aux élites des deux pays et qui assurera aux meilleurs cerveaux algériens des études poussées dans les conditions optimales. L’idée, en fait, est de créer cette nouvelle université en fédérant les “pôles d’excellence” dont certains existent déjà au niveau de certaines universités françaises et dont profitent des centaines de brillants esprits de notre pays.
Deuxième piste de la convention 2007-2016 : aider l’Algérie à avoir un vrai secteur productif, moderne et pourvoyeur d’emplois. Il ne s’agit pas seulement d’aider les entreprises françaises qui souhaitent investir en Algérie. Il s’agira surtout de créer les conditions d’accueil, de révolutionner les esprits, de former de vrais interlocuteurs en Algérie . Bref, il s’agira d’appuyer la modernisation de l’action des administrations algériennes dans des domaines les plus vitaux comme le BTP, l’agriculture ou les transports.
Troisième axe enfin : aider à gérer la cité, les communes, les quartiers, pour le bien-être de la population et le respect de l’environnement. C’est ce que Paris appelle « l’appui à la gouvernance ». Sarkozy entend en particulier développer la coopération décentralisée entre les régions françaises et algériennes. Des liens ont déjà été noués entre des villes françaises et algériennes. Mais on craint que la marge d’initiative très limitée dont disposent les élus locaux en Algérie ne soit un handicap insurmontable. A moins d’un accord exceptionnel entre Bouteflika et Sarkozy le 9 juillet…
Md B. ( Le Matin)
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Encore une fois, vos observations, M.Benchicou, sont tout à fait pertinentes.
Personnellement, je ne peux m’empêcher de faire le lien, quel que soit l’article à caractère économique que je lis, entre la thématique soulevée et le potentiel financier de l’Algérie.
Ce potentiel, je le situe autour de 200 milliards de dollars. Pour l’heure, je me contente de le chiffrer, mais je pourrais aisément le décortiquer, le détailler. Je peux en tout cas affirmer qu’il est crédible surtout si on en fait une approche juridico financière et économique.
Avec un tel potentiel donc, je m’interroge sur l’utilité d’aller sur le terrain des propositions françaises et, plus généralement, sur celles qui prennent appui sur le concept, de plus en plus banalisé, de mise à niveau (de notre gouvernance, de nos institutions, de nos entreprises…) d’autant que sur le terrain opérationnel, tout ce qui a été expérimenté en la matière a fini dans l’impasse.
Je crois aussi que nous avons ici les compétences nécessaires pour améliorer notre management et nos performances.
Je pense qu’il faut faire un travail de sensibilisation en ce sens car il n’est pas admissible que l’on engage (encore) des milliards de dollars puisés de nos réserves de change, à financer notre coopération bilatérale.
Entre 1980 et 1995, l’Algérie s’est endettée jusqu’au cou pour financer ses importations et ses entreprises publiques.
Entre 1995 et 1997, notre pays a dû rééchelonner une partie de sa dette(prés de 20 milliards de dollars) pour éviter la banqueroute pure et simple.
Entre-temps, entre 1990 et 1992, il a fallu reprofiler la dette(opération dite Crédit lyonnais)pour 1,5 milliards de dollars.
Dés 2004, notre pays a commencé à rembourser sa dette par anticipation, réussissant à ramener son encours à 4 milliards de dollars (parfaitement gérable).
2007 : réserves de change 90 milliards de dollars, mais comme je l’ai dit en termes de potentiel, 200 milliards de dollars !
Il serait malheureux de dilapider ces ressources et d’en affecter une partie non négligeable dans la couverture d’une « assistance » étrangère dont notre pays n’a pas besoin en réalité.
Il est urgent de faire appel à nos experts !
Il est urgent de mettre les compétences là où il faut ou, à tout le moins, les consulter avant toute prise de décision qui nous serait de nouveau fatale!
Avec 200 milliards de dollars, on n’a besoin ni d’IDE ni d’audit étranger ni de mise à niveau d’origine étrangère !
Je sais que le politique est un obstacle à ce genre de suggestion, mais il n’y a pas que le politique.
Quand on sait que Sonatrach a confié à des banques étrangères la gestion de ses avoirs extérieurs(quelques 2 milliards de dollars) alors qu’elle aurait dû impliquer activement les services compétents de la Banque d’Algérie, on peut se demander si, quelque part, il n’y a pas une complicité d’une partie de l’encadrement national dans la propension à vouloir tout confier aux étrangers.
Alors, agissons pour que la gestion de nos ressources financières ne soit pas externalisée !
Ahmed LBC
Merci pour ce magnifique article et la réponse qui est très réaliste.
N’oublions pas que nous sommes dans un monde concurrentiel et l’Algérie a les moyens de diversifier l’expertise des pays occidentaux comme l’Allemagne, voir des pays émergent (Chine, Inde, Brésil,…)