Les guerres en Algérie et la France 1 juillet, 2007
Posté par benchicou dans : Algérie-France : entre le passé et Sarkozy , trackbackpar Jean Daniel
Plusieurs amis et de nombreux correspondants m’ont fait part des observations que leur inspirait l’article que j’ai rapporté d’Algérie et qui sera publié dans le numéro du « Nouvel Observateur » qui est en vente jeudi 31 mai. Je comprends très bien que l’interprétation de certains faits observés sur place, à Alger et à Oran notamment, puisse susciter des réactions conflictuelles.
Par exemple, est-il vrai que le peuple algérien, contrairement à ses dirigeants, se souvient davantage de la guerre civile des années 90 que de la guerre avec la France de 1954 à 1962 ? Je ne peux répondre qu’une seule chose, à savoir que cela me paraît indiscutable. Cela ne signifie pas, évidemment, que nous autres Français devons nous servir de la guerre civile de 1990 (en effet particulièrement atroce) pour faire oublier les horreurs de la répression des forces armées française qui ont utilisé pendant l’année 1957 la torture et les bombardements.
Mais voilà, il y a un problème de culpabilité qui, lui, est français et même, si l’on veut, franco-français. La France doit évidemment regarder son passé en face sans complaisance ni masochisme. Savoir si le colonialisme français en Algérie a été non pas plus « positif » que les autres mais plus différent. En tout cas, c’est une question à part.
Car d’un autre côté, il faut laisser libres les Algériens de réagir comme ils le sentent et comme ils le veulent. Il se trouve que les deux tiers de la population algérienne ont moins de 30 ans et la moitié moins de 25 ans. Ils n’ont pas vécu ni l’humiliation de l’occupation coloniale ni les rêves de l’insurrection ni les horreurs de la répression. La décolonisation s’est traduite par un échec relatif sur le plan de l’avenir que peut espérer un jeune Algérien.
C’est pourquoi d’ailleurs, si l’on ouvrait les frontières, le nombre des jeunes Algériens qui arriveraient en France serait absolument considérable. Et cela malgré tout ce qu’ils apprennent sur les émeutes de banlieues et sur la discrimination. La France demeure à leurs yeux un havre d’autant plus attirant qu’il est déjà composé d’un million d’Algériens. C’est-à-dire – et c’est très important – qu’il y a plus d’Algériens en France aujourd’hui qu’il n’y avait de Français en Algérie à l’époque de la colonisation !
Mais de plus, on ne se souvient pas assez en France que la guerre civile provoquée par le FIS (Front Islamique du Salut), qui a rassemblé les terroristes islamistes, a fait près de 200.000 morts. C’est un chiffre qui n’est pas loin de celui des victimes de la première guerre d’Algérie. Le fanatisme et la barbarie avec lesquels les islamistes du FIS ont semé une terreur effroyable parmi les populations civiles d’Algérie est une chose que personne ne peut oublier. La politique de « réconciliation nationale » qui a conduit à une paix relative est le fruit non pas d’une aspiration idéaliste mais d’une résignation accablée. Les derniers attentats qui ont eu lieu à Constantine la veille des élections législatives algériennes ont été perpétrés par des terroristes faussement repentis et imprudemment libérés.
Dans ces conditions, on peut très bien comprendre que, privés d’avenir et de travail, et meurtris par les souvenirs de la guerre civile, nombre d’Algériens veuillent résider en France par laquelle leurs aïeux avaient été colonisés. Mais pour évoquer un paradoxe qui n’est pas sans signification, certains en arrivent à redouter que les jeunes immigrés qui sont abandonnés en France soient davantage susceptibles d’être récupérés par les islamistes qu’ils ne pourraient l’être en Algérie.
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