Sécurité alimentaire en danger : l’Etat a abandonné l’agriculture aux spéculateurs 25 août, 2007
Posté par benchicou dans : Entretiens , 2 commentairesEntretien avec Ould Hocine Mohamed Chérif. Président de la Chambre nationale d’agriculture (CNA)
» le gouvernement se désintéresse de la cause agricole «
Commençons par la crise de la pomme de terre. Qu’en est-il vraiment ?
A mon avis, il y a trop d’agitation autour de cette crise de la pomme de terre. Chacun y va de son propre chef pour expliquer la situation et entre temps la crise demeure toujours. Ce problème réside dans l’incompréhension totale de la filière de la pomme de terre. Une incompréhension par rapport à l’appareil de la production nationale, aux importations, aux capacités de production et au marché national. Commençons par ce dernier. Je vous donne une indication toute simple : de 2005 à 2007 qu’est-ce qui s’est passé ? En 2005, nous avons produit tellement de pomme de terre que nous ne savions pas quoi en faire. Les prix à la vente tournaient alors autour de 5 à 6 DA/kg. En 2007, la pomme de terre est à 70 DA, est-ce la faute aux agriculteurs ? Je ne le crois pas. Il y a des dysfonctionnements aujourd’hui qu’il faut relever.
Avez-vous identifié ces dysfonctionnements ?
Pour le faire, le ministère de l’Agriculture a décidé de charger la chambre nationale de reprendre l’ensemble de la filière de la pomme de terre. Cette dernière fédère plusieurs intervenants, à savoir l’agriculteur, le producteur de semence, le stockeur, l’importateur de semence et les fournisseurs d’intrants. En reprenant en main cette filière, nous nous sommes rendu compte que, depuis quelques années, les surfaces qui devaient être cultivées pour la production de la semence étaient laissées à la libre appréciation des opérateurs privés. Ces derniers décidaient à eux seuls de semer ou non les surfaces qu’ils exploitent et de la quantité qu’ils veulent eux-mêmes semer. Aucune autorité en Algérie ne pouvait les obliger à semer ou pas. Cela n’est pas logique et ce n’est pas de l’économie de marché, car l’économie de marché ce sont avant tout des règles à respecter, des engagements à tenir et des objectifs à atteindre. Là nous avons dit stop ! Cela ne peut plus fonctionner comme cela. Il y a plusieurs objectifs à prendre en charge, à savoir ceux de la collectivité locale, ceux de l’Etat et ceux des agriculteurs. Après enquête, nous nous sommes rendu compte qu’il y avait un désordre total dans le secteur, dans la filière, plus précisément dans l’aspect semences.
Quelle a été votre action en tant que Chambre nationale d’agriculture ?
Nous avons adressé un rapport au ministère de l’Agriculture qui a pris la décision de mettre de l’ordre pour savoir qui fait quoi dans cette filière. Nous avons commencé d’abord par les établissements de production de semences. Il y a une loi dans ce domaine précisément qu’il faudrait tout simplement appliquer. Deuxièmement, nous avons voulu voir de plus près ce qui se fait dans les importations des semences. Ici également, nous avons constaté que les gens, même s’ils disposaient d’un agrément du ministère de l’Agriculture, importaient les quantités qu’ils voulaient et les classes qu’ils voulaient (la semence est répertoriée en classes). Pour rester toujours dépendant des importations, ils nous ramenaient des semences de la dernière génération qui ne nous arrangent pas en tant que pays. Un cahier des charges a été instauré l’année passée pour fixer les règles de l’importation des semences.
L’Algérie ne peut-elle pas produire de la semence localement ?
Nous n’avons pas de laboratoires spécialisés pour produire de la semence.
Pourquoi ?
Parce qu’on n’a jamais voulu investir dans ce domaine. Nous avons un laboratoire public à Guelal dans la wilaya de Sétif, mais qui n’a jamais fonctionné. Ce laboratoire remettait en cause plusieurs intérêts. C’est un laboratoire canadien qui peut produire de la pomme de terre à partir de la souche. Pour l’instant, ce centre ne dépend pas du ministère de l’Agriculture mais du ministère de la Participation et de la Promotion des investissements. Personne aujourd’hui ne lui demande des comptes. Cela fait maintenant dix ans que nous appelons les pouvoirs publics à mettre en place ce centre.
Vous dites que le ministère a commencé à mettre de l’ordre dans la filière, mais nous n’avons toujours pas remarqué d’impact sur le terrain…
Les résultats de cette remise en ordre devront se sentir dès l’année prochaine (2008). Aujourd’hui, par exemple, c’est nous qui décidons de la quantité des semences à importer. Cela se fait en fonction de trois choses : de la production nationale de semence, de sa qualité et des besoins du marché. Nous sommes là pour chercher un équilibre des prix qui puisse satisfaire à la fois le producteur et le consommateur. Tous ceux qui activent entre ces deux parties de la chaîne, les intermédiaires en l’occurrence, nous avons pour mission de les casser. Il y a trop d’intermédiaires dans ce pays qui prennent des marges excessives.
Quels sont réellement nos besoins en pomme de terre et quelles sont nos capacités de production ?
Nos besoins sont de 1,3 million de tonnes par mois. Nos capacités de production sont deux fois plus importantes, soit plus de 2,5 millions de tonnes par mois.
Revenons maintenant à l’histoire des prix. Quelle est selon vous la raison de la flambée ?
Quand bien même j’y aurais ma propre explication, il demeure toutefois que la question doit se poser au ministère du Commerce. On s’est rendu compte que beaucoup de gens, en dehors des producteurs et des importateurs de la semence, produisaient de la pomme de terre destinée à la consommation. Ces gens-là, qui disposent également de chambres froides, stockent leur production pendant plusieurs mois sans pour autant que quelqu’un leur demande des comptes. C’est même un problème de santé publique. La pomme de terre est un produit périssable, le fait de la stocker en dehors des délais requis la rend impropre à la consommation. Le goût sucré d’une grande partie de la pomme de terre écoulée ces jours-ci est justement dû à son stockage pendant plusieurs mois dans des chambres froides ou même sous terre.
En parlant justement de la chaîne du froid, à combien estimez-vous le nombre de chambres existantes ?
Rien que pour les chambres subventionnées par l’Etat, nous comptabilisons un million de mètres cubes. Mais globalement, on dénombre 1,5 million de mètres cubes qui sont en entre les mains du privé. Ce dernier stocke ce qu’il veut, comme il veut et pendant la durée qu’il veut. Personne ne lui demande des comptes. C’est là où réside le problème aujourd’hui. Le chef du gouvernement vient de prendre une bonne décision en donnant instruction d’inspecter tous les stocks de pomme de terre à l’échelle nationale. De grandes quantités de pomme de terre stockées ont été découvertes à Hammadi et à Aïn Defla.
La crise de la pomme de terre a démontré finalement que l’Algérie ne disposait pas d’une véritable politique agricole…
Aujourd’hui plus que jamais, l’agriculture doit avoir tous les égards. Personnellement, j’interpelle le chef de l’Etat pour l’organisation d’une conférence nationale sur l’agriculture, car la crise que connaît notre agriculture aujourd’hui est un problème qui interpelle tout le monde.
Le PNDA n’est-il pas à même d’incarner la politique agricole nationale ?
Le PNDA, c’est quelque chose qui a été salutaire pour le pays, mais c’est un plan qui ne dure pas. Il faut une vision globale aujourd’hui.
C’est-à-dire…
Une stratégie ou une politique agricole implique tous les secteurs d’activités, pas seulement le ministère de l’Agriculture.
L’Algérie a-t-elle aujourd’hui les moyens humains et techniques pour faire aboutir une stratégie agricole ?
Nous avons tous les moyens pour réussir une politique agricole. Le seul problème qui se pose aujourd’hui, c’est le fait qu’il n’y ait pas de décision politique. Parce qu’au niveau du gouvernement, on se désintéresse de la cause agricole. Je vous le dis en tant que président de la chambre nationale. Je m’offusque aujourd’hui quand je vois les transformateurs de la poudre du lait, qu’on appelle aujourd’hui les producteurs, réclamant de l’argent qui, en principe, devrait aller au soutien de la production nationale. Nous ne réglerons jamais le problème de la consommation du lait dans ce pays en nous appuyant sur les importations. Il y a des capacités dans ce pays qu’il faut mettre à l’épreuve aujourd’hui. Nous avons la capacité de régler le problème de la production du lait dans les quatre ou cinq années à venir. Je vous cite un exemple très concret de l’incohérence qui règne au sein des pouvoirs publics. Le chef gouvernement a donné instruction au ministre de l’Agriculture de faire entrer 50 000 vaches laitières. Jusqu’à aujourd’hui, aucune vache n’a été ramenée. Et pour cause, le PDG de la BADR et ceux des autres banques refusent de soutenir le secteur de l’agriculture. Si l’Etat doit garantir la mise en place des cheptels, alors il n’a qu’à l’assumer. Il y a seulement deux choix pour l’Etat : soit importer l’alimentation pour ce peuple ou la produire localement. L’Etat a aujourd’hui suffisamment d’argent pour mener à terme ses politiques. Pour vous résumer, je dirai que c’est un problème de choix politique.
Il y a quand même des fonds importants qui ont été mobilisés dans le cadre du PNDA sans pour autant qu’il y ait des résultats palpables. Le désintéressement dont vous parlez ne réside-t-il pas surtout dans la mauvaise gestion des fonds publics ?
Je vous donne un chiffre, c’est à vous d’en tirer les conclusions. Un secteur aussi vital que l’agriculture bénéficie seulement de 3% du budget national. Ce secteur emploie pourtant plus de 25% de la main-d’œuvre active. Il a créé, en 10 ans, 1 million d’emplois et contribue au PIB pour près de 10 milliards de dollars. Pensez-vous réellement que nous avons la volonté de booster le secteur agricole dans ce pays ?
Les pouvoirs publics en Algérie ont toujours tendance à régler les crises qui touchent les produits alimentaires par des solutions conjoncturelles. Cette manière de procéder est loin d’être rassurante…
A chaque chose malheur est bon. Je pense que l’inflation mondiale sur les produits alimentaires ces dernières années va pousser les pouvoirs publics à réfléchir pour lancer l’appareil de production national et le secteur agricole dans le pays. Ils vont devoir opérer d’autres choix par la force des choses, parce que nous sommes tous des citoyens algériens. Il n’est pas normal que tous ce qu’on gagne en énergie de la main droite, nous le payons en alimentation de la main gauche. Il faut plus de sérieux, de rigueur et d’attention pour le secteur de l’agriculture. Je terminerai par vous dire cela : l’alimentation dans ce pays est une chose sérieuse pour la laisser entre les mains du privé. Il faut que les pouvoirs publics s’impliquent, il faut des cahiers des charges et il faut des conditions draconiennes pour qu’on ne joue pas avec la santé publique. Je ne suis pas contre le privé, mais je le répète encore une fois, il faut mettre de l’ordre rapidement dans le secteur.
Salah Slimani (El Watan)
Le feuilleton des dépossessions continue
Posté par benchicou dans : Algérie aujourd'hui,Non classé , 4 commentaires
Des parcours de golfs pour les Emiratis et la rue pour les algériens
Les opérations de dépossession des algériens de leurs bien immobiliers au bénéfice des investisseurs des pays du golfs continuent. Cette fois-ci le prétexte se présente sous la forme d’un projet de loisir dans le quartier dit des Grands vents à Dely Brahim, et cela à quelques semaines de la tentative de spoliation de 50 hectares pour la réalisation d’un parcours de golf pour des koweitiens dans la région de Zemouri à Boumerdés. Invoquant l’état apparent d’abandon du terrain en question, alors même que 250 chalets occupés par des familles s’y trouvent implantés, un décret annulant leur propriété a été publié en octobre 2006, faisant fi des actes et des livrets fonciers en leur possession. Les familles, propriétaires de plus de 3 hectares de terrain dans cette zone sur lesquels elles ont construit leurs maisons depuis plus de 10 ans, ne s’attendaient pas à ce qu’on les exproprie au motif « d’intérêt public et de priorité aux projets nationaux stratégiques » et qu’on les annexer à ce projet de parc de loisir baptisé « Douniya parc », initié par le ministère de l’environnement ! Selon des sources au fait du dossier, le terrain de Dely-brahim ainsi récupéré abritera un parcours de golf ainsi qu’un projet immobilier de standing.
En réaction à la décision de dépossession, les familles touchées ont exprimé leur refus catégorique de toutes initiatives de compensation, affichant leur volonté à recourir à la justice afin d’annuler ce décret publier sans aucun préavis.
(El khabar)
El-Moudjahid parle des « rumeurs, spéculations et radio-trottoir »
Posté par benchicou dans : Algérie aujourd'hui , 12 commentaires |
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La création d’un nouveau FIS se précise
Posté par benchicou dans : Algérie : Islamisme et terrorisme , 23 commentairesLe président Bouteflika entame la dernière étape de sa stratégie de réhabilitation de l’islamisme : dans les prochaines semaines, il devrait autoriser la création par les anciens de l’Armée islamique du salut, la création d’un nouveau FIS. En échange, les chefs de l’AIS « aideraient » à persuader les « frères au maquis » à déposer les armes.
Ce qui n’était qu’une forte supposition dans ce blog devient aujourd’hui une certitude. Le marché entre Bouteflika et l’AIS existe bel et bien : un nouveau FIS contre un cessez-le-feu. Madani Mezrag, l’ancien chef de l’ex-AIS vient de réaffirmer à un journal algérien son projet de créer son parti politique, malgré l’interdit de la Charte pour la réconciliation nationale. Mezrag affirme dans un appel téléphonique au quotidien L’Expression qu’«il n’est pas question de céder sur la création de notre parti. Nous rassurons pour la énième fois que nous allons concrétiser à 100% notre projet et nous marquerons notre retour sur le devant de la scène politique nationale». Pas de temps à perdre. Mezrag et ses anciens compagnons passent à l’action. «Nous allons tenir très prochainement notre congrès pour annoncer officiellement la création du nouveau parti», a-t-il encore insisté. Mais qui l’en autorise ? Avec des termes clairs, Mezrag indique qu’il a reçu des garanties pour la mise en oeuvre de sa machine politique. Il affirme: «Grâce à mes relations solides au sein du pouvoir, j’ ai reçu des garanties même de la part de ceux qui ont soutenu le projet de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale et même de la présidence».
Cette proposition de créer un nouveau FIS constitue le noyau des fameuses « nouvelles offres » qui vont être annoncées au bénéfice des « éléments récalcitrants » encore au maquis. Dans une interview à El Khabar, et à la question de savoir qui annoncerait cette offre, Madani Mezrag a déclaré que « c’est le pouvoir bien entendu, nous oeuvrons dans ce sens et nous apportons des suggestions mais les propositions serons émises par l’Etat ».
Tout est dit. Le chantage islamiste est en voie d’apporter ses fruits et de réaliser son principal objectif : la réhabilitation du FIS.
Nous y reviendrons.
L.M.
Selon Mezrag : Bouteflika va bientôt faire de nouvelles concessions aux terroristes
Posté par benchicou dans : Algérie : Islamisme et terrorisme , 2 commentaires
Dans un communiqué parvenu vendredi aux rédactions, l’instance dirigeante de l’Armée Islamique du Salut, A.I.S, annonce de « nouvelles initiatives » de l’Etat envers les terroristes qui maintiennent le combat armé dans les maquis. « Ils devraient recevoir de sérieuses offres dans un futur proche » disent les chefs de l’AIS. Ces nouvelles concessions concernent-elles l’agrément d’un parti islamiste « nouveau FIS ? Tout porte à le croire si l’on observe l’insistance de Madani Mezrag qui exhorté, dans un communiqué, ceux qu’il qualifie de « nos frères restés au maquis » de déposer les armes,de « craindre le bon Dieu et faire tout ce qu’ils sont en mesure de faire pour épargner le peuple et la Nation ». L’instance dirigeante de l’A.I.S fait miroiter de nouvelles offres qui vont être vraisemblablement annoncées ultérieurement, au bénéfice des éléments récalcitrants. Lors d’une interview accordée à El Khabar, et à la question de savoir qui annoncerait cette offre, Madani Mezrag, signataire dudit communiqué, a déclaré que « c’est le pouvoir bien entendu, nous oeuvrons dans ce sens et nous apportons des suggestions mais les propositions serons émises par l’Etat ». Interrogé sur la détermination de l’Etat dans cette initiative, Mezrag rétorque que « de nouvelles offres doivent être avancées, mais l’Etat et les insurgés doivent faire la moitié du chemin, chacun de son coté pour trouver une issue ».Cette nouvelle donne, estime les chefs de l’A.I.S « discrédite la poursuite de la lutte armée et ferait d’elle un gâchis et de la sottise, cette lutte fournira aux opportunistes, ennemis de l’Islam et de la patrie, un prétexte pour atteindre leur objectifs », en conséquence, les chefs de l’A.I.S, initiateurs de la trêve depuis 1997, réaffirment que « nous conjurant les deux partis, l’Etat comme nos frères du maquis, à faire tout ce qu’ils sont en mesure de faire pour épargner le peuple et la Nation ».D’autre part, Madani Mezrag fait part, dans le communiqué de sa « gratitude envers le Président de la République qui s’est distingué par sa présence à travers une délégation officielle, ainsi qu’à travers le Chef du Gouvernement qui a tenu à être présent personnellement au côté des autorités militaires qui se sont manifestées dés les premiers instants du drame ». L.M.
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L’Algérie à bout de souffle ? 24 août, 2007
Posté par benchicou dans : Algérie aujourd'hui , 23 commentaires
C’est ainsi que titrait le quotidien El Watan du 23 Août 2007 *. A un détail prêt, l’éditorialiste Ali Bahmane n’utilisait pas de point d’interrogation
La nuit dernière, à 1H30 du matin, mon téléphone sonne. Le numéro qui s’affiche commence par 00 213… C’est un ami d’Algérie qui m’appelle avec un tremblement dans la voix. «Il paraît que Boutef est mort, il est chez vous. Tu peux me confirmer l’information ?» Je me lève donc en pleine nuit, rallume mon ordinateur, me branche sur I.télé, mais rien ! Pas trace de cette nouvelle. L’Algérie est au bord de la crise de nerfs. Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir depuis 1999, se porte très mal et sa succession laisse planer un doute énorme sur le pays.
Certes le président algérien, élu avec des scores qui frôlent le ridicule, n’aura pas su se débarrasser de la corruption, ni des généraux qui gardent une main de fer sur l’économie et la politique. Mais Bouteflika sera tout de même celui qui aura réussi à pacifier le pays et à l’ouvrir un peu à l’économie de marché, ce qui a déjà permis aux Algériens de rompre avec les pénuries qu’ils connaissaient depuis des années.
J’ai traversé l’Algérie d’Est en Ouest cet été. C’est un magnifique pays et sur les 1400 km que j’ai parcourus, il y a des centaines d’histoires qui sont sorties de partout. Comme celle de ce plombier qui raconte qu’un matin, il n’a pas retrouvé son jeune frère dans son lit. Avec quelques amis du village, il avait secrètement tout vendu pour acheter un petit bateau à moteur et rejoindre l’Espagne. Lui et ses compagnons étaient parvenus à rejoindre la côte espagnole mais avaient été aussitôt expulsés vers leur village, où ils étaient revenus la tête basse. Ils ont eu plus de chance que les dizaines de Harragas qui se sont échoués sur les côtes cet été.
Il y a aussi le récit de cet ingénieur qui a quitté son emploi public en 2000 pour se lancer avec un associé dans un programme immobilier d’une vingtaine d’appartements. Pensant profiter de la modernité promise par Bouteflika, il avait prévu de boucler ce programme en deux ans, mais avec les lenteurs de l’administration algérienne, il n’avait toujours pas terminé son projet en 2007.
Et puis cet enseignant à la retraite d’une petite ville de la banlieue d’Alger, qui n’avait même pas les moyens de s’installer une citerne sur son toit et qui allait tous les jours remplir des bidons d’eau à la pompe à essence. Il était cinquième sur la liste d’un petit parti aux municipales et en raison d’une stricte égalité avec la liste du maire sortant, il a été propulsé premier citoyen de la ville au bénéfice de l’âge. Il collectionnerait aujourd’hui les voitures et les appartements.
Les journaux ne cessent de mettre en « une » les affaires de corruption mais rien n’y fait. Les journalistes prennent aussi un malin plaisir à dénoncer l’inactivité de l’Etat algérien qui laisse sa jeunesse tenir les murs et fantasmer sur l’Europe en regardant la parabole (70% de la population a moins de 25 ans). Cela sonne comme une insulte, pourtant, l’Algérie est le pays le plus démocratique du Maghreb. Mais c’est aussi le plus en retard. En retard dans ses infrastructures, son réseau de transport, son économie, son agriculture…
Et face à tout cela, toujours la même question qui tourne dans la bouche des Algériens, en plus du tabac prisé qu’ils ingurgitent à longueur de journée: mais où est l’argent ? Avec le prix du baril à plus de 70 dollars et le classement de leur pays parmi les premières puissances gazières, les citoyens n’en peuvent plus d’acheter le kilo de viande à près de 7 euros, quand le salaire mensuel d’un maçon avoisine 150 euros.
Où est l’argent ? En me promenant dans les rues d’Alger, j’ai vu plus de 4X4 Touareg ou d’Audi Q7 que je n’en vois dans Paris. Mais où est l’argent ? Dans les quartiers résidentiels d’Alger, les villas de trois étages qui frôlent les 300 mètres carrés poussent comme des champignons. On voit bien les Chinois s’affairer en ce moment sur des grands projets lancés par l’Etat (lire l’article de Serge Michel): autoroute Est-Ouest, aéroport de Tlemcen, plus d’un million de logements sociaux… Mais le compte n’y est pas.
Malgré cela, les Algériens s’accordent à dire que les choses vont un peu mieux depuis 1999. Alors, si la rumeur de la mort de Bouteflika rode avec autant d’insistance, c’est parce que tout le monde s’inquiète de la suite des évènements.
Mohamed Hamidi (Bondy Blog)