Lettre d’un Europén : Comment ne pas voir l’Algérie comme une bombe à retardement ? 14 septembre, 2007
Posté par benchicou dans : Nos lecteurs analysent l'actualité , trackbackJe suis frappé par l’éternelle paranoïa qui règne sur les commentaires de ce forum et sur les commentaires de la presse Algérienne en général. L’éternel « hizb fransa » qui revient en boucle depuis maintenant 50 ans, le parti de l’étranger, l’autre, le méchant, le salaud, le roumi, le « complot ourdi », le évangélistes, les chiites, les blonds, les roux, tous ces malfaisants qui en veulent tant à ces pauvres Algériens, justes parmi les justes, peuple élu, glorifié à jamais par l’éclat de la plus grande révolution du 20ème siècle (c’est une expression que j’ai lu récemment dans la presse Algérienne, je vous le jure, je n’invente rien).
Ce qui me frappe également c’est l’Acharnement que met l’Algérie (pour être plus précis ses « décideurs » que personne ne connait vraiment) à prendre aussi systématiquement depuis l’indépendance des options qui se révèlent catastrophiques à long terme. Expulsion voulue et programmée des pieds noirs, Socialisme soviétique matiné d’Islamisme (dès le début), élimination de toutes oppositions d’essence démocratiques dans les années 60, industries industrialisantes, sacrifice de l’Agriculture, coup de pouce à l’Islamisme, Arabisation hors sol dans les années 70-80, retours aux accomodements avec l’islamisme dans les années 2000 (à l’armée le pouvoir économique, au imams le contrôle social et les vaches seront bien gardées !).
Un tel acharnement des décideurs à mal décider, à se planter sur les orientations stratégiques ne peut effectivement que poser à long terme le problème de la survie du pays. Mais à qui la faute ? qui incriminer ? la recherche de boucs émissaires extérieurs ne fait que rendre plus insoluble encore le problème.
Tout est suspendu à la rente pétrolière. La guerre civile des années 90 s’explique principalement par la crise économique consécutive à l’ajustement des prix pétroliers à partir de 1984. Plus de pétrole, finies les miettes à distribuer.
Mais aucune leçon de ce drame n’a été tirée. A la prochaine baisse des prix, ca recommencera. Entretemps, ca vivotera.
Alors oui, comment ne les voisins ne peuvent ils pas voir, quand on regarde à long terme, l’Algérie comme une bombe à retardement ?
Comme le dit Fellag dans un de ses sketchs, on a même l’impression que l’Algérie attend son prochain colonisateur.
Qu’on aime ou qu’on n’aime pas l’Algérie, ce n’est pas vraiment le problème. Beaucoup d’Algériens sont très (trop) émotifs. Ceux qui se réjouissent des difficultés de l’Algérie n’ont peut être pas conscience du potentiel de destabilisation structurelle que cette situation est susceptible de créer.
L’Europe a tout intérêt à une stabilisation de la situation. Les politiques extérieures fondées sur les intérêts sont beaucoup plus seines et moins meurtrières que celles fondées sur les idéologies et les mythes. On peut dealer quand il s’agit d’intérêts. On ne peut pas transiger sur des principes.
Contrairement à ce qu’on s’imagine d’Algérie, je suis frappé également par le manque d’intérêt des élites Francaise pour le sujet qui est vu de manière très superficielle. Je risque encore une fois de heurter l’amour propre de certains internautes, mais les journeaux Francais sont peu prolixes sur le sujet.
Enfin quelques remarques sur les posts précédents : de quelle arme pétolière disposent les pays producteurs ? si ils ne vendent pas leur pétrole, ils en font quoi ? ils le vendent aux Chinois ? les voilà les futurs colonisateurs de l’Algérie ! vous avez aimé les Français, vous adorerez les Chinois. Ce n’est pas très sérieux, tout ça.
Cela étant dit je comprends que la Chine puisse représenter un modèle pour les décideurs Algériens. la dictature, la corruption avec de la croissance économique. Super comme modèle, non ?
Georges
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.
Votre observation de la courbe démographique est perspicace.
Gardons le pessimisme pour des jours meilleurs.
Vous lire est un plaisir.
Amitié
Mohamed(1).
Bonjour,
Je ne pense la référence au modèle occidental explique à elle seule la transition démographique en Algérie, même si ce facteur a également joué via la télévision (développement des paraboles dans les années 80) et l’immigration.
C’est un phénomène très global, qui touche très fortement le Brésil, la Turquie, tous les pays du Maghreb, l’Iran, l’Inde, la Chine. On ne peut pas m’expliquer que l’Algérie vit sur une autre planète.
Dans ce vaste mouvement Deux zones géographiques restent à des degrés divers en retrait : les pays Arabes du Machrek et les pays d’Afrique noire qui continuent à faire beaucoup d’enfants.
Cela me fait penser que dans les prochaines années les pays du Maghreb devront faire face à des phénomènes migratoires grandissants venus d’Afrique Subsaharienne. On en voit déjà les prémices en Lybie, au Maroc et en Algérie. L’Europe fermant ses frontières, ces populations seront tentées de se fixer sur place.
J’invite les internautes à examiner de près les questions démographiques :
- elles permettent de trouver des explications au phénomènes historiques de longue durée : pour l’Algérie le différentiel démographique entre Musulmans et pieds noirs est un des facteurs explicatifs de la guerre d’indépendance et surtout de son issue ; la crise des années 90 peut s’expliquer par l’arrivée à l’âge adulte dans ces années des générations nombreuses des années 60 70 ;
- elles se prêtent facilement aux projections à 40/50 ans dans la mesure où elles reposent sur des tendances lourdes de long terme.
Il faut tout de même faire attention de ne pas en abuser car on a connu de beaux plantages dans ce domaine (les prévisions du Club de Rome dans les années 70 par exemple)
Je suis intéressé par la proposition de ArbiDZ concernant le fait qu’on ne parle pas assez de la culture et la sociologie du peuple Algérien. Ne parler que du pouvoir mafieux, de l’Islamisme, de la laïcité, de corruption, de relation France Algérie, de l’Arabité fait un peu tourner en rond les discussions. C’est un peu toujours les mêmes histoires qui se racontent. Qu’il propose des sujets.
Parler nous de l’initiative, oh combien importante pour l’avenir du pays et sa sécurité, de Ait Ahmed, Hamrouche et Mehri, monsieur Benchicou oublier un petit peu votre ennemie et consacrer vous àl’algérie. « Avant, vous n’avez jamais dit un seul mot à propos de khalifa, et aujourd’hui que les frères de boutef sont impliqués vous en salivé de bonheur, nous lecteurs en sent en vous que vous jouissez a l’idée de voir les freres de boutef en prison ,SOYANT SERIEUX BENCHICOU ET PARLER NOUS UN PEUX DE L’INITIATIVE D’AIT AHMED,MEHRI,HAMROUCHE
Monsieur Georges, vous évoquez un certain nombre d’éléments liés à la défiance qui marque quelque fois, côté algérien, la relation algéro-française, et vous semblez les trouver excessifs et non fondés.
Je voudrais vous livrer, ainsi qu’à nos autres amis du forum, des indications sur une question économique et financière, à mon sens digne d’intérêt.
Il s’agit du risque Algérie et plus précisément de son évaluation par la Coface (Compagnie française d’assurance des crédits à l’exportation).
Cette compagnie (au sein de laquelle siègent deux commissaires du gouvernement représentant l’État français) a toujours noté sévèrement le risque d’Algérie, et ses appréciations analytiques de la situation économique algérienne ont toujours été tendancieuses.
Très concrètement, durant la période 1990-2000, la Coface exigeait des banques algériennes bénéficiaires de crédits de type acheteur (crédits export) destinés à financer des importations de biens d’origine française, le paiement de primes d’assurance(primes de garantie) de l’ordre de 12% !.
Ces taux de primes étaient naturellement exorbitants; la Coface les expliquait par la situation sécuritaire qui prévalait alors en Algérie ainsi que par des incidents de paiement sur les transferts de devises.
Côté algérien, en haut lieu, on trouvait l’argument plus ou moins objectif.
Mais la Coface a maintenu son évaluation abusive du risque Algérie y compris lorsque la situation macro économique et financière de notre pays a commencé à s’améliorer à partir de l’année 2000 avant de connaitre une vraie embellie dés 2004, embellie qui se poursuit au demeurant (80 milliards de dollars de réserves de change, mais en réalité un potentiel global de 200 milliards de dollars).
A partir donc de l’année 2000, en dépit de l’amélioration notable de la situation en Algérie au triple plan sécuritaire, économique et financier (les incidents de paiement ont totalement disparu), et, alors qu’on s’attendait à une révision à la baisse substantielle du risque Algérie par la Coface, on s’est retrouvé au contraire avec un rating toujours pénalisant (8% à 10%).
Ce n’est pas tout, la Coface, comme vous le savez, exerce un leadership sur les autres assureurs de l’Union Européenne.
Cela signifie que l’évaluation de la Coface lie en quelque sorte celle des autres organismes d’assurance européens.
Au surplus, c’est bien à ce niveau que des manipulations, des ingérences et autres interférences ont été rendues possibles, empêchant l’Algérie de tirer quelque profit de la concurrence sur la scène financière et commerciale internationale.
La Coface a tué cette concurrence en exerçant son pouvoir d’influence sur les autres assureurs intéressés par le marché algérien.
Autre élément à signaler : dans le chapitre de son bilan annuel consacré à l’Algérie, jamais la Coface n’a intégré dans ses analyses, les transformations tangibles que le système économique et financier algérien a connues.
J’ai régulièrement consulté et analysé les bilans Coface et j’ai pu me rendre compte des réserves fallacieuses, mystificatrices et, je le redis avec force, tendancieuses que l’assureur français a toujours avancées pour dissuader les entreprises françaises et autres de faire des IDE en Algérie.
Alors que l’Algérie dispose d’un matelas devises plus que significatif, alors que nous avons remboursé par anticipation 16 milliards de dollars de dette extérieure, alors qu’il n’y a plus d’incident de paiement sur les transferts, alors que nos importations (24 milliards de dollars en 2006) sont payées cash, eh bien la Coface trouve toujours à redire au sujet de l’Algérie.
Quand on décortique le prisme sous lequel la Coface évalue l’Algérie, on comprend un peu mieux pourquoi il faut, de temps à autre, remettre les pendules à l’heure.
Le diktat de la Coface est inadmissible !
Je reconnais toutefois que nos dirigeants n’ont toujours pas pris toute la mesure de l’action néfaste de la Coface sur nos relations financières et économiques extérieures.
Je précise que les indications que je viens de livrer sont tout à fait partielles et sommaires.
S’agissant d’une question éminemment technique avec certes des répercussions politiques importantes, je n’ai pas voulu épiloguer davantage pour ne pas lasser les lecteurs.
Mais, en cas de besoin, je reviendrai sur d’autres détails déterminants des stratégies pernicieuses de la Coface.
Batni Trolard, juriste et financier
Bonjour Monsieur Trolard, vous êtes certainement bien meilleur connaisseur que moi des mécanismes financiers de couverture des risques à l’exportation. Je resterai donc prudent dans ma réponse.
J’observe néanmoins que la Coface est privatisée depuis le milieu des années 1990. En tant que premier groupe privé mondial en matière d’assurance à l’export c’est vraisemblablement un partenaire incontournable pour l’Algérie. J’imagine également que son statut d’entreprise privée et son positionnement sur le marché l’obligent à préserver sa crédibilité.
La Coface garde néanmoins des liens étroits avec l’Etat Français notamment pour ce qui concerne l’évaluation des risques politiques. A ce titre il me semble que le classement du rique pays s’est progressivement amélioré depuis 2004/2005 pour atteindre des niveaux comparables à ceux des autres pays du Maghreb, ce qui m’étonne beaucoup à titre personnel.
L’exemple que vous citez (le risque acheteur) relève davantage des activités purement privées de la Coface que de ses activités pour le compte de l’Etat Français.
Je vois donc dans l’exemple que vous me donnez davantage la manifestation d’un certain cynisme économique de la part d’un intervenant privé au plus mauvais moment pour l’Algérie que la manifestation d’une volonté politique orchestrée.
A Mr. El Anka,
Permettez-moi de vous préciser que Mr. Benchicou est un journaliste qui développe ses idées et ne vous les impose pas, contrairement à nos dirigeants. L’affaire Khalifa est une affaire bien connue de tous les Algériens et ces derniers savent que tout le gratin du pouvoir est mouillé jusqu’à l’os. Quant à l’initiative de Mehri, Hamrouche et Ait Ahmed j’aimerai bien connaitre ton avis sur la question…
En te remerciant et saha ftourek.
Il est utile de signaler que le statut plutôt spécifique de la Coface lui permet de :
- paramétrer de façon totalement discrétionnaire le volet politique du risque pays ;
- refuser d’établir de facture (de prime d’assurance) aux emprunteurs ;
- représenter l’Etat français au club de Paris ;
- exiger en 1995 de l’Algérie comme préalable au rééchelonnement de sa dette le paiement de plus de 400 millions de FRF représentant a priori des arriérés mais dont la moitié s’est révélée par la suite non fondée ; l’Algérie n’a récupéré son dû que laborieusement (plus de 3 ans de démarches).
La relation Coface-Etat français est floue ; elle permet en tout cas aux banques françaises et aux pouvoirs publics français de tenir un discours économique lénifiant et plein de bonnes intentions à l’égard de notre pays tout en se défaussant sur la Coface pour expliquer pourquoi les entreprises ne veulent pas faire d’IDE en Algérie et pourquoi elles doivent se contenter de nous vendre des biens et services.
Batni Trolard
Monsieur Trolard, je n’ai aucune raison de ne pas croire ce que vous dites. Mais essayez d’être plus didactique parce que je ne comprends pas tout.
Une seule remarque : je ne vois comment évaluer de façon « totalement objective » un risque politique.
et une question : comment les concurrents de la Coface traitent-ils l’Algérie ?
L’amélioration de la situation sécuritaire en Algérie, ces cinq dernières années, n’a jamais vraiment été prise en compte par la Coface qui évoque à peine (qui effleure, devrais-je plutôt dire) la bonne tenue des indicateurs macroéconomiques et financiers.
Aujourd’hui, La Coface met en évidence notre extrême dépendance aux hydrocarbures et met en garde contre de possibles incidents de paiement(sur ce risque, c’est de la fiction pure !).
Cette approche parcellaire est tout le contraire d’une approche objective.
Autre point non objectif : je le redis, le paramétrage (éléments de calcul) du risque politique n’est pas communiqué aux emprunteurs; les prêteurs eux-mêmes disent qu’ils ne le connaissent pas (?).
Position des assureurs concurrents : les assureurs de l’UE sont conditionnés par la position Coface non pas au niveau de la notation (consensus OCDE) mais dans les discussions relatives au rééxamen du risque pays.
Cela dit, au niveau opérationnel, la différence est importante : les concurrents restituent les trop-perçus, la Coface refuse de le faire (il y a une multitude de catégories de trop-perçus).
En soulevant le thème Coface (cité à titre indicatif), je voulais surtout montrer implicitement les limites des discussions abstraites et philosophiques sur la relation algéro française.
Batni T