Existe-t-il un horizon indépassable pour les démocrates ? 19 mai, 2007
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Par M.Mahiout
Signe de régression et d’appauvrissement du débat démocratique mais aussi et surtout du débat inter démocrates, la pratique de l’entrisme est assumée et revendiquée presque fièrement par des pans entiers de la mouvance démocratique.
Pourtant, cette pratique de l’entrisme politique est un vieux débat qui a accompagné toute la décennie 90 où la construction d’un pôle démocratique autonome était à l’ordre du jour. Elle remonte même au temps où le FLN, parti unique, l’utilisait comme argument pour attirer en son sein la jeunesse et l’intelligentsia activiste très critique à son égard. Ceux qui à l’instar de Mr. A Benyounes font de la nécessité de se joindre au système pour le reformer de l’intérieur leur cheval de bataille n’ont donc rien inventé.
La nouveauté est ailleurs.
Elle réside dans le fait que ses promoteurs font de l’adoption du principe de l’entrisme une condition préalable à la construction du pôle démocratique. En claire, selon eux, en dehors de se rassembler derrière Bouteflika, il ne reste plus rien à faire. Autrement dit, cette posture entriste est présentée comme l’horizon indépassable pour les démocrates.
Cette posture à laquelle on donne l’apparence de la nouveauté fait l’impasse sur la critique des expériences passées, car des politiques estampillés démocrates à l’image de A Benyounes lui-même sous les couleurs du RCD de Saïd Sadi l’ont essayé. Ils devraient donc en toute logique commencer par nous dresser un bilan de leur expérience pour nous convaincre de la nécessité de la reproduire. Cela profiterait également à d’autres démocrates qui se découvrent des âmes de « repentis » tels ceux qui ont provoqués une crise interne au MDS (Hocine Ali et consorts).
Parce qu’au fond, lorsqu’on a pratiqué l’entrisme, qu’on a constaté de visu ses limites et qu’on y tient encore, c’est forcément pour des raisons autres que de faire avancer le démocratie.
Exprimé clairement ou par la bande, ces organisations politiques font de l’allégeance à Bouteflika et du soutien de son ‘programme’ l’unique et exclusif credo politique à proposer aux démocrates algériens. La sacralisation du personnage et de son programme par des démocrates bon genre à de quoi laisser pantois. Car voilà des leaders politiques dont l’ambition déclarée était de prendre le pouvoir pour refonder l’état sur des bases républicaines, démocratiques et pluralistes, qui renoncent à tous les attributs d’organisation politique :
- Pas de programme politique, car il s’agit d’apporter son soutien au programme du président.
- Pas de projet de société puisqu’il s’agit de rejoindre, de se situer à la périphérie, en tous cas de faire cause commune avec une alliance ou se fondent les islamistes, les nationalistes conservateurs, les nationalistes démocrates et autres flagorneurs.
Le FLN, le RND et le MSP sont ils de partis politiques ?
Un parti politique cesse d’exister dés qu’il n’a pas d’identité, qu’il renonce à son programme et à son projet de société. Or les trois partis de l’allégeance présidentielle l’ont fait depuis longtemps.
Pour fonder une alliance politique, à défaut d’un programme négocié, il faut au minimum partager un socle de valeurs communes. Ce n’est pas le cas de cette alliance. Ce qui fait de cette bizarrerie politique toute algérienne où se retrouvent des organisations politiques aux antagonismes évidents (du moins au niveau des discours et des textes fondateurs) est un non-dit.
- C’est la pérennité du système de pouvoir en Algérie tel qu’il a été structuré envers et contre les algériens.
- Son programme est la distribution clientéliste de la rente pétrolière à l’insu de la société en prenant soin d’ouvrir, quand c’est nécessaire, une soupape de sécurité pour éviter toute intrusion fâcheuse des citoyens dans les affaires de la cité.
- Sa mission principale : combattre toute velléité d’expression ou d’organisation autonome de la société.
Les « parties » de l’alliance sont les instruments politiques de l’état, lui-même devenu un organe de gestion d’intérêts particuliers doté de pouvoirs régaliens, sous la houlette apparente d’un président démiurge que l’on situe au dessus de toute critique, lui comme son programme.
Comment comprendre autrement les déclamations à l’unisson des leaders de ces organisations quand ils martèlent qu’en ce qui concerne la constitution ils soutiendront les décisions du président quelles qu’elles soient, qu’ils ont voté au parlement la loi sur les hydrocarbures quand il l’a voulu et agit de même quand il lui a fait changer de cap.
Nos démocrates new look, les nouveaux démocrates repentis, n’ont d’autre projet à proposer que d’utiliser les suffrages de leurs concitoyens pour se faire une place dans cet espace déjà encombré de la démission et du renoncement politiques.
Bien entendu il est servi une panoplie d’arguments grandiloquents sur le bien fondé de la démarche, arguments dont la seule fonction est rhétorique. Tel que « allons nous laisser Dieu et la patrie aux islamistes ? » quand l’islam politique a démontré depuis longtemps qu’il est apatride et que par ailleurs si le Dieu est unique, la notion qu’en a chaque être humain est différente.
Ce qui est précisément espéré des démocrates, c’est justement de ne rien abandonner aux islamistes et de bâtir un état qui défend la patrie où chacun peut défendre pacifiquement la notion qu’il a de Dieu.
Quant à l’idée de barrer la route à la fraude en participant aux élections est tellement étriquée qu’elle ne mérite pas de commentaire.
Une autre attitude consiste à guetter les inflexions dans le discours officiel ou à piaffer à l’annonce de certaines décisions telles que la réforme du code de la famille, du système éducatif, en les présentant comme les preuves qu’au sein du système luttent des forces acquises à la modernité et à la démocratie. Les algériens ont pu voir maintes fois les montagnes des effets d’annonce accoucher de souris dés qu’il s’agit de positions sur lesquelles sont arque boutés les forces islamo-concervatrices qui, à l’inverse des démocrates, ont toujours fait preuve de cohérence avec leur projet de société :
Les islamo-conservateurs ne se sont pas trompés quand ils ont fait la guerre totale à Boudiaf alors que les démocrates le soutenaient, comme ils ne se sont pas trompés quand ils ont accueilli à bras ouverts Bouteflika en 1999 alors que les démocrates se sont fourvoyés en le cautionnant. La preuve en est que les démocrates dont Benyounes lui-même ont du quitter ‘le gouvernement qui tire sur les civiles’ avait-il déclaré à l’époque (printemps 2001). Parce qu’à l’entendre parler, on a comme une impression qu’il regrette de l’avoir. Nous attendons qu’ils nous expliquent ce qui a changé dans ce système qui motive son désir de le rejoindre après avoir claqué la porte. A moins qu’il assume qu’en 2001, il a quitté le pouvoir du ‘gouvernement’ mais non celui de Bouteflika.
Les groupes d’intérêts ont fait le choix des alliances politico idéologiques qui garantissent au mieux la pérennité et la stabilité du système qui les sert.
Ce système a fait le choix du compromis stratégique avec l’islamisme pour assurer sa survie. Il a épuisé toute possibilité d’évolution en son sein. S’il a existé un potentiel démocratique au seins de ce système, il est rentré dans un coma profond le 29 juin 92, déclaré cliniquement mort lors du printemps noir de 2001 et définitivement enterré le 08 avril 2004.
Les processus électoraux biaises de bout en bout et entièrement maîtrisés par le pouvoir sont un élément de son dispositif de maintien.
Le choix de survie, quoique il en coûte à la nation, du pouvoir en place est porteur de graves menaces pour la cohésion sociale et la stabilité du pays.
La sauvegarde nationale a besoin d’un puissant mouvement démocratique à construire en dehors et contre le système.
La lassitude ou la difficulté ne pourront justifier la compromission.
Merhab Mahiout
Algérie : Les élections législatives analysées par Le Monde (édition samedi 19 mai) 18 mai, 2007
Posté par benchicou dans : Algérie : analyses et polémiques , ajouter un commentaireAlgérie, la défiance
e n’est pas une surprise : jeudi 17 mai, la grande majorité des Algériens a boudé les urnes des élections législatives. Selon les résultats officiels, le taux de participation n’a pas dépassé 35 %, un chiffre que nombre d’observateurs sur place estiment, en outre, gonflé par les autorités. Cette abstention massive témoigne du peu d’intérêt des Algériens pour un scrutin législatif sans enjeu, le troisième depuis celui qui, au début des années 1990, vit les islamistes arriver aux portes du pouvoir et le pays sombrer dans la « sale guerre ». Il est vrai que, à Alger, la réalité du pouvoir est détenue par le chef de l’Etat et une poignée de responsables des services de sécurité. Le Parlement n’est qu’une chambre d’enregistrement contrôlée par le pouvoir exécutif. Les électeurs le savent parfaitement. Jamais, pourtant, depuis l’indépendance de l’Algérie, en 1962, le taux de participation n’avait été aussi faible. Lors des législatives précédentes, il était officiellement de 46 %.
La vraie surprise de ce scrutin est venue d’ailleurs. A la suite de bourrages d’urnes, de violences et d’incidents divers provoqués par le Front de libération nationale (FLN), l’ancien parti unique, la Commission nationale de surveillance des élections s’est adressée au chef de l’Etat, Abdelaziz Bouteflika, pour lui demander de « mettre fin aux abus graves », qui ont « dépassé les limites des cas isolés ». C’est une première, significative. Car le président de cette commission, Saïd Bouchaïr, n’est autre que l’ancien président du Conseil constitutionnel. En 1997, lors d’élections locales entachées, elles aussi, de fraudes massives, le même homme n’avait rien trouvé à y redire. Il avait entériné la mascarade électorale et les partis avaient protesté en vain.
Qu’un homme du sérail comme M. Bouchaïr se manifeste aujourd’hui publiquement témoigne que la guerre de succession est lancée en Algérie. Niée par son entourage, occultée par les médias, la maladie du chef de l’Etat est un secret de Polichinelle. Dans l’ombre, des clans s’activent pour lui trouver un successeur acceptable par l’armée et les services de sécurité.
C’est dans ce contexte que l’émoi de la commission doit s’analyser. Elle est un signal de défiance envoyé au patron du FLN, l’actuel premier ministre, Abdelaziz Belkhadem. L’homme inquiète certains milieux sécuritaires, qui le jugent trop proche des islamistes. Les « décideurs », comme on appelle en Algérie ceux qui détiennent le pouvoir, ne sont pas tous disposés à voir le chef du gouvernement succéder à M. Bouteflika le jour où il disparaîtra. La bataille de succession est bel et bien engagée. Elle l’est comme d’habitude, à l’abri des regards des citoyens et hors tout processus un tant soit peu démocratique. Il est malheureusement difficile d’imaginer que le pouvoir puisse ainsi regagner la confiance des Algériens.
Florence Beaugé : “les résultats des législatives reflètent l’agonie du système algérien”
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Florence Beaugé, journaliste spécialisée dans l’actualité algérienne, envoyée spéciale du Monde à Alger vous parle des législatives algériennes et de l’après-Bouteflika. Ecoutez-la :
Les rubriques de ce Panorama :
Comment expliquer la faible participation ?
Ces élections déboucheront-elles sur une réforme politique ?
Les fraudes ont-elles été importantes ?
Comment interpréter la baisse du FLN ?
Est-on déjà passé à l’après-Bouteflika ?
Vous pouvez accéder à ce panorama en ligne sur lemonde.fr
http://www.lemonde.fr/web/panorama/0,11-0@2-3212,32-912113,0.html
Opinion et polémique : Les archs piégés par la mascarade électorale
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Les archs piégés par la mascarade électorale
Par Rachid allouache
Délégué des aarchs.
Au Mouvement citoyen des Archs, nous avons toujours considéré que les élections en Algérie ne peuvent constituer une garantie à la solution de nos revendications citoyennes, portées à bras le corps par toute une région avant qu’elle ne soit rallier, dans sa lutte pour la liberté et la citoyenneté, par d’autres régions du pays.
Est-il encore utile d’aller, aujourd’hui encore, aux élections législatives, alors les enjeux sont ailleurs ? Faut-il encore croire à la résolution des déficiences politiques, sociales, éducatives, culturelles et économiques par le simple fait de cautionner des élections qui ne différent aucunement de celles déjà organisées avec leurs lots de mascarades.
Le combat pour le recouvrement de notre liberté, de notre identité reléguée au second plan et qui n’arrête pas de constituer le cheval de bataille hypocrite des politicards, les sacrifices d’hommes et femmes pour l’instauration d’une vraie démocratie où seul le peuple est souverain, est aujourd’hui dévier de sa trajectoire par ceux là même qui, hier criaient à la spoliation des libertés individuelles, s’agitent aujourd’hui pour cautionner une nouvelle mascarade électorale, une de plus.
Au Mouvement citoyen des Archs, au terme de six ans de luttes citoyenne et pacifique, nous avons appris que le pouvoir en place n’est pas prêt à céder et consacrer les aspirations des citoyens. Le verrouillage du champ politique et médiatique se durcis de plus en plus.
Nos revendications justes et légitimes sont restées à ce jour, malgré des engagements solennels de l’Etat représenté par son chef du gouvernement, sans suite. A t-on jugé les gendarmes rendus coupables dans l’assassinat de 126 jeunes et des milliers de handicapés dont des dizaines sont handicapés à vie ? A- t-on consacré Tamazight langue officielle ? Qu’a-t-on fait pour rendre au peuple sa souveraineté ? Rien, si ce n’est que les citoyens sont régulièrement spolier de leur choix de vivre dignes et libres dans un Etat démocratique et républicain.
Les élections législatives du 17 mai 2007 ne seront que le remake des consultations électorales précédentes avec leurs lots trucages, de vol de voix. Une nouvelle mascarade s’annonce où les personnes ayant tronqué leur dignité contre quelques privilèges pécuniaires seront remercier pour leur allégeance ou tout simplement humilier à l’annonce des résultats. Le pouvoir despotique cherche à légitimer ces élections à tout prix. Il a trouvé quelques figurants qui ont accepté de faire le jeu de vitrine. Des délégués frappés par le code d’honneur du Mouvement citoyen en feront partie du décor électoral, contre quoi ? Eux même ne seront pas le dire !
Conduire le peuple à exercer un vrai rôle démocratique semble devenir une illusion. C’est l’intérêt général contre des dividendes individuels qu’incarne aujourd’hui l’ensemble des acteurs sociaux et politiques qui prime dans les luttes pour le recouvrement des droits vitaux : le droit à vivre en paix, le droit à l’épanouissement social, économique, culturel et éducatif. Le droit à la santé et au logement décent.
Non ! Se présenter aujourd’hui à être élu à l’assemblée populaire nationale n’est aucunement dicté par le souci de faire changer les choses en faisant le jeu d’un pouvoir honni. Les démocrates qui partent, comme toujours, en rangs dispersés, savent que le jeu est perdu d’avance mais ils s’entêtent à faire figure et à crédibiliser une élection qui ressemble à celles déjà qui les a discrédité au sein de la société civile.
Le pouvoir, en trahissant ces engagements à faire appliquer la plate forme d’El Kseur, a surtout tué l’esprit et la raison de son existence. Il continu de tuer l’esprit de compétitivité avec le verrouillage hermétique des champs politiques et audiovisuels. Un pouvoir qui ne recul devant rien pour étouffer toute voix discordante qui appel à la liberté, à la démocratie et au respect des droits de l’homme. C’est le pot de terre contre le pot de fer.
Dans ce contexte, de quelle démocratie parle-t-on ? De quelle représentativité parle-t-on ?
Le Mouvement Citoyen des Archs ne peut changer de position vis-à-vis des élections. Depuis la mascarade de mai 2002, nous continuons à dire qu’il n’y aura pas d’élections libres et honnêtes sans rendre aux citoyens leur légitimité. Les quelques délégués qui se sont porté candidats pour les élections de 17 mai 2007, auront à se défendre devant les citoyens et devant l’histoire leur trahison à l’esprit d’un combat sacré mené par tout un peuple. Le combat de la démocratie et la citoyenneté.
Nous ne pouvons pas, sous peine de déni de nous-mêmes, accepter des règles du jeu que nous avons unanimement condamné en mai 2002. La participation au législatives de 17 mai 2007, quelles que soient les garanties, s’il en existe vraiment de garanties, ne peut que cautionner l’hégémonie d’un pouvoir croupion et faire de nous des nigauds à tout jamais.
Nous ne pouvons pas cautionner des élections sans être convaincu de faire changer les mœurs politiques d’un pouvoir qui refuse de reconnaître son peuple. Encore faut-il être sur de faire respecter la volonté exprimée à travers les urnes.
Rachid allouache
Délégué des aarchs.
Tel 071717083
Nicolas Sarkozy ou le triomphe d’une histoire apologétique de la colonisation 15 mai, 2007
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Nicolas Sarkozy ou le triomphe d’une histoire apologétique de la
colonisation
Par Olivier Le Cour Grandmaison
« Le rêve européen a besoin du rêve méditerranée. Il s’est rétréci
quand s’est brisé le rêve qui jeta jadis les chevaliers de toute l’Europe sur
les routes de l’Orient, le rêve qui attira vers le sud tant d’empereurs
du Saint Empire et tant de rois de France, le rêve qui fut le rêve de
Bonaparte en Egypte, de Napoléon III en Algérie, de Lyautey au Maroc.
Ce rêve ne fut pas tant un rêve de conquête qu’un rêve de civilisation. »
Après cette énumération supposée rendre compte d’une glorieuse
tradition incarnée par la France depuis des siècles et inlassablement défendue
par tous ceux qui furent soucieux de défendre son rayonnement, le même
ajoute : « Faire une politique de civilisation comme le voulaient les
philosophes des Lumières, comme essayaient de le faire les Républicains
du temps de Jules Ferry. Faire une politique de civilisation pour
répondre à la crise d’identité, à la crise morale, au désarroi face à
la mondialisation. Faire une politique de civilisation, voilà à quoi nous
incite la Méditerranée où tout fût toujours grand, les passions aussi
bien que les crimes, où ne rien fut jamais médiocre, où même les
Républiques marchandes brillèrent dans le ciel de l’art et de la
pensée, où le génie humain s’éleva si haut qu’il est impossible de se résigner
à croire que la source en est définitivement tarie. La source n’est pas
tarie. Il suffit d’unir nos forces et tout recommencera. » Quel est
l’auteur de ces lignes qui se veulent inspirées alors qu’elles ne font
que reprendre la plus commune des vulgates destinée à légitimer les «
aventures » coloniales de la France ? Un ministre des Colonies de la
Troisième République ? Un membre de la défunte Académie des « sciences
coloniales » ? Un nostalgique de l’Algérie française qui les aurait
rédigées pour prononcer un discours destiné à célébrer cette période
réputée faste où la France commandait à 70 millions « d’indigènes »
répartis sur 13 millions de kilomètres carrés ? Non, l’auteur de cette
prose, aussi mythologique qu’apologétique de la colonisation, n’est
autre que Nicolas Sarkozy qui a prononcé ces fortes paroles en tant que
ministre-candidat lors d’un meeting à Toulon le 7 février 2007.
Singulièrement passée sous silence par la plupart des médias et des
autres dirigeant(e)s politiques engagés dans les élections
présidentielles, cette intervention confirme que la réhabilitation du
passé colonial de la France n’est pas une embardée conjoncturelle de
l’actuelle majorité et de son principal représentant. Au contraire,
cette réhabilitation, sans précédent depuis la fin de la guerre
d’Algérie, s’inscrit dans un projet politique cohérent, systématique et
crânement assumé par le candidat de l’UMP désormais chef de l’Etat
français. Pour des motifs partisans, et pour défendre ce que ce dernier
croit être l’honneur de la France et de ses citoyens, il se fait donc
porte-parole d’une histoire officielle, mensongère et révisionniste des
causes qui ont conduit à la construction de l’empire français, érigé
par de nombreuses guerres de conquête, puis dirigé par des institutions
coloniales racistes et discriminatoires. En témoigne, notamment, le
statut des « indigènes », considérés alors non comme des citoyens
libres et égaux mais comme des « sujets français » privés des droits et
libertés démocratiques élémentaires et soumis, qui plus est, à des
dispositions répressives – le Code de l’indigénat, entre autres, – qui
ne pesaient que sur eux. Sous le prétexte fallacieux de lutter contre
on ne sait quelle « pensée unique » et désir de « repentance », lesquels
n’existent que dans l’esprit de Sarkozy et de ceux qui ont forgé ces
pseudo-concepts grossiers, sur le plan intellectuel s’entend, pour
mieux faire croire à leur propre courage et originalité, on assiste donc à
une instrumentalisation spectaculaire du passé colonial de la France.
Manipuler cette histoire par la surexposition de certains de ses
aspects « positifs » supposés – la colonisation au nom de la civilisation par
exemple -, par l’euphémisation ou la sous-estimation des crimes contre
l’humanité et des crimes de guerre commis au cours de cette longue
période de l’empire colonial, et par l’occultation enfin de
l’oppression et de l’exploitation imposées à ceux qu’on appelait alors avec mépris «
les indigènes », tels sont les ressorts principaux de cette opération.
Moderne et audacieux Sarkozy ? De tels discours nous ramènent au plus
convenu de la doxa officielle forgée sous la Troisième République. Quel
est l’adjectif qualificatif adéquat à cette opération qui repose sur un
mépris souverain de l’histoire et des innombrables victimes des guerres
et des répressions coloniales ? Réactionnaire, assurément.
Jamais depuis des décennies, un candidat soutenu par le plus important
parti de la droite parlementaire ne s’était engagé dans cette voie.
Stupéfiante involution. Elle témoigne d’une radicalisation
significative des discours élaborés sur ces questions par l’UMP et son représentant
en même temps qu’elle légitime et banalise des thèmes qui n’étaient
jusque-là défendus que par l’extrême-droite et quelques associations de
nostalgiques de la période coloniale. Pour les amateurs d’exception
française, en voilà une remarquable mais sinistre car la France est le
seul Etat démocratique et la seule ancienne puissance impériale
européenne où l’un des principaux candidats à l’élection présidentielle
ose tenir de pareils propos. A quoi s’ajoute le fait que ce pays est
également le seul où une loi – celle du 23 février 2005 –, toujours en
vigueur en dépit du tour de passe-passe politico-juridique du Président
de la République, sanctionne une interprétation officielle de ce passé
colonial. « La Nation exprime sa reconnaissance aux femmes et aux
hommes qui ont participé à l’œuvre accomplie par la France dans les anciens
départements français d’Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Indochine
ainsi que dans les territoires placés antérieurement sous la
souveraineté française. » Telle est, en effet, la première phrase de
l’Article 1 de ce texte voté par l’UMP et l’UDF au terme de débats où
Rudy Salles, le très officiel porte-parole de cette dernière formation
politique à l’Assemblée nationale, a joué un rôle particulièrement
actif. Qu’en pense François Bayrou lui qui prétend dépasser le clivage
gauche/droite et incarner une autre façon de faire de la politique ? Il
n’est pas besoin d’être un brillant philologue pour comprendre que le
terme œuvre, employé dans ce contexte, emporte une appréciation
évidemment positive de la période considérée. Face à cette offensive
politique, engagée depuis longtemps par les diverses composantes de la
droite parlementaire, notamment, et son principal représentant que
comptent faire les dirigeants de la gauche parlementaire et radicale ?
Ils doivent le faire savoir au plus vite.
Olivier Le Cour Grandmaison.
Enseignant à l’Université d’Evry-Val-d’Essonne.
Auteur de « Coloniser. Exterminer. Sur la guerre
et l’Etat colonial », Fayard, 2005.