navigation

Belaid Abdesselam : Des lecteurs témoignent 6 août, 2007

Posté par benchicou dans : Algérie : analyses et polémiques , 1 commentaire

 

  1. abraham

    abraham écrit:
    C’est un mensonge de la part de Abdeslam de prétendre qu’il a été le premier à appeler à un reprofilage de ladite dette aux fins d’éviter le reéchelonnement.

    La solution de rechange à la solution de dernier recours que devait être le reéchelonnement de la dette extérieure algérienne et son pendant conditionnel d’imposition d’une politique d’ajustement structurel, avait été élaborée de manière sérieuse par l’équipe hamrouche dans leur programme de gouvernement sur trois ans.

    Cette solution s’appelait politique de reprofilage de ladite dette, qui pour être conséquente et productive devait s’accompagner de certaines réformes nécessaires ayant trait non seulement aux structres économiques, mais aussi fondamentalement aux structures institutionnelles et politico-économiques du juste et transparent départage du fardeau à supporter par l’ensemble des différents groupes sociaux de la population algérienne.

    C’est un mensonge de la part de Abdeslam de prétendre qu’il a été le premier à appeler à un reprofilage de ladite dette aux fins d’éviter le reéchelonnement.

    Il faut dire qu’en 1993-94, le pouvoir algérien était tombé tellement bas, non seulement à l’interieur de par la haine viscérale que lui vouait de larges franges de la population algérienne, mais aussi à l’exterieur de par sa gestion catastrophique qui a secoué le pays.

    Cette faiblesse sur la scene internationale jointe à une évaporation de la force diplomatique du pays; à la récession commençant à faire sérieusement ses ravages et la déstructuration de l’économie nationale, ont fait qu’on ne peut parler de décision prise par ce pouvoir algérien pour reéchelonner; il vaut mieux parler d’une décision imposée par les institutions financières internationales pour débloquer les transactions monétaires et financières internationales suite à la situation de cessation de paiement dans lequel se trouvait le pays.

  1. Hichem ryad

    Hichem ryad écrit:

    L’avis d’un technicien financier : Je suis d’accord avec Belaid Abdesselem

    Au triple plan technique, financier et stratégique, l’Algérie pouvait parfaitement éviter l’option rééchelonnement.
    Je suis donc d’accord avec Belaid Abdesselem sur ce point, même si la démarche à laquelle je pense est différente de la sienne.
    Il n’y a qu’à consulter la presse de l’époque pour se rendre compte du nombre appréciable d’analyses plaidant pour le rejet du rééchelonnement et proposant des mécanismes intéressants de sortie de crise.
    Malheureusement, les techniciens qui avaient des idées sur ce dossier n’ont pas été écoutés.
    Les préconisations techniques étaient les suivantes:

    1-Reconduction de l’option reprofilage de 1992 qui avait permis à l’Algérie d’avoir 1,5 milliard d’argent frais en moins de 6 mois
    2- Extension, à d’autres pays, de la technique de refinancement réalisée avec l’Italie pour 2,5 milliards de dollars en 1991
    3- Action résolue et volontariste pour éradiquer les sweeteners et autres surcoûts qui affectaient nos importations au quotidien
    4- Rentabilisation juridique de la garantie hydrocarbures pour lever des emprunts non liés
    5- Brain storming de type stratégico économique pour agir sur les échanges commerciaux en fonction des critères de solidarité et sur la base d’anticipations à moyen terme. L’Italie peut être citée comme exemple.
    6- recensement et récupération de toutes les créances (je dis bien créances) algériennes détenues sur des entités étrangères.

    Il faut relire la presse de l’époque: tout cela était écrit noir sur blanc.

    Hichem ryad, technicien financie

  1. belhadj Med

    Je me souviens comment et pourquoi B.Abdeslam fut propulsé grand économiste devant l’éternel

    Bonjour à tous;
    Il est bon de lire ces nombreuses réactions aux propos d’un général à la retraite gravement mis en cause par un pilier fondamental du système qui, toute honte bue, crie au loup pour mieux faire oublier ses responsabilités dans le terrible échec de notre indépendance. Mr A.Belaïd est l’homme par qui le malheur est arrivé, rien moins que celà. Il partage ce vice rédhibitoire dont il veut s’extraire, avec le colonel Mohamed Boukharrouba, dit Houari Boumédiène. Le crime est historiquement daté. En voici les étapes:
    -Juillet 1962, les fossoyeurs enjambent l’extrême popularité d’un chef historique de la guerre de libération et s’accaparent du pouvoir par la force des armes. Pendant que ce chef s’épuise à réorganiser un semblant d’Etat après l’anarchie qui a failli tout emporter, les sbires du petit ” des frontières agissent dans l’ombre envahissante du Président Ben Bella, réintègrent les anciens palefreniers de l’armée coloniale et éliminent les uns après les autres les officiers de l’ALN.
    -19 juin 1965, la trahison est consommée. Le putch de l’armée des frontières ne fait pas de quartiers, on arrête Ben Bella pour le faire disparaître plus de 14 ans en remerciement sans doute pour son action durant toute la préparation de l’insurrection (il a été le dernier patron de l’OS avant l’insurrection!), on tire dans la foule désarmée, et on élimine tous ceux qui ont fait la révolution (Assassinat de Mohamed Khider, chef historique, assassinat de Krim Belkacem, chef historique, exil de H.Aït Ahmed, de Boudiaf, tous deux membres des 9 chefs historiques, Fuite de Boumaaza, de Mahsas, de Zbiri, de Kaïd Ahmed, liquidation du colonel Abbès, du colonel Chabou, arrestation de Benkhada, de Ferhat Abbès, du Cheikh Kheirreddine, de Hocine Lahouel, ancien SG du MTLD, arrestations et tortures de communistes ayant eu pignon sur rue sous la présidence Ben Bella, notamment Bachir Hadj Ali, le grand poète, Mohamed Harbi, le plus grand des historiens algériens qui a démanteler et déconstruit tous les mythes autour du Fln, Hocine Zahouane, qui incarne la probité le l’intellectuel engagé etc…Les crimes de la bande d’Oujda sont si nombreux qu’il faudrait un une encyclopédie pour les recenser. Mais l’Histoire n’a pas d’états d’âme et les dénoncera…C’est dans ce contexte de brisure de l’élan national qu’apparaît le Sieur B.Abdeslam au ministère de l’industrie. Il va plastronner comme un coq en pattes, muni de la pseudo-science d’aventuriers étrangers, rameutés par le colonel Boukharrouba afin de ‘civiliser” les Algériens et les faire entrer dans la glorieuse phase “industrialisante” censée créer les conditions d’émergence d’un prolétariat, tête de pont d’une fantomatique république socialiste. Le soviétisme est en marche. On démantèle l’agriculture, l’Algérie importe ses patates, on bétonne à qui mieux pour édifier des citadelles qui n’ont jamais fonctionné à ce jour, elles ne trouvent même pas preneurs au dinar symbolique. Ce bouleversement culturel profond se fera d’une manière paradoxale avec la gestions des esprits par Taleb Ahmed et ses intégristes moyennâgeux et la gestion de l’économie soviétisée par un reliquat d’imbéciles se prenant pour Gramsci et Togliatti, couverts les uns et les autres par Merbah et son armée des ombres. Voilà comment et pourquoi B.Abdeslam est propulsé grand économiste devant l’éternel avec comme gourou un obscure enseignant de l’université française de Grenoble, De Bernie, qui viendra “apprendre la coiffure sur les têtes orphelines”, pardon pour la traduction. On connait la suite, elle appartient à l’histoire malheureuse de notre pays. Longtemps après des nostalgiques de cette ère d’errance feront revenir Bélaïd Abdeslam. Ils se trompaient d’époque. Le général Touati a sans doute eu son mot à dire sur cette résurrection…Les verts-de-gris ont leurs codes. Qu’aujourd’hui ils règlent leurs comptes par livres et presse interposés, c’est tant mieux pour nous car nous étions habitués à ce que ce type de règlements de comptes se fasse à travers les massacres de populations innocentes. C’est ce qui est arrivé précisément depuis 1988.
    En vérité l’ex-industrialiste et le général en retraite sont les deux côtés d’une même pièce. Sauf que quand les amis de l’industrialiste se laissérent pousser les barbes pour une nouvelle aventure, le général, de mon point de vue, était du bon côté!!! Bien à vous, et merci à Mohamed Benchicou de tant faire pour l’expression libre. Med B.

 

  1. Mourad Belaidi écrit:
     

    Nous n’avons jamais fait cette école !

    Avant et souvenez vous que officiellement tout le monde disait et proclamait au non de l’état que Chadli a démissionné et que ce n’était pas un coup d’état! Ait Ahmed a eu le courage de le dire en claquant la porte au nez du général Khaled Nazzar en 1991, en lui criant dessus que c’est un coup d’état! et cela d’après les écrits de l’époque de Nazzar qui lui reprochait sa position . Il a fait appel à lui avant d’aller voir Boudiaf. Ait Ahmed a eu cette phrase à l’époque : ‘’ une hirondelle ne peut faire le printemps dans un pays de faucons ‘’ Les plus constructifs et objectifs n’ont pas versé dans la continuité du système. Le temps leurs a donné raison et Boudiaf a été assassiné en directe sur les écrans de la télévision nationale. Ils ont fait d’une pierre deux coups. Éliminer une personne qui a sauvé le système qui était dans les plus dures et défavorables circonstances nationales et internationales et aussi inculquer la terreur, la peur et l’enchaînement de la population. Exécuter un président en directe sur le media unique et sans impunité conséquente et le plus grand lavage pour l’aliénation et la terreur que le monde aura produit. C’est parmi les plus atroces façons au monde de faire. Oui! C’est chez nous ! Vous croyez que Belaid Abdessalam ne savait pas tout ça? Il a dit ‘’Nidaa al ouajdab’’ alors que le corps de Boudiaf n’a pas encore refroidi! Par cette dernière phrase, je reprend un lecteur de ce bolg . MR Abdessalam dans son livre attaque les militaires en les qualifiants de ceux qui ont tous les pouvoirs. Alors pourquoi vous vous êtes associés à eux si vous aviez un brin de lucidité de Argaze (Homme : qualificatif des kabyles pour designer un homme intègre sur tous les plans ) Je vais reprendre aussi le journaliste d’El Watan : ‘’ Quel crédit, alors, peut-on encore accorder à un homme qui, tout en reconnaissant que le véritable pouvoir c’est l’armée, que les services de sécurité fonctionnent comme un pouvoir parallèle qui échappe au pouvoir politique, que le HCE n’était « qu’une caisse de résonance », a accepté, malgré tout, des responsabilités gouvernementales dans de telles conditions ? Que peut-on déduire pauvres citoyens que nous sommes ? Vous lancez un livre dans la mare et vous voulez qu’on vous lise et le comprendre et vous donner raison.
    Voua étiez dans ce système qui nous a fait mal qui le fait encore. Sans aller dans les détails, les journaux fond des une sur les problèmes de lait et d’eau. Ils ont oublié les coupables de l’assassinat de Boudiaf et j’en passe… Ils sont réduit à un tube digestif. Le plus gros problème est que même à ce stade vous ne pouvez même pas gérer un peuple réduit à un tube digestif. Je pense au fond de moi-même que , et sans aller dans les détails, que vous auriez mieux fait de vous faire oublier et demander pardon à Dieu ou plutôt au peule car sans lui le divin ne l’accorde point .. Quand à l’armée Touati ou autre ils sont là, c’est une langue histoire dont des hommes ont payé de leurs vie comme Abbane et compagnie. Vous avez fait tellement de nœuds et vous nous demandez par écrits interposés de les dénuder et nous prendre comme témoins. Nous n’avons jamais fait cette école.
    M.B

 

    Abdelkader Dehbi écrit: :

    « Ce que m’a raconté Bouteflika »

    Additivement à mon commentaire “à chaud” – au n° 7 ci-dessus – sur les rafales d’accusations échangées de part et d’autre, entre M.M. Abdesselam et les généraux “en retraite” Touati et Nazzar, j’ai oublié de formuler une interrogation supplémentaire, à l’adresse de M. Abdesselam et qui est la suivante:
    - Pourquoi n’a-t-il pas, en tant que Chef de Gouvernement, nommé une Commission Nationale d’Enquête sur l’Assassinat de Boudiaf, quitte à démissionner s’il en était empêché par la hiérarchie militaire, mettant ainsi en lumière que c’était elle, la vraie détentrice du pouvoir réel ?
    Par ailleurs – puisque nous en sommes à l’heure des révélations sur certaines affaires publiques qui concernent tous les citoyens algériens -, et s’agissant de la question relative aux circonstances de la mort du président Boumédiène, évoquées par M. Abdesselam, je voudrais apporter ici un témoignage sur le point de vue de M. Bouteflika, tel qu’il me l’a confié lui-même sur cette question énigmatique. Un jour de l’année 1994, au cours d’une entretien en tête-à-tête que j’eus avec lui, nous en sommes venus à évoquer les circonstances obscures de la brutalité de la maladie, puis de la mort du Président Boumédiène, durant le dernier semestre de l’année 1979. J’ai retenu de cet entretien avec M. Bouteflika les éléments essentiels suivants que je rapporte fidèlement:
    A l’issue de la tenue à Khartoum, en Août 1978, de la Conférence au Sommet des Etats Arabes membres du “Front du Refus” – Algérie, Libye, Syrie, Soudan et OLP – et contrairement aux usages protocolaires qui veulent que ce soit le Chef de l’Etat hôte du Sommet, – ici le Président soudanais Numeyri – qui donne la traditionnelle conférence de presse, les journalistes ont été étonnés de voir le président soudanais, “pousser littéralement” le président algérien Boumédiène vers le podium, pour répondre aux questions des journalistes internationaux. Des dizaines de “flashs” – beaucoup plus qu’à l’accoutumée me précisa M. Bouteflika – se sont alors mis à crépiter en direction du président Boumédiène dont le visage s’était empourpré. A la fin de la conférence de presse, le président algérien se sentit mal à l’aise mais il dût maintenir son programme qui prévoyait qu’il passerait la nuit à Damas, en compagnie du président syrien El Assad, présent à Khartoum. Au cours de la nuit, et malgré les soins prodigués au président algérien par les médecins algériens et syriens, son malaise s’aggrava à tel point que M. Bouteflika dut faire appel au chef de l’URSS d’alors, M. Brejnev qui donna son accord pour le transfert du président algérien à Moscou. Au bout de trois semaines environ, le président algérien très malade, était rapatrié sur Alger. La suite est connue: le décès officiellement annoncé le 27 Décembre 1978. – fin du récit de l’entretien–

Ali Yahia Abdenour répond à vos questions (2 è partie) 4 août, 2007

Posté par benchicou dans : Algérie : analyses et polémiques , 7 commentaires

aliyahiaabd12.jpg 

Forum « Le Matin votre journal interdit

Ali Yahia Abdenour répond à vos questions (2 è partie)

L’avocat et militant des droits de l’homme qui fut de longues années le Président de la Ligue des droits de l’homme, vous répond aujourd’hui sur les droits de l’homme en Algérie, le combat démocratique et la Kabylie.

PARTIE 4 : QUESTIONS SUR LES DROITS DE L’HOMME EN ALGERIE

 

Belkacem :

Maître, Que fait la LADDH pour que cesse la torture dans les commissariats et les postes de gendarmerie à l’encontre des prévenus ?

Ali Yahia Abdenour :

La torture avec ses conséquences les

plus extrêmes, la mort ou l’handicap physique à vie,

est un acte d’infamie et de lâcheté largement pratiqué

en dépit de la ratification par l’Etat algérien de la

convention internationale de 1984 contre son usage. De

nombreux messages vérifiés, exprimés avec force,

angoisse, détresse et colère, par les prisonniers lors

de leurs procès, leurs familles, leurs avocats, font

état de tortures qui ne sont pas des bavures, des

faits isolés, des accidents de parcours, mais une

pratique administrative courante employée avec des

moyens sophistiqués, par les services de sécurité

relevant tant de l’autorité militaire que de

l’autorité civile. Pour faire reculer la torture la

LADDH a mobilisé des témoins qui parlent agissent et

sensibilisent l’opinion publique. Plus il y a de

témoins, plus le pouvoir recule.

 

 

Missoum , Comite de Soutien en Allemagne pour la Liberté de la Presse :

Pourquoi les partis politiques et notamment ceux de la mouvance démocratique, n’ont jamais inclus dans leurs agendas “les Droits de l’Homme” ?
2) Les deux ligues des Droits de l Homme ne se font elles pas concurrence, alors qu il est utile de les fédérer en une seule ?

 

Ali Yahia Abdenour :

Les partis politiques sont traversés par des courants

contradictoires, avec la persistance de préjugés, de

tabous, de divergences fondamentales et de lutte

d’influence. Ils font ce qu’ils peuvent pour la défense

des droits de l’homme, mais ils peuvent très peu. J’ai

exploré les effets dévastateurs du rejet de l’autre,

de celui qui pense autrement mais demeure égal dans sa

dignité et dans ses droits, pour cerner les origines

et les effets de la haine qui tel un poison s’infiltre

dans la société.

Une ligue des droits de l’homme doit être souveraine

dans ses décisions, parce que la dépendance exclut la

liberté d’action et prône la langue de bois. Quelle

stratégie à adopter, quelle démarche à suivre

vis-à-vis de l’autre ligue. Peut-on faire parler les

droits de l’homme d’une seule voix en Algérie, ou

enfoncer le même clou avec deux marteaux ? Le

principe, fruit d’une réflexion arrêter sans

précipitation a été qu’il ne faut pas s’affronter,

mais se tolérer et s’aider. Il ne faut pas se tromper

de cible, encore moins de tir, ne pas regarder avec

circonscription ou méfiance, encore moins avec

hostilité, une ligue qui a reçu précipitamment l’aval

du pouvoir, ne pas avoir une attitude négative à son

égard, parce qu’il faut rejeter l’intolérance et le

sectarisme.

Me Guechir Boudjemaâ qui préside la LADH est le seul

dirigeant de ligue durant 10 ans il n’a jamais tenu

une réunion d’un organe délibérant. C’est un revers de

la démocratie. Il ne peut diriger seul une ligue par

fax, sans lui porter préjudice, la dénaturer, en faire

une coquille vide. Il n’y a dans une ligue d’autres

sources d’influence et d’autorité que celles prévues

par ses statuts.

 

El Mouhtarem :

Bonjour Maître,
Quel est  l’objectif recherché par les chancelleries européennes qui financent les centres de documentations de la LADDH. Selon vous, le pouvoir a-t-il réussi à “corrompre” l’opposition via les fondations et associations étrangères ? Ces financements ne sont-ils pas le résultat du renoncement de la LADDH à son combat pour les droits de l’Homme en Algérie ?

Ali Yahia Abdenour :

L’article 2 de l’accord d’association entre l’union

européenne et l’Algérie, lie l’aide et la coopération

avec l’Algérie à la promotion et au respect des droits

de l’homme. C’est pour promouvoir la démocratie et les

droits de l’homme que des chancelleries européennes

financent des centres de documentations nécessaires à

la formation des militants. Cela n’a aucune influence

sur le fonctionnement et les orientations de la LADDH.

 

Nadia Hamouche :

Bonjour Maître,

D’abord merci de cette participation à ce forum. Votre exposition directe aux questions des algériens assoiffés de vérité et de justice, démontre votre bravoure et votre authenticité quelles que soient les causes que vous défendez…même si parfois, je ne les comprends pas. Ma question est la suivante :

Quels sont vos liens avec les ONG qui prônent la protection des droits de la personne telles qu’Amnistie internationale et Human Rights Watch etc., et que pensez-vous de leurs actions dans des pays tel que l’Algérie ?

Merci pour votre réponse.

Ali Yahia Abdenour :

Défendre toute personne humaine indépendamment de ses

croyances politiques, sociales, culturelles,

religieuses, est la cause que je défends, afin que se

redresse la femme et l’homme humiliés. Mon devoir est

d’agir, de parler, d’écrire, de prendre des risques,

car qui reste muet devant une injustice en devient

complice. Les deux faits marquants de la fin du 2ème

millénaire sont l’indivisibilité et l’universalité des

droits de l’homme, condition sine qua non du

dépassement des particularismes nationaux et des

spécificités culturelles.

Les liens de la LADDH avec les ONG internationales,

dont Amnesty et Human Rights Watch sont fructueux.

Leur action en Algérie est positive

Abdelkader-Kamel OUAHIOUNE :

Salut Monsieur Ali Yahia Abdenour!
Tout d’abord un grand bravo pour votre livre qui nous permet de vous connaître un peu plus…
Ensuite, que pensez-vous d’un justiciable qui envoie des courriers au ministère de la justice (direction de la modernisation de la justice) pour lui demander une liste complète de toutes les décisions de justice qui le concerne afin de connaître sa situation vis à vis de la justice…et qui ne reçoit aucune réponse ?
Je crois qu’il est du devoir de ce ministère de délivrer le document demandé et du droit de ce citoyen de l’exiger.
Merci d’avance de votre réponse !

Ali Yahia Abdenour :

Le pouvoir judiciaire n’a pas la légitimité ou la

crédibilité que l’élection confère au pouvoir exécutif

ou législatif par application du principe qui veut que

tout pour voir est fondé sur la délégation du

souverain le peuple. Il ne peut s’imposer que par son

indépendance par rapport au pouvoir exécutif et par la

compétence et l’honnêteté des juges.

La liste complète des décisions de justice qui

concerne un justiciable doit être demandée aux

tribunaux et cours qui ont décidé des jugements et

arrêts.

 

Senane Oualid :

Pourquoi la Ligue n’adresse-elle pas à tous les partis politiques et aux futurs candidats aux prochaines élections, un mémorandum auquel ils devront répondre. Les signataires de cette charte seront ainsi tenus d’en appliquer les engagements faute de quoi, ils se discréditeront auprès de l’opinion. (lutte contre la corruption,  Levée immédiate et sans condition de l’état d’exception,  dépénalisation des délits de presse, Transparence des débats des assemblées élues avec mise en place dans les places publiques d’écran retransmettant en direct les débats ,  Eradication par les maires de toutes les poches de misère, indépendance de la Magistrature et renforcement des droits de la défense et d’autres idées que je peux vous communiquer) ?

Ali Yahia Abdenour :

La vie politique est conçue avec un seul objectif

pérenniser le système politique en place. La levée de

l’état d’urgence conditionne la libéralisation du

champ politique et médiatique, ainsi que l’exercice

des libertés des libertés individuelles et

collectives. Le droit de se réunir, de se rassembler

et de manifester pacifiquement qui est à la base de la

démocratie est soumis à l’autorisation préalable des

walis. On vous attache les pieds et on vous dit

marchez. Le combat pour la levée de l’état d’urgence

est non seulement légitime et prioritaire, mais il se

situe au dessus de toutes les idéologies et de tous

les clivages politiques.

La LADDH a invité à une rencontre les partis

politiques afin de faire ensemble un examen lucide et

courageux de l’état d’urgence et de dégager les

énergies et les moyens susceptibles de mettre un terme

à cette dérive malsaine.

Seuls quelques partis ont répondu à cet appel.

 

 

 

 

 

PARTIE 5 : QUESTIONS SUR LA KABYLIE

Thadarth :

Maître Ali
 L’autonomie est-elle une solution pour la Kabylie ?

 

Ali Yahia Abdenour :

La Kabylie peut constituer le laboratoire de la

décentralisation. Les collectivités locales et

régionales sont exsangues et asservies. Il faut

redistribuer les compétences entre l’Etat, les wilayas

et les communes. L’attitude du wali qui est devenu le

véhicule de la tyrannie bureaucratique et

centralisatrice doit pousser les maires à se libérer

de sa pesante tutelle et à prendre en mains les

communes. La sensibilité des Algériens est extrême à

l’égard des deux questions : une authentique politique

de décentralisation, et une démocratisation de la vie

sociale. Le pouvoir a une approche erronée des

problèmes inhérents à la culture et la langue amazigh.

Les barrages stupides élevés face au développement de

cette culture sont les meilleurs ferments des

mouvements régionalistes et autonomistes. La volonté

centralisatrice du pouvoir contribue à encourager ces

mouvements. La solution réside dans une vraie

décentralisation, avec des moyens humains, financiers

et matériels importants.

Farid DAID |

Bonjour Maître

Je voudrais savoir, étant un proche d’une victime du printemps noir, Peut on porter l’affaire devant une juridiction internationale, telle que la CPI (cour pénale internationale) ou bien devant la ligue internationale des droits de l’homme ou autres .Mes remerciements.

Ali Yahia Abdenour :

Farid Daïd : Le procès peut être porté devant une

juridiction algérienne, africaine ou internationale.

La FIDH ne peut que vous aider ou orienter car elle

n’est pas une juridiction, mais une ONG internationale

des droits de l’homme.

 

PARTIE 6 : QUESTIONS SUR LE COMBAT DEMOCRATIQUE

 

Hamz :

·        Pourquoi les intellectuels algériens ne trouvent-ils pas un consensus pour combattre en faveur de la démocratie ?
-L’arabisation a t-elle été à l’origine de l’effondrement de l’école algérienne ?
-La situation actuelle peut elle être expliquée par l’exploitation de
la religion à des fins politiques ?
-Ne faudrait-il pas, pour protéger la religion, lui opposer la laïcité ?

Ali Yahia Abdenour :

Les intellectuels dans leur grande majorité

ont renoncé à leur rôle de critiques et d’analystes

rigoureux, pour servir de simples relais ou

d’instruments du pouvoir. Leur silence sur les dérives

opportunistes prouve que l’histoire se fait sans eux

et contre eux.

La loi portant généralisation de la langue arabe qui

met en demeure le peuple d’utiliser une seule langue,

la langue arabe à l’exclusion de toute autre, a un

caractère répressif. Elle avait pour objectif de

réaliser la marginalisation de la langue tamazight et

même son exclusion. Pour Mohamed Chérif Abbas : “Les

voix hostiles à l’arabisation sont celles qui veulent

franciser cette nation , et la  jeter dans le camp de

la francophonie”. Que peut-ils dire maintenant que

le président Bouteflika engage à petits pas l’entrée

de l’Algérie dans la francophonie, qui est autant

l’expression de liens économiques que celle d’une

vision politique.

L’Algérie ne peut se construire sur l’exclusion de ses

cultures, de ses langues, et léguer aux générations

futures des sentiments de haine, de vengeance et

d’intolérance.

L’Amazighité est une dimension incontournable de

l’identité nationale. Pourquoi sacrifier la culture

Amazigh, pourquoi s’appauvrir en laissant en friche

une partie de l’être algérien.

Hlilou |

Bonjour, maître

Le FFS a-t-il failli à son combat qui a fait son existence ?

Ali Yahia Abdenour :

Le FFS dites-vous, a-t-il failli à son

combat qui a fait son existence.

Cette questions doit être élargie à l’ensemble des

partis qui ne sont pas le champ clos de querelles de

personnes, mais le lieu du débat politique où se

confrontent plusieurs démarches, approches ou

réflexions, pour en tirer une synthèse qui sera la

règle à appliquer. Les leaders politiques n’aiment pas

la démocratie à l’intérieur de leurs formations. Le

fonctionnement des cadres, et décourage les meilleures

volontés. L’existence de courants d’idées différents

au sein des partis est naturel et utile. Des partis

sont contraints de gérer leurs contradictions sur la

place publique. Dans les débats même la

courtoisie doit conserver ses droits. La marge de

manœuvre est étroite pour les divergents qui sont

critiqués pour les erreurs et fautes formulées à leur

encontre par la base. la politique des partis est

souvent réduite à la gestion des carrières de leurs

dirigeants. Les révisions déchirantes sont préférables

à la paralysie à laquelle ils sont actuellement

condamnés. Il y a des militants inquiets, découragés,

qui démissionnent publiquement parce qu’ils ne se

sentent plus à l’aise dans leurs partis qui se

disloquent parce que travaillés par les dissensions de

personnes et des divergences d’analyse. C’est par le

confrontation des idées que doivent être surmontées

les divergences. Les échecs qui découragent de

nombreux militants et les incitent à se replier sur

eux-mêmes, doivent permettre de faire des bilans, de

rectifier les erreurs et de préparer l’avenir. Il ne

s’agit pas de détruire les appareils des partis, mais

de les subordonner aux militants. L’agression verbale

ou écrite à l’encontre des militants qui ont leur

droit le plus strict d’avoir une opinion et de la

formuler est négative;

Le guide est celui qui montre le chemin sans perdre

ses troupes. Les leaders dominent les exécutifs en les

renouvelant, puis en les remodelant à leur guise. la

désignation par le président d’un parti du secrétariat

national est une contre-mesure. Les statuts sont la

loi des militants, et doivent être respectés par tous

les membres des partis.

Arrivés à la croisée des chemins, bon nombre de

militants contestataires qui ont refusé une conception

étroite, restrictive de l’esprit de parti, se

demandent s’il faut raccrocher leur militantisme au

râtelier, ou s’engager dans un nouveau combat.

Le pouvoir traite les partis politiques de

l’opposition démocratique par des techniques

policières qui consistent à créer des division et des

scissions.

·        SMAIN :

Maître,

En tant qu’ancien détenu de Berrouaghia pour la cause AMAZIGH, Pourriez vous nous donner votre point de vue sur le revirement sur le plan politique de SAID SAADI, Président du RCD ?

Ali Yahia Abdenour :

Le combat pour l’Amazighité ans sa triple

dimension, identitaire, linguistique et culturelle est

inséparable de celui pour la démocratie, la liberté,

la justice et les droits de l’homme. L’identité du

peuple algérien s’est toujours posée en termes

d’affrontements du fait d’un pouvoir répressif et

discriminatoire qui a étouffé la revendication

amazigh. Le nationalisme exacerbé porté en lui portant

dans le monde la tentation d’ériger en absolu une

ethnie, voie dangereuse, qui même à l’exclusion et à

la destruction de l’unité nationale. L’idéologie

identitaire du FLN, parti unique, le mythe de

l’arabo-islamique né dans l’année 1950, entretiennent

une relation de haine et de xénophobie avec tamazight,

basée sur des fractures, des césures, des

antagonismes, qui relèvent d’une analyse rétrograde.

Pour éliminer tamazight porteuse de germes de division

et le mouvement culturel berbère, taxé d’intégrisme

identitaire, les partisans de leur exclusion ont

diffusé l’idée, car l’espace culturel est investi par

l’archaïsme, qu’ils seraient une bombe à retardement

laissée par le colonialisme français. Chassé par la

porte de l’histoire le colonialisme français revient,

disent-ils, par le fenêtre linguistique d’une langue

importée qui serait un danger pour l’unité nationale.

Tamazight n’est pas un facteur de division, mais

plutôt un facteur important de renforcement de l’unité

nationale. Des Algériens sont allés jusqu’à dire que

l’ancêtre des berbères serait un arabe originaire du

Yémen, ce qui a fait dire à d’autres “tout est importé

dans ce pays même les ancêtres. Les assassins de la

mémoire qui ont marqué d’un sceau indélébile la

culture algérienne disent que l’amazighité divise le

peuple. Elle se conjugue dans les deux sens : on peut

dire amazigh d’abord, algérien toujours, ou algérien

d’abord, amazight toujours. Un peuple comme un arbre,

a besoin de ses racines pour grandir, s’épanouir et

produire.

Saïd Sadi a toujours défendu l’amazighité dans sa

triple dimension

 

Algérois :

Bonjour Maître,

Vu toutes les données du problème “Algérie”, comment voyez vous la société algérienne dans les cinq années à venir ?

Ali Yahia Abdenour :

Le pays est sous l’état d’urgence depuis

15 ans, ce qui a permis au régime politique de

maintenir sa mainmise sur la société, de la museler et

de marginaliser les formations politiques

démocratiques. Tout ce qui cède au rapport de force ou

au fait accompli, méprise, humilie ou marginalise la

personne humaine, est à combattre.

Le peuple devient la clef du futur. Nous sommes dans

une phase difficile mais porteuse d’avenir. la

mentalité de chacun pour soi qui est bien ancrée doit

être écartée.

Il faut agir en duo et non en duel. L’avenir commence

maintenant par la création des conditions politiques

du changement par l’alternance démocratique. Le délai

de 5 ans est trop court, il faut une nouvelle génération pour

le peuple afin qu’il prenne son destin de ses propres

mains.

    Hamz :

Pourquoi d’après vous, l’intelligentsia algérienne ne se rassemble t elle pas pour créer la base d’une démocratie ?
Pourquoi votre quête d’un rassemblement des démocrates peine à trouver un large écho pour sa réalisation ?

Ali Yahia Abdenour :

L’intelligentsia tourne le dos au

rassemblement, prône le sectarisme et l’exclusion,

parle un langage de division, instruit des procès

personnels qui conduisent à des replis frileux. Les

rivalités feutrées et discrètes qui ne sont pas toutes

pétries d’ambitions et d’appétits mais expriment

davantage des orientations diverses des problèmes de

leadership, éloignent toute tentative d’union.

L’intelligentsia n’arrive pas à gérer sa diversité.

Les différences d’approches, les confrontations

d’idées, dans un climat politique apaisé, favoriseront

la décantation et feront progresser l’entente.

Le rassemblement n’a pas trouvé un large écho, parce

qu’il a polarisé l’attention sur de faux problèmes,

alors que les problèmes de fond sont laissé de côté”.

Il fait laisser le temps au temps

 

·        Bey Mustapha BEBBOUCHE

Bonjour Maître,

Ma question est la suivante :

Le F.L.N historique a-t-il gardé sa légitimité révolutionnaire après l’avènement du multipartisme qu’il a lui-même suscité ?

Ali Yahia Abdenour :

Le FLN n’a pas gardé sa

légitimité révolutionnaire. Il a été battu par le FIS

aux élections locales et régionales du 12 juin 1990 et

aux élections législatives du 25/12/1991; Le RND qui

est né avec des moustaches en février 1997, a gagné

156 députés aux élections législatives du 5 juin 1997,

et 80 sénateurs. Il est vrai qu’il y a actuellement

une tentative de retour au parti unique et à la pensée

unique.

« Les trois composantes du pouvoir sont : le pétrole, le DRS, le président » 3 août, 2007

Posté par benchicou dans : Algérie : analyses et polémiques , 13 commentaires

aliyahiaabd22.jpg  Forum Le Matin : Ali Yahia Abdenour répond à vos questions :

« Si c’était à refaire, je referai le même parcours »

Ali Yahia Abdenour a répondu sans détour, et très longuement aux questions des lecteurs du « Matin, votre journal interdit ». Si longuement que le Forum sera publié en trois parties. A de très rares exceptions, il n’a fui aucune question et surtout celle que vous attendez tous : regrette-t-il d’avoir défendu les chefs du FIS ? Et participé à Sant Egidio ? Il effleure la question dans la partie d’aujourd’hui mais y revient surtout dans la troisième partie qui sera publiée dimanche et qui y sera totalement consacrée.

Aujourd’hui, le célèbre avocat et défenseur des droits de l’homme aborde les trois premiers thèmes du Forum : son parcours, la politique de Bouteflika et son livre.

 

(Lire la première partie)

Samedi : questions sur la Kabylie, le combat democratique, la laïcité, l’arabisation et les droits de l’homme en algerie

Dimanche : A-t-il bien fait de défendre les islamistes ? Son analyse et ses réponses à une dizaine de questions particulièrement dures…

PARTIE 1 : QUESTIONS SUR LE PARCOURS PERSONNEL DE ALI YAHIA ABDENOUR

Question de Adrar : Si c’était à refaire, referiez vous le même parcours de militant ?

Ali Yahia Abdenour : Si c’était à refaire, je referai le même parcours. Je ne regrette rien.

Je regrette seulement le caractère très superficiel des jugements qui se fondent sur des vérités fragmentaires, et la bonne foi qui brise lorsqu’elle privilégie une grille de

lecture. Aucun regret de ma part pour avoir relevé une protestation, exprimé une condamnation, ou entrepris une démarche pour mettre fin à la torture et aux

exécutions sommaires. Aucune autre solution n’est laissée à ceux qui défendent la démocratie et les

droits de l’homme, il faut seulement choisir entre le silence et la répression, l’exil ou la prison,

l’humiliation ou la dignité, se taire ou crier, se terrer ou s’engager. Se taire était moralement lâche

et intellectuellement intolérable.

Quand je condamne publiquement, sans double langage et à visage découvert les violations graves des droits de l’homme, j’ai la conviction de me battre pour l’Algérie entière, sa dignité, sa fierté, son honneur et sa liberté.

 

Question de Abdou :· Avez-vous des regrets particuliers ?

J’ai du respect et un amour quasi filial pour Maître Ali Yahia Abdenour .Il  s’agit d’un grand homme profondément humain et qui malgré son âge , ne ménage ni son temps ni sa santé pour aller là où les sans voix l’appellent . Ali Yahia a toujours rejeté les sinécures, les avantages oh combien nombreux que peut offrir l’exercice d’un quelconque pouvoir …surtout par les temps que nous connaissons tous. De grâce, braves gens, cessez de voir en Ali Yahia un avocat du diable …

Ali Yahia Abdenour : : Ce qu’on me reproche c’est d’avoir refusé l’environnement politique et idéologique contraire aux droits de l’homme. Les étapes obligées de mon itinéraire n’ont pas été la voie de la facilité, mais celle de très nombreuses convocations par la justice, des emprisonnements et des condamnation.

Depuis octobre 1988, et surtout durant la décennie 1990, mes prises de position pour la promotion et la défense des droits de l’homme, m’ont valu des rancunes tenaces concrétisées par de nombreux articles de presse qui contiennent tout ce que je rejette, la vulgarité intellectuelle, la mutilation de la vérité, l’asservissement au pouvoir. Je me suis trouvé au carrefour de tous les malentendus, où la haine, l’insulte, le mensonge, l’arrogance et la diffamation, ont fait office de pièces à conviction.

Des pratiques qui avilissent leur profession, ont conduit certains journalistes à servir d’officines de

police. La haine monte au nez de certains journalistes dès le premier whisky et se renforce dans les vapeurs.

J’ai fait face à la diffamation qui consiste à harceler la personne, à la déconsidérer, à lui enlever

tout crédit et au besoin la détruire. Qui a vu la mer dit on, ne s’émeut pas d’une goutte d’eau.

Question de Cid : Je remonte en 1963 pour vous poser la question suivante :

Monsieur Ali Yahia quelles sont les raisons qui vous ont poussé à rejoindre le FFS au début et à le quitter deux mois plus tard, juste après les accords avec Ben Bella qui d’ailleurs n’ont jamais été respectés par lui ?

Ali Yahia Abdenour : :D es négociations en trois temps se sont déroulées entre le FFS et Ben Bella, Oussedik Mourad et moi-même avons ouvert les négociations, poursuivies

ensuite par le colonel Mohand Oulhadj et clôturées par Hocine Aït Ahmed. La guerre avec le Maroc a mis fin au conflit.

Question de Mourad Belaidi : C’est un honneur de vous recevoir dans ce forum. Ce n’est pas une première car vous avez de tout temps, participé sur le terrain à tous les ‘’blogs’’ dans le bouillonnement politique de notre nation. Vous étiez présent, animateur et disponible pour la presse et le publique. Un homme animé par des convictions et des valeurs dont chaque mère nation aurait aimé enfanter d’un Ali Yahia Abdenour. On vous voit comme Amghar Azamni (Vieux et sage de notre vécu) et là on veut avoir des conseils et des orientations pour l’avenir de notre maison patrie Algérie. On dit que si jeunesse savait et que si vieillesse pouvait. Alors comme un voyage dans le temps dites le dans cet espace ! C’est mon interpellatrice question !
 

 

Ali Yahia Abdenour : : Nous avons respiré en 1962 avec l’indépendance du pays, un air de liberté dont il est resté quelque chose dans nos poumons. Dans toute histoire d’un pays il y a des reflets de peur et de fatigue qui produisent des pouvoirs dictatoriaux. Le temps et l’action démocratique les feront disparaître.

Le combat d’idées a pour seule arme la plume et la parole. Il faut préparer l’avenir autour de deux

préoccupations majeures, de deux questions de fond de nature politique : l’avenir de notre économie et le devenir de notre culture qui est l’emploi de demain.

La jeunesse qui est le moteur de la société doit se garder de trois tentations : celle de la

démobilisation qui conduit à abandonner le combat, celle du désespoir impuissant, celle de la violence qui mène aux extrêmes. C’est vers l’objectif de la réalisation de la démocratie qu’il faut orienter en priorité son action, car elle est la raison d’être de son action, et la priorité de tout renouveau politique. Elle doit comprendre que pour entrer en politique, il faut sortir du populisme.

 

 J’ai fait face à la diffamation qui consiste à harceler la personne, à la déconsidérer, à lui enlever

tout crédit et au besoin la détruire.

Maître, quelles sont vos relations :
-Avec Saïd SADI, votre ancien ami, devenu dans les années 90 votre ennemi

·Avec les ex membres du FIS ABASSI ET BELHADJ?
-Avec vos anciens compagnons (aujourd’hui barrons du système) et de la nomenklatura…?
-Comment voyez vous cette Algérie martyrisée par ce pouvoir maffieux et les hordes islamistes…?
  

  

Ali Yahia Abdenour : Saïd Sadi est comme vous le dites un ancien ami, qui est redevenu un ami. Je ne suis pas né pour partager la haine, mais la fraternité, l’amitié et la solidarité. Mes relations avec les membres du FIS, Abassi et Belhadj sont corrects. Ils sont élogieux à mon égard pour avoir assuré leur difficile défense, alors que les démocrates que j’ai défendus sans avoir perçu le moindre honoraire, m’ont voué aux gémonies. Je n’ai pas de compagnons aujourd’hui barons du système ou membres de la nomenclature.

Comment je vois l’Algérie ? La régression politique a produit une société qui ne peut agir ou réagir, mais seulement subir. L’Algérie veut l’ordre et la paix, à condition qu’il ne soit pas l’ordre des prisons, ni la paix des cimetières. La marginalisation du peuple, érigée en règle de conduite, permet au pouvoir unique-, centralisé, dictatorial, de se consolider et de se perpétuer. Le régime politique qui préside aux destinées du pays est totalitaire. L’humus sur lequel il a poussé est celui de l’exclusion mère de l’intolérance qui n’est pas une opinion mais un crime.

Une fois découverte la misère du peuple, sa marginalisation de la vie publique et politique et la

dépossession de ses droits, il ne reste plus que deux voies à suivre, la capitulation ou la rupture,

s’intégrer dans le système politique à la recherche du pouvoir et de ses privilèges, ou bien peser sur les événements pour garantir l’ouverture du champ politique et médiatique, et préparer dans les

meilleurs conditions l’avènement de la souveraineté nationale, et de la citoyenneté. Le temps et l’usure du pouvoir travaillent pour la démocratie qui est la raison d’être de notre action. Le poids des idées et l’exigence de justice et de liberté, car il n’y a pas de liberté sans justice, ni de justice sans liberté, finiront par peser et amener le changement démocratique. Il faut rester à l’écoute des pulsations de la société.

 

Question de Driss : Finalement, votre vie, vous l’avez vécue comme vous le vouliez. Bonne chance Cheikh et que Dieu vous protège.”Saha lik”.

Ali Yahia Abdenour : J’ai creusé avec d’autres militants le sillon profond des droits de l’homme, éveillé les esprits, formé les consciences, sollicité les bonnes volonté afin que chacun a sa place agisse selon sa propre nature, son propre tempérament, sa propre responsabilité, se mettre avec la sûre intuition de son cœur et le regard de son intelligence, au service de la démocratie qui

est malgré l’ampleur de la tâche, source de force, de confiance et de satisfaction.

La voie que j’ai choisie avec fierté et qui a inspiré chacun de mes gestes quotidiens pour accorder mon action avec mes convictions, n’est pas celle de la haine, mais celle de la paix et de la fraternité,

abordée avec courage prudence et hauteur de vue. Il faut tout donner à la cause que l’on défend et d’abord se donner soi-même.

Tous les regards doivent être tournés vers un horizon d’espoir, où personne ne baissera la tête, où personne ne pliera le genou, où chacun à sa place aura la fierté et la dignité d’agir selon sa nature et se trouver à l’aise pour donner sa mesure.

 

 

Question de Chater Hassan : Bonjour Monsieur,

Pourquoi avez-vous accepté de soutenir un pouvoir putschiste en 1965 en devenant ministre ?

 

Ali Yahia Abdenour : …

 

PARTIE 2 : QUESTIONS SUR LA POLITIQUE DE BOUTEFLIKA

 

Question de Karim.B :
- Quel est vote avis sur le projet d’amendement de la constitution ?

·  Selon vous, pourquoi la communauté internationale ferme t elle les yeux sur le recul des libertés individuelles depuis l’arrivée de Bouteflika ?

 

 

Ali Yahia Abdenour : Tout dans l’Algérie d’hier et d’aujourd’hui s’axe et s’ordonne autour de l’institution militaire qui a la réalité du pouvoir et il n’y a pas d’équilibre ou de contrepoids à sa puissance. Tous les chefs d’Etat sont sortis de ses rangs ou choisis par elle.

Les trois composantes du pouvoir sont : le pétrole, le DRS, le président de la République. Le pouvoir se prend, s’exerce et se garde, par un coup d’Etat par les armes ou par les urnes. La philosophie du système politique est que le président de la République désigné par les décideurs de l’armée est dans la réalité détenteur de l’autorité indivisible de l’Etat sans lequel il n’en existe aucune autre, ni gouvernementale, ni parlementaire, ni judiciaire ni civile. Il est placé durant son mandat sous la haute surveillance des décideurs, afin qu’il ne dévie pas de la mission qu’ils lui ont assignée.

Bouteflika veut réviser la constitution qui lui donne déjà des pouvoirs exorbitants vers plus de

présidentialisme, mais a reculé jusqu’à présent devant le contre feu des décideurs de l’armée qui lui

opposent la création d’un vice-président. Il veut régner et gouverner à la fois, contrôler et régenter.

Les constitutions peu appliquées sont révisées et souvent usées avant d’avoir servi . L’intérêt de

l’Occident en Algérie n’est pas humanitaire ou culturel mais économique.

Il a dissocié ses intérêts des droits de l’homme, en portant aide et assistance au pouvoir.

La morale politique et la réal politique sont contradictoires. L’Europe n’est ni une terre d’asile,

ni une terre d’accueil, pour les demandeurs d’asile.

La France terre des droits de l’homme, d’accueil pour les opposants et les condamnés politiques, c’est pour le passé.

Question de Ouldali : Que pensez vous de l’affaire khalifa, est ce un fiasco politico juridique ?
Longue vie
.

Ali Yahia Abdenour : L’affaire Khalifa est comme vous le dites un fiasco politico juridique.

Le dossier bien ficelé présenté devant la cour de Blida, ne comprenait aucun membre ou proche du

pouvoir. Les avocats de la défense occupés à défendre leurs détenus auraient du au départ demander un complément d’information. La présidente a confirmé les consignes données par le pouvoir en disant à des témoins qui n’étaient en fait que des accusés : “Vous êtes devant la cour en qualité de témoins, et vous sortirez comme témoins”.

Il ne faut pas laisser le silence se refermer sur la corruption mais crier la vérité.

Le pouvoir qui dispose des hydrocarbures, c’est à dire de l’argent trouvé et non gagné n’hésite pas à

gaspiller son capital, à pratiquer une politique de la main légère dans l’usage qu’il fait de l’argent du

peuple. Les Algériens dénoncent la corruption généralisée, qui est un cancer qui menace la santé

morale du pays. Ils déplorent les détournements des deniers publics par les personnes, les rapines, les coteries, qui règnent à la tête du pays. Un contrôle rigoureux permettrait de mettre à jour de nombreux scandales politico financiers, tant par les sommes détournées, les réseaux impliqués, la pratique de la corruption généralisée. Un notable qui est en grâce auprès du pouvoir, ne peut être poursuivi quand il est en délicatesse avec la justice pour malversation, ni jeté en pâture à l’opinion publique.

 

Question de Lamine : Monsieur Ali yahia Abdennour quelle est selon vous la solution la plus appropriée pour sortir l’Algérie de ce marasme ?

Ali Yahia Abdenour : La démocratie qui est la priorité de tout renouveau politique est la raison d’être de notre action, pour nous donner les instruments du changement et de la prise du pouvoir. Le combat pour la souveraineté du peuple et le statut de citoyen à part entière pour

l’Algérien est une nécessité.

L’alternance, qui est le droit souverain du peuple à choisir par des élections libres ses représentants au niveau de toutes les institutions élues de l’Etat, ne s’est pas réalisée depuis l’indépendance du pays. Elle demeure d’actualité. Combien d’erreurs, de fausses routes, de vaines impasses, on épargnerait à l’Algérie, en consultant le peuple, en respectant son verdict et en lui laissant le soin de trancher en toute liberté les graves questions à résoudre dont dépend son avenir

 

PARTIE 3 : QUESTIONS SUR VOTRE LIVRE

Question de Amel Chini : Avez-vous voulu écrire un livre testament ou vos mémoires ?

Quel est votre message dans ce livre ?

Question de Idir : Vous évoquez dans votre livre les hommes et militants que vous avez défendus en votre qualité d’avocat ; ce que je reconnais parfaitement .Vous avez parlé aussi de la maison que vous voulez acheter et de ce qu’a fait ou n’a pas fait Ahmed Ouyahia pour vous en empêcher.
Ma question : combien d’Algériens attendent depuis des décennies un toit qu’ils n’ont pas encore ?
Pensez vous qu’il est plus utile, humain et intéressant de parler du cas de ces algériens ou de nous parler de votre cas ? Merci d’avance.

 

Ali Yahia Abdenour : Le livre s’attache à reconstruire les événements de la

période écoulée, à comprendre l’essentiel du mécanisme politique qui a engendré la crise et de décrire avec rigueur et précision le contexte politique, social et culturel, qui a engendré la deuxième guerre d’Algérie, afin que le souvenir de toutes les victimes de la violence et de la répression, demeure vivant dans la mémoire collective. J’ai tenté d’expliquer les événements tels qu’ils se sont déroulés, tels que je les ai perçus, par souci de clarification, et faire la lumière sur les pages sombres de notre histoire. Le titre du livre est mon message. Le concept de dignité humaine est la clef de voûte de la société et son contraire est l’humiliation. Lors que l’homme est humilié, il oublie qu’il est habité par la vie et il la risque.

Cher Idir, dans la partie du livre intitulé “Avant propos” j’ai en effet parlé de moi, de ma famille, des épreuves que j’ai traversée et j’ai déploré ma qualité d’SDF dont est responsable Ahmed Ouyahia, militaire habillé en civil, homme politique injuste, qui produit de l’injustice, parce qu’il porte l’injustice en lui.

C’est la presse qui a mis en exergue, ce fait, alors que le livre décrit tous les événements vécus par

l’Algérie depuis la décennie 1990. Je suis étonné de vous voir soulever ce cas, sans parler des villas et terrains accaparés par la nomenklatura, qui se vendent 30 à 40 milliards de centimes.

Bélaïd Abdesselam :  » Pourquoi j’ai écrit mon livre » 1 août, 2007

Posté par benchicou dans : Algérie : analyses et polémiques , 24 commentaires

   

« L’armée est la seule structure qui fait face aux tempêtes »

L’ancien chef du gouvernement, Bélaïd Abdesselam, revient au devant de l’actualité à la faveur d’un livre pour le moins polémique qu’il vient de « balancer » sur la toile comme une bombe à fragmentation. Posé sur le guéridon, dans un coin de son appartement, le fameux livre est là, gros manuscrit de 322 pages, relié avec soin à défaut d’une publication en bonne et due forme.

Avant de commencer le long entretien de quatre heures qu’il nous a accordé (c’était avant la dernière sortie publique du général Touati), il prend la peine de convoquer un vieux radio-cassettes pour garder une empreinte sonore de l’entretien. « C’est une relique du PAP (plan antipénurie) », blague-t-il. Et une longue rétrospective de commencer sur fond de questionnements de l’histoire tumultueuse de l’Algérie contemporaine.

- Monsieur le Premier ministre, vous venez de mettre en ligne un livre que vous avez intitulé Pour rétablir certaines vérités sur treize mois à la tête du gouvernement. Ce que nous constatons d’emblée, c’est que votre livre se présente essentiellement comme une longue réponse au général Mohamed Touati qui avait critiqué votre gestion dans l’interview qu’il avait accordée à notre quotidien, le 27 septembre 2001. La première question que d’aucuns se posent est pourquoi avoir attendu six ans pour répondre au général Touati, et pourquoi avoir choisi une édition « online » plutôt qu’une édition « papier » ?
- Eh bien, que l’on me croie ou pas, ce sont des écueils purement circonstanciels qui ont fait que cela n’a paru que six ans après. J’avais commencé à rédiger ce livre en 2001. Cette même année, il y avait eu les inondations de Bab El Oued qui devaient être suivies deux ans plus tard par le séisme de Boumerdès. Ces deux événements m’ont affecté dans ma propre famille. J’ai eu en tout cas à m’occuper de problèmes familiaux. Ajoutez à cela des problèmes de santé. Tout cela m’a pris du temps, si bien que je n’avais pas la tranquillité nécessaire pour me consacrer à cet ouvrage. Maintenant, pour ce qui est des motivations de ce livre, il se trouve que pour de nombreux observateurs, le général Touati ne s’exprime pas toujours à titre personnel. Il était toujours présenté comme le porte-parole d’une institution. Si ce n’était qu’un point de vue personnel, je me serais gardé de lui répondre. Mais comme il est censé exprimer la position d’une institution, j’ai décidé de lui répondre et je me suis résolu à lui répondre cette fois-ci par écrit. Touati ne faisait en réalité que reprendre une thèse qui circulait depuis longtemps, à savoir que mon gouvernement a été renvoyé parce qu’il a échoué. Quand Ali Kafi m’a dit : ce gouvernement a échoué, nous mettons fin à sa mission, je n’ai pas voulu entrer dans une polémique à l’époque, d’autant plus que le pays était en crise. Après, je me suis mis à rédiger ce livre. Je vous surprendrai peut-être en vous disant que cela fait plus d’une année que le livre est achevé. J’ai essayé de l’éditer en 2006, mais l’on m’a posé des conditions inacceptables. Vous faites un travail et quelqu’un vous dit : vous me cédez ce travail, j’en fais ce que je veux. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas de faire une opération commerciale. Mon objectif était de faire connaître mon point de vue. Aussi, ai-je été amené à dire à l’un des éditeurs que j’ai contactés : prenez l’ouvrage et publiez-le. Je ne vous demande rien d’autre. Mais lui, il a exigé que je signe un contrat en vertu duquel je devais lui céder tout, pour toutes les langues, pour tous les pays et pour toute la durée des droits. En contrepartie, il s’engageait à imprimer 1000 exemplaires. A l’évidence, j’ai refusé ce marché. C’est ainsi que je me suis résigné à le diffuser par internet. Voilà. Ce sont ces circonstances qui ont accompagné l’élaboration de ce livre. Ce n’est ni une conjoncture politique, ni un calcul particulier. Ce sont simplement les aléas que je viens de citer.
- Vous avez pris la tête de l’Exécutif juste après l’assassinat du président Boudiaf. Vous vous êtes assigné une mission de redressement économique et de retour à la stabilité, et pour cela, écrivez-vous dans votre livre, vous avez préconisé une période de transition de 5 années assortie de la proclamation de l’état d’exception. Ce qui n’a évidemment pas été observé. Pourquoi aviez-vous recommandé le recours à l’état d’exception ?
- Cette question nous renvoie à une question fondamentale : pourquoi a-t-on fait le coup de janvier 1992 ? C’est tout le problème. J’estime que ce qui s’est passé le 11 janvier 1992 est quelque chose de très problématique. Le peuple a voté. Il y a eu un résultat électoral. On a enlevé le chef de l’Etat. On a annulé les élections. On a engagé le pays dans un processus qui a abouti à ce que vous connaissez. Après les événements du 5 octobre 1988, Chadli était désemparé. Il a réuni le bureau politique du FLN et a demandé : dites-moi si je dois partir, je suis prêt à partir. Quelqu’un lui a répondu : ce qui vient de se passer, c’est le signe que nous avons échoué. Par conséquent, nous devons tous partir. Evidemment, ce n’est pas la solution qui a été adoptée. Chadli s’est donc maintenu et a poursuivi ses prétendues réformes. Pour autant, le mécontentement populaire ne s’est pas arrêté. On a donné ainsi la possibilité au FIS d’exploiter ce mécontentement et il est devenu l’opposant par excellence.
- Vous notez que la manière dont Chadli a été « démissionné » était un « véritable coup d’Etat » que l’ANP aurait dû assumer en tant que tel. Et vous précisez que « c’est un coup d’Etat contre le peuple plus que contre Chadli ». En acceptant la responsabilité, vous avez, d’une certaine manière, cautionné ce coup d’Etat…
- Non seulement je l’ai cautionné, mais j’étais pour le coup d’Etat. Mais je dis qu’il aurait fallu le faire au moment opportun et le faire dans une logique salvatrice pour le pays. A partir du moment où l’on a laissé se faire le processus électoral, on a donné une légitimation au FIS. Avant les élections, le FIS était un parti politique. Après les élections, c’est devenu un parti représentatif. C’est différent. Il a gagné les élections. Ce n’est pas la même chose. Vous n’avez plus affaire au FIS, vous avez affaire au peuple. C’est complètement différent. On ne pouvait pas se permettre un tel acte qui est très grave du point de vue politique si on ne l’accompagnait pas d’autre chose. Il fallait donc une politique entièrement nouvelle. Une politique qui apportât au peuple la réponse qu’il attendait. On m’avait consulté à l’époque sur cette question. On était venu m’annoncer qu’il était question de faire démissionner Chadli et de le faire remplacer. On était venu me dire : « Ton nom est cité. »
- Qui « on » ?
- Je le dirai peut-être plus tard… Enfin, quelqu’un qui était dans le coup, plus ou moins. Je lui ai dit : on aurait fait le coup d’Etat avant décembre (1991), c’est une chose. Maintenant, c’est autre chose. Vous ne pouvez pas dissoudre le FIS seul et laisser le FLN. L’appareil du FLN qui a conduit cette politique, vous ne pouvez pas l’épargner. Pour cela, Chadli ne devait pas partir comme cela. J’ai dit qu’il fallait le destituer en condamnant sa politique. A partir de là, il eût fallu se donner le temps de mettre en pratique une politique nouvelle avant de retourner au processus électoral. A l’époque, j’ai estimé qu’il fallait une période de cinq ans pour mener à bien ce redressement. Mais eux, au lieu de cela, ils firent démissionner Chadli. Pis encore, ils lui fournirent l’occasion de sortir par la grande porte.
- Mais pourquoi l’état d’exception ?
- Concernant l’état d’exception, de deux choses l’une : ou bien vous êtes dans un régime constitutionnel. A ce moment-là, vous gouvernez avec un Parlement. Est-ce que vous pouvez le faire avec un Parlement qui n’est pas à vous ? Le FIS aurait objecté : j’ai gagné les élections, dégagez ! Moi je dis : pour pouvoir agir, vous êtes obligé de revenir à une situation de pleins pouvoirs. Vous mettez donc en congé le Parlement et vous suspendez la Constitution en proclamant l’état d’exception qui, soit dit en passant, est une mesure pleinement constitutionnelle. Mais l’état d’exception tel que je l’ai préconisé, il n’avait de sens que s’il était accompagné d’un programme qui se fixe des objectifs et qui donne des rendez-vous et ne pas rester ad vitam aeternam. Parce qu’il faut bien un jour ou l’autre revenir aux élections, sinon, cela devient autre chose et ne parlons plus de démocratie. L’état d’exception comme l’état d’urgence sont des mesures censées faire face à une crise. Et une crise qui dure signifie qu’il y a quelque chose d’anormal. On ne peut pas continuer à faire de mesures à caractère exceptionnel quelque chose de permanent. C’est implicitement un aveu que l’on n’a pas attaqué les vraies causes de la crise.
- Votre livre suscite de nombreuses questions par rapport à certaines allégations que vous faites, et qui ont des accents de véritables révélations, voire de « pavé dans la mare ». Vous citez par exemple le scandale financier de la société italienne ENI qui aurait versé 30 millions de dollars de commission pour un marché de gaz. Vous écrivez : « Par la suite, après mon limogeage, certains amis proches de ce qu’on peut appeler pudiquement les milieux bien informés, m’avaient dit que le jour où je m’étais mis à fourrer le nez dans le contrat de vente du gaz naturel à l’Italie, j’avais signé l’arrêt de mort de mon gouvernement. » Peut-on connaître les développements de cette affaire ?
- D’abord, je me dois de préciser que je ne voulais pas mener une lutte contre la corruption par la politique du bouc émissaire en livrant quelques individus en pâture à l’opinion. Dans mon esprit, il fallait prendre des mesures qui ne visent personne et qui touchent tout le monde. Quand il y a eu cette affaire du gazoduc italien, le scandale a éclaté sur le plan international. En tant que chef du gouvernement, je ne pouvais pas ne rien dire. Certains ont cru que je visais un homme qui était influent dans le système, en l’occurrence Larbi Belkheir. Or, je n’ai pas visé Belkheir. Un grand chef d’entreprise étranger avait avoué qu’il avait versé une commission importante contre un contrat. Il avait dit qu’il l’avait fait au profit d’un intermédiaire libyen qui lui avait été présenté par le président du Conseil italien, M. Andreotti. Or, il est de notoriété publique que M. Andreotti était venu plusieurs fois en Algérie accompagné de cet intermédiaire, et qu’il a été reçu par Chadli avec Belkheir. Je ne sais pas pourquoi M. Belkheir s’est considéré comme visé. Nezzar est venu me dire Belkheir veut te voir. Je lui ai dit : je n’ai rien à lui dire. Qu’est-ce que je vais lui dire ? Il y a eu ainsi un fâcheux quiproquo. Mais moi, je ne partais pas de l’idée que Belkheir était coupable.
- Vous affirmez avoir engagé un cabinet international pour enquêter sur cette affaire. Avez-vous obtenu des résultats probants de ces investigations ?
- Non. Les investigations, je les ai lancées, mais je suis parti avant d’en connaître les conclusions. On m’avait simplement dit : on peut vous dire qui a touché des commissions. Mais avoir des preuves, c’est difficile. Pour cela, il faut avoir la complicité de gens qui ont accès à des documents qui ont un caractère secret, et là, il faut avoir les moyens, il faut payer. Il faut négocier avec les Etats. Il n’y a que des Etats qui peuvent le faire. La société que j’avais engagée était une société sérieuse. C’est la société qui a établi des dossiers sur l’ancien chef d’Etat brésilien qui a été révoqué, ainsi que sur le président Mobutu et sur d’autres chefs d’Etat qui ont été mis en cause sur le plan international. A un moment donné, j’ai dit à quelqu’un de cette société : « On se voit en juillet. » Il m’a répondu : « Est-ce qu’en juillet vous serez encore là ? »
- Vous avez mis en place tout un dispositif anticorruption et vous avez même pris part, soulignez-vous, à la naissance de Transparency International à Berlin. Vous parlez de « sabotage » à l’encontre de certaines des mesures que vous avez prescrites, comme l’opération de changement des billets de banque qui n’a jamais abouti. Est-ce à dire que vous rencontriez une farouche résistance sur ce chapitre de la part des « décideurs » ?
- Oui, ça dérangeait. Ça dérangeait… On m’a fait « lanterner », comme dirait Touati. Pour l’histoire du changement de billets, force m’est de reconnaître que j’ai commis une erreur d’appréciation et c’est le seul échec que je me reconnaisse. J’aurais dû les faire imprimer ailleurs puisque on ne pouvait manifestement pas les imprimer ici. Si je l’avais fait à temps, j’aurais créé une situation qui aurait consolidé mon gouvernement. Même le terrorisme aurait été frappé. Je me rappelle toujours de ce commandant d’une unité de gendarmerie qui me disait : « J’en suis à mon 50e mort, faites quelque chose. » Le fait est que les terroristes avaient des capitaux énormes en liquide avec lesquels ils achetaient des soutiens. Le changement des billets les aurait contraints à les déclarer, faute de quoi, leurs avoirs seraient devenus du papier. C’était donc une mesure à la fois économique, politique et sécuritaire.
- Dans votre ouvrage, vous créditez le général Touati d’un pouvoir plénipotentiaire sous sa casquette de général qui « intrigue de derrière le rideau », selon vos propres termes. Quelle était la qualité de vos relations ?
- Pour moi, il est le prototype même de ceux qui sont les promoteurs du modèle assimilationniste. Cela dit, nous avions des relations correctes. Il se trouve que beaucoup de gens me critiquaient en disant que je suis « un homme du passé ». J’ai riposté une fois en disant de mes détracteurs que eux aussi, ils étaient du passé puisqu’ils soutenaient des idées du passé. J’ajouterais que ces idées étaient de celles que nous considérions comme propres aux « partisans de la laïcité et de l’assimilation ». C’était une formule employée dans les années 1940 à l’encontre de gens qui prônaient de suivre le modèle européen. M. Touati me fit le grief que j’aurais proféré une injure. J’avoue que cela m’a un peu choqué. Qu’un général de l’ANP me fasse un tel reproche signifiait qu’il était de l’autre côté, alors que j’imaginais qu’un officier de l’ANP était un héritier de l’ALN qui est née dans le sillage du mouvement national. Nous avons eu quelques échanges aigres-doux mais les choses en étaient restées là. Je me rappelle lui avoir dit qu’il détestait Boumediene. Il m’a répondu : « Je l’ai admiré après sa mort. » C’est là que j’ai mesuré le fossé qu’il y avait entre lui et moi. J’ai réalisé que nous appartenions à deux mondes différents et que nous ne pouvions pas être dans le même attelage. Pour autant, on ne s’est jamais « chamaillés ».
- On vous prête des déclarations selon lesquelles « c’est l’armée qui (vous a) ramené ». Vous ne semblez pas en faire un tabou…
- Non, non, je n’ai jamais déclaré que c’est l’armée qui m’a ramené. J’ai dit très exactement : « Je me suis engagé avec l’armée. » C’est différent.
- Pourtant, vous écrivez : « Je ne crois pas révéler un secret d’Etat en disant que l’ANP assumait la charge du pouvoir » (p 52). Plus loin : « Tout le monde savait que depuis la disparition du président Boudiaf, le HCE n’était plus qu’une chambre d’enregistrement et un organisme de promulgation formelle de décisions prises ailleurs » (p 186)… Quels étaient vos rapports avec le directoire du HCE ? Le considériez-vous comme votre véritable « interlocuteur » ?
- Mes rapports avec le HCE étaient globalement corrects. Mais le véritable interlocuteur, c’était Nezzar. Avec les autres, on pouvait parler de certaines choses, mais quand il s’agit de décisions, l’interlocuteur c’était Nezzar. Dans les moments importants, j’avais toujours affaire au général Khaled Nezzar et au président Ali Kafi. Je dirais même qu’il était convenu que Kafi s’abstînt d’intervenir. Il ne prenait pas la peine de parler. Tout le monde savait que le pouvoir était là où il est. Toujours est-il que je me cramponnais à l’idée que je n’étais pas là pour faire n’importe quoi. Que j’étais là pour apporter mon appui à une équipe dans le cadre d’une politique en laquelle je croyais. Je sentais que chez les gens de l’armée, il y avait une certaine solidarité, quelles que soient les divergences qu’il pouvait y avoir entre eux. C’est ce qui fait d’ailleurs la force de l’ANP et c’est tant mieux, parce que s’ils étaient divisés, cela aurait été fatal pour notre pays. Après, il y a eu un problème crucial qui s’est posé pour eux, à savoir l’histoire du rééchelonnement. Derrière se profilait l’enjeu de la libération du commerce extérieur, la question de lâcher la bride un peu aux affaires…
- Justement, vous consacrez une bonne partie de votre ouvrage à votre combat pour faire échec à la « thérapie » du FMI et l’option du rééchelonnement que l’on tentait par tous les moyens de vous faire endosser. Votre refus de « tendre la sébile » au FMI ne serait-elle pas, en définitive, la raison principale de votre limogeage ?
- Oui, en effet. Ce n’est pas la seule mais c’est la principale raison parce que je persistais à dire que l’on pouvait s’en passer.
- Vous citez une conversation avec le général Lamari qui vous aurait dit, après une opération terroriste où plusieurs soldats sont morts, que la lutte antiterroriste ne concernait pas que l’armée et qu’il fallait ouvrir des chantiers pour créer de l’emploi et endiguer la subversion. Ce que vous avez interprété comme une invite à parapher l’accord avec cette institution et sa promesse de verser cash 14 milliards de dollars…
- C’était en réalité une discussion téléphonique. Malgré cela, j’ai senti qu’il était « travaillé ». On l’a travaillé dans ce sens. Le problème, c’est que ce n’était même pas un paiement « cash » qui nous était promis. Les gens s’imaginaient que le FMI allait nous verser directement 14 milliards de dollars alors que cela ne se passe pas comme cela. Moi, je tenais à savoir de combien le rééchelonnement allait augmenter notre capacité d’importation. Si c’est une augmentation substantielle, cela vaut le coup. Si c’est de l’ordre de 1 milliard, ce n’est pas intéressant. Ce n’est pas avec un milliard ou 1,5 milliard de plus que l’on va relancer réellement l’économie. Evidemment, moi je raisonnais en fonction des besoins de l’économie. Mais pour certains, c’était en fonction des marchés qu’ils apportaient de l’extérieur en termes de produits à vendre. C’était tant de frigidaires de plus, tant de voitures de plus, de téléviseurs ou de machines à laver…
- En filigrane, votre opus pose une problématique de taille, à savoir le poids de l’institution militaire dans la conduite des affaires de l’Etat. Comment voyez-vous le transfert du « pouvoir réel » incarné par l’armée vers des instances civiles élues ?
- C’est tout le problème. Dans le contexte où nous sommes, la seule structure plus ou moins solide dans le pays, c’est l’armée. Elle est ce qu’elle est. Vous pouvez dire tout ce que vous voulez sur son compte, c’est la seule structure qui tienne et qui fait face aux tempêtes. Si vous voyez la société civile, la société politique, elles sont déliquescentes. Cela dit, il faut qu’un jour ou l’autre l’armée passe la main. Mais entre les mains de qui cela va-t-il tomber ? Vous me demandez de répondre à une question à laquelle je n’ai pas de réponse. Je ne peux qu’émettre un vœu : c’est que cette classe politique engendre un jour des hommes capables de prendre en main le destin de l’Algérie. Je voudrais dans le même ordre d’idées souligner quelque chose : il faudrait faire la différence entre l’armée et les services de sécurité, car on a parfois tendance à les confondre. Les services de sécurité sont immergés dans la société civile. Je pense qu’ils sont allés très loin. Et je pense que le moment est venu d’assainir un peu les choses. Boumediene avait une autorité totale sur les services de sécurité. Aujourd’hui, les temps ont changé. On doit leur faire la cour pour pouvoir être nommé. Certes, le pouvoir doit avoir des mécanismes pour être informé. Mais il ne faut pas accepter que ces services deviennent les maîtres de la décision. A défaut, on risque de dégénérer vers une société policière d’autant plus dangereuse que ces pratiques sont occultes. Vous connaissez le système du « papier blanc » ? C’est ce qui nous attend. L’information vient, d’où ça vient, qui l’a donnée ? On ne sait pas. Mais elle est versée au dossier. Il faut qu’il y ait une autorité qui dise : j’estime que ce monsieur mérite qu’on lui fasse confiance. C’est moi l’autorité, ce n’est pas vous ! Vous m’informez d’accord, mais vous n’êtes pas l’autorité. C’est ce système-là qui a dégénéré. Je sais qu’au niveau de l’armée, ça leur pèse. Il y avait de hauts cadres de l’ANP qui disaient : « Koulchi yerdjaa âla d’hourna », « tout va nous retomber sur la tête, nous les militaires ». Ils veulent donc se délester de cette charge. Encore faut-il qu’il y ait un bon relais au niveau politique, pas des affairistes ou des gens qui trafiquent les élections.
- L’une des choses qui ont marqué votre passage à la tête du gouvernement, une relation très tendue, pas tendre en tout cas, avec la presse. On se souvient particulièrement de la suspension par vos soins du journal El Watan suite à l’affaire « Ksar El Hirane » où des gendarmes ont été assassinés. Dans votre livre, vous soutenez que c’est le général Touati qui a « briefé » El Watan sur cette information et vous y voyez une cabale fomentée contre le général Abbès Gheziel, commandant de la Gendarmerie nationale, pour l’empêcher de remplacer le général Khaled Nezzar à la tête du MDN. D’où tenez-vous un tel scénario ?
- Pour tout vous dire, c’est une déduction que j’ai faite a posteriori. Au moment de l’affaire, je n’avais pas cette information. Touati ne m’a jamais parlé d’El Watan. Celui qui m’a parlé d’El Watan, c’était Nezzar. Il m’a dit bon, tu as pris cette mesure. Je les ai rabroués. Maintenant, il faut les relâcher (les six journalistes d’El Watan emprisonnés à Serkadji après la publication de cette information, ndlr). Au bout d’un certain temps, j’ai fait libérer les journalistes. Quant à Touati, il m’a dit un jour que lors de cette affaire, il avait vivement protesté auprès de mon directeur de cabinet. Moi, j’arrivais le matin dans mon bureau et on m’avait mis le journal sous les yeux avec une grande manchette en première page annonçant que quatre ou cinq gendarmes avaient été tués près de Laghouat. Les responsables de la gendarmerie m’ont interpellé pour me dire : « Ils nous ont cassé l’enquête. » J’avoue que cela m’a énervé. Nous étions, il ne faut pas l’oublier, en état d’urgence. Cela vous donne le pouvoir de prendre quelqu’un sans lui donner d’explication et de l’envoyer au Sahara. On avait préalablement convenu avec les organes de presse de faire attention à l’information sécuritaire et ne pas servir de caisse de résonance aux actes terroristes qui étaient en quête de retentissement. Le ministre chargé du secteur avait rencontré les directeurs de la presse auparavant et les avait édifiés dans ce sens. Pour moi, El Watan avait donc transgressé une mesure que l’on avait prise dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Par la suite, j’ai été qualifié d’ennemi de la presse et de bonhomme hostile à la liberté d’expression. Je ne suis pas l’ennemi de la presse. Je dis juste que la presse doit se discipliner dans les situations difficiles. Je pourrais même me targuer d’être celui qui a le plus respecté la presse et les journalistes parce que je n’ai jamais essayé de les acheter. J’aurais pu dire à tel ou tel journal, je prends en charge vos factures et, en retour, mettez-vous à mon service. Je ne l’ai pas fait.
- J’aimerais, si vous le permettez, aborder un autre point polémique vous concernant, à savoir une formule aux allures de « fetwa » qui vous est prêtée avec insistance. Je pense à l’expression « laïco-assimilationnistes » proférée à l’encontre des démocrates, des gens de gauche et autres journalistes de la presse privée, les désignant à la vindicte populaire, voire terroriste, comme cela vous a été maintes fois reproché. Peut-on connaître votre version à ce sujet ?
- Le jour où j’ai évoqué cette expression, je m’étais exprimé en langue arabe en disant : « Ashab alaïkia wel indimadj », « les adeptes de la laïcité et de l’assimilation ». On m’en a fait un procès d’intention alors que je n’ai jamais employé l’expression « laïco-assimilationniste » en tant que telle. La première expression fait référence à une formule que nous employions du temps de la colonisation. Ceux-là, nous les voyons ressurgir sous une autre forme aujourd’hui. Il m’est arrivé de dire que parmi les gens qui nous attaquaient, il y avait certains éléments de la presse, des partisans de la laïcité qui étaient contre nous sur le plan doctrinal, mais, de là à en faire des cibles pour les terroristes, l’argument, ma foi, est court. On arguait qu’à partir du moment où ils étaient dénoncés, on en faisait des cibles potentielles. Fallait-il donc ne rien dire alors que de leur côté, ils s’en prenaient allégrement à moi ? Ce n’est pas équitable.
- Avez-vous eu des réactions « en haut lieu » depuis la sortie, ou plutôt… la mise en ligne de votre livre ?
- Non, pas à ma connaissance.
- Un commentaire à propos de la lettre du général Touati parue ce lundi dans les colonnes du Soir d’Algérie ?
- J’estime que dans l’ensemble, il n’a rien apporté de nouveau. Je constate qu’il est resté fidèle à lui-même, avec ses imprécations et ses jugements de valeur. Il a parlé de la souffrance de sa famille, particulièrement de sa grand-mère durant la colonisation. Je m’incline pieusement devant cette grand-mère courage et devant tous les habitants de cette région que cite M. Touati, ainsi que tous les Algériens qui ont subi la répression coloniale. J’ai noté, par ailleurs, que le général Touati est revenu sur l’histoire du rééchelonnement en affirmant que j’ai laissé l’Algérie au bord de la cessation de paiement. Je relève qu’il a manqué de préciser à partir de quel jour cela a-t-il commencé. Je soumets à votre appréciation cette édition du journal Le Monde datée du 31 janvier 1994 avec ce titre : « L’Algérie suspend le paiement de sa dette extérieure ». Moi, je suis parti en août 1993 en laissant derrière moi 2 milliards de dollars à la Banque centrale en plus d’un stock d’or. Le Monde cite d’ailleurs un banquier algérien qui s’étonne que ces 2 milliards aient « fondu » en si peu de temps.
- Hormis l’écriture, que devient aujourd’hui Bélaïd Abdesselam ?
- Je suis chez moi. Je souhaiterais poursuivre mes réflexions. J’aimerais écrire d’autres ouvrages encore. Mais est-ce que j’aurai le temps et la sérénité nécessaires pour le faire ? Je l’ignore…

 Mustapha Benfodil (El-Watan)

Le général Touati répond à Belaid Abdesselam 30 juillet, 2007

Posté par benchicou dans : Algérie : analyses et polémiques , 51 commentaires
Le général s’exprime dans El-Khabar et révèle :

Le  général Touati répond à Belaid Abdesselam dans Algérie : analyses et polémiques Touati-02-elkhabar img-ombre-haut-droit dans Algérie : analyses et polémiques
img-ombre-bas-gauche img-ombre-bas-droit

 « M. Abdesslem croit plus aisé d’imputer à d’autres les raisons de ses médiocres performances »
« Il m’a proposé le poste de Ministre de l’Intérieur et j’ai refusé »

Le général à la retraite, Mohamed Touati a indiqué lors de sa « réponse aux mémoires de l’ancien Chef du Gouvernement » Belaid Abdeselem, que ce dernier a cru plus aisé d’imputer à d’autres les raisons de ses médiocres performances ». Lors de cette réponse Touati s’est arrêté à plusieurs points surtout en ce qui concerne ses relations avec le Trésor français et de grands importateurs.
« Lorsque les hasards de l’existence hissent un homme au poste le plus élevé lui confiant, même provisoirement, l’honneur de gouverner ses semblables, cette dignité lui impose la retenue dans l’expression, la mesure dans ses jugements, un vocabulaire digne de sa haute fonction et le rejet de l’allégation diffamatoire », ainsi commence le texte de la réponse du Général Touati aux déclarations de l’ancien Chef du Gouvernement Belaid Abdeselem dans ses mémoires il y a quelques jours.
Toutefois il ne considère pas sa démarche comme une justification mais plutôt il estime « Apporter des éclaircissements ou des rectifications aux allégations avancées ».
En ce qui concerne des propos des allégations au sujet de ses contacts avec le Trésor Français, M. Touati a souligné qu’en 1993 ses seuls contacts avec les fonctionnaires français se limitaient aux formalités de police et de douane à Orly. « Penser un seul instant qu’une structure technique comme le Trésor Français, puisse un jour dialoguer avec un Général étranger quel qu’il soit, relève à l’évidence de l’ignorance ou du seul désir de nuire sans crainte du ridicule ».
Pour ce qui est de sa rencontre avec M. JUPE il a déclaré «  je n’ai jamais rencontré personnellement M. Jupe. La seule et unique fois où je l’ai vu, ce fut au cours d’une réception à Djenane El Mithaq (Etablissement Officiel) au cours d’un déjeuner auquel j’ai été invité, me semble t-il, par feu M’Hamed Yazid, Directeur Général de l’INESG. M. Jupe était encore au RPR ».
« M. Abdesselem a prétentdu que j’avais apporté une protection ouverte à de gros importateurs et c’est précisément ce genre d’ineptie qui m’a décidé à répondre à la série d’allégations proférées par cet ancien dignitaire de l’Etat. Je n’ai jamais eu, à ce jour, le moindre rapport avec les milieux d’importation. J’ai même interdit à mes enfants de s’y engager pour éviter toute interférence regrettable dans mes fonctions et les mettre ainsi à l’abri d’approches intéressées et peu fiables », précise-t-il.
Il poursuit « Monsieur Abdeslem en est venu à cette interprétation (protection d’importateurs) lorsque je lui ai dit dans son bureau et en face, qu’un des rédacteurs du Code des Investissements m’a dit être dépité et déçu par l’ajout de sa formule finale. Elle vidait de sa substance novatrice le texte élaboré. Je l’ai fait très spontanément comme on le fait dans l’Armée vis-à-vis de ses Chefs, sans penser un seul instant que ceci pouvait donner lieu à une interprétation mettant en cause ma probité. Ainsi, la moindre réserve à l’endroit de son point de vue est synonyme de trahison ».
M. Touati poursuit en indiquant « loin de respecter les limites imposées par sa haute fonction, Monsieur Bélaid ABDESLEM, dans l’outrage au bon sens commis sur Internet, a cru plus aisé d’imputer à d’autres les raisons de ses médiocres performances ».
Il évoque sa dernière entrevue avec l’ex chef du gouvernement qui a eu lieu fin juin 1993 « C’est sur insistance du Général Khaled Nezzar que j’ai accédé, à la demande de M. Abdeslem, d’aller le voir à Djenane El Mufti, sa résidence d’alors. Il me propose alors le poste de Ministre de l’Intérieur. Je déclinai la confiance et l’honneur pour des raisons politiques et une raison économique ».
Il a également souligné la vision simpliste et le dogmatisme de l’ancien chef du Gouvernement lorsqu’il a rappelé son refus d’occuper le poste de ministre de l’Intérieur « au motif qu’il n’y avait pas d’autres solutions que le rééchelonnement », Abdesselem répondit : ‘’Tu es donc pour le blanchiment d’argent ! ». 
« C’est certainement ce genre de propos tenus à M. l’ex chef du gouvernement qui me vaut aujourd’hui une suspicion derrière-je ne sais quel plan de braderie de l’économie nationale ? »
Il a conclu en indiquant « enfin, toutes les autres allégations, assertions, divagations, imputations, –et j’en passe- sont faites dans le but de nuire et d’assouvir une frustration inconsolable. Sans doute, procèdent-elles chez leur auteur, d’un inconscient cherchant à exorciser les fantasmes qui l’assaillent, depuis la faillite avérée de son « programme d’austérité » mis en œuvre de juillet 1992 à août 1993 ».
« En un mot, l’ex chef du gouvernement n’est victime de personnes d’autre que de lui-même et de son dogmatisme. Souhaitons-lui un prompt retour à la sérénité ».



30-07-2007
Par Atef Kedadra

Débat Bouteflika : huit ans après, quel bilan ? (2è partie) 28 juillet, 2007

Posté par benchicou dans : Algérie : analyses et polémiques , 15 commentaires

 

Toujours dans la colonne débit, il convient de signaler une autre « réussite » du président : le fermeture totale du champ politique et la mise entre parenthèses du jeu démocratique. En effet, le chef de l’Etat a non seulement refusé l’agrément de nouveaux partis appartenant à des mouvances diverses qui auraient pu changer quelque peu le paysage politique national, mais il a pratiquement interdit aux partis de l’opposition d’activer librement. Pour ce faire, il a en permanence refusé l’abrogation de la loi sur l’état d’urgence. Etat d’urgence maintenu malgré « le retour à la paix » revendiqué par le clan présidentiel. La main du Président est aussi présente dans les divisions et les scissions dans les partis et les mouvements d’opposition : les partis Ennahda et El Islah ont été victimes des manœuvres du clan présidentiel ; la création d’un troisième parti kabyle l’UNR d’Amara Benyounès (très vite agréé) chargé de concurrencer les deux autres, trop ancrés dans l’opposition, porte aussi la signature du président. Il en est de même du dynamitage, du mouvement citoyen (Arouch) qui a explosé en diverses tendances et qui, aujourd’hui, a perdu toute crédibilité. Même les partis de l’alliance présidentielle n’échappent pas aux risques de déstabilisation de la part du clan présidentiel, de manière à les maintenir toujours sous pression et à les rappeler à « leur devoir » de soutien sans faille, et à la politique du chef de l’Etat (tout le monde se rappelle l’action des « redresseurs » au sein du parti du FLN qui, sous la houlette d’Ali Benflis, avait eu des velléités d’indépendance vis-à-vis du président et de la féroce reprise en main qui s’en est suivie). La fermeture du champ politique n’a été rendue possible que parce que le champ audiovisuel est lui aussi fermé. Sans les médias lourds (radio et télévision), aucune ouverture politique n’est possible. Les partis d’opposition n’ont aucune chance de se faire entendre des citoyens sans la radio et la télévision. Or, les médias audiovisuels sont aux ordres entre les mains de l’Etat ; ils le resteront encore longtemps, par la volonté d’un président qui refuse toute ouverture du champ audiovisuel au privé, national et/ou étranger. Les champs politique et audiovisuel ne s’ouvrent qu’épisodiquement et au moment des élections. Et, encore, ne s’ouvrent-ils que pour crédibiliser des élections qui, sans cette mini-ouverture, ressembleraient aux élections d’antan, celles qui se déroulaient sous le régime du parti unique. L’ouverture réelle, celle qui permettrait une réelle activité démocratique, n’est pas pour demain : le président, qui a horreur du multipartisme (il l’a plusieurs fois déclaré), a mis en place un système qui donne l’impression d’être multipartisan mais qui, en réalité, fonctionne comme dans un régime de parti unique ou de parti dominant. Les trois partis de l’alliance ne sont, en réalité, que les trois facettes d’un mouvement plus large, une sorte de front qui regroupe les nationalistes, les islamistes et les modernistes (à défaut d’un autre qualificatif plus adéquat pour définir le RND). Car, même si ces trois partis gardent leur autonomie organisationnelle, il n’en demeure pas moins qu’ils activent tous dans un but unique : appliquer le programme du président de la République, et seulement lui. Les partis d’opposition, quant à eux, ne sont là que pour donner du système politique algérien une image fausse, de régime démocratique. Aucun des partis qui campent délibérément dans l’opposition au président n’a de chance d’arriver, un jour, relativement proche, au pouvoir, ni même de le partager. On peut facilement imaginer un gouvernement qui comprendrait des ministres venant d’horizons divers (y compris des ministres du Parti des travailleurs de Louiza Hanoune ou du RCD de Saïd Sadi) à la condition expresse, toutefois, que les partis dont ils sont originaires prêtent allégeance et adoptent le programme du Président.

La mise sous surveillance de la presse indépendante

La colonne débit du Président s’alourdit un peu plus par la mise sous surveillance étroite de la presse indépendante. Cette dernière, du moins les journaux les plus importants et les plus lus, s’est assez rapidement située dans le camp de l’opposition au président Bouteflika et à sa politique de main tendue aux islamistes (grâce amnistiante et réconciliation nationale). Les critiques, souvent sévères et touchant plus l’homme que sa politique, n’ont pas manqué qui n’ont pas eu l’heur de plaire au clan présidentiel. Et si, au début de son premier mandat, le chef de l’Etat se félicitait de n’avoir mis aucun journaliste en prison ni d’avoir procédé à la fermeture d’aucun journal, il a rapidement changé de position et mis sous haute surveillance et sous pression la presse privée. Pression économique, en faisant jouer la « commercialité » des imprimeries d’Etat (qui avaient le monopole du tirage des journaux) qui réclamaient le payement immédiat des créances détenues sur les journaux les plus virulents à l’encontre de la politique du chef de l’Etat. Le nombre de journaux empêchés de paraître, parfois pendant des semaines, pour non règlement immédiat de leur dette, se comptait par dizaines. Pression judiciaire en application d’une loi sur la presse très sévère, prévoyant la prison pour les journalistes et les éditeurs et de très fortes amendes pour les journaux qui peuvent se trouver, ainsi, mis en état de faillite et de dépôt de bilans. Beaucoup de journalistes et d’éditeurs ont été poursuivis en application de la nouvelle loi (appelée, par ironie, code pénal bis). Les condamnations à la prison ferme ont été nombreuses, bien que la majorité des condamnés n’ait pas été enfermée en attendant les recours. Un quotidien — le Matin — a été mis en faillite et ses actifs mis en vente ; son directeur a passé deux années entières en prison après avoir été condamné, non pas pour un délit de presse, mais pour un « délit économique ». En fait, il payait les prix d’une opposition intransigeante au Président et à sa politique et d’une liberté d’écriture qui refusait les limites imposées par le pouvoir en place. La mésaventure de Mohamed Benchicou a beaucoup joué dans le fait que le ton général de la presse indépendante est devenu moins virulent à l’égard du Président, de son clan et de sa politique. On a même vu des quotidiens, hier, sévèrement critiques envers « le pouvoir », ses hommes et son programme, devenir subitement de fervents soutiens du Président et de son œuvre.

La maladie du président et la révision de la constitution

La grande inconnue pour l’avenir immédiat du système mis en place par le Président réside dans l’état de santé du chef de l’Etat. C’est probablement le secret d’Etat le mieux gardé (à l’image de ce qui s’était passé pour feu le président Boumediène). Toute l’Algérie bruit de rumeurs alarmantes sur la maladie du Président. Personne ne croit au discours officiel ni aux images et vidéos présentant un président toujours très actif et en bonne santé. La question que pose l’état de santé du Président est relative au devenir du système qu’il a mis en place et à la réforme constitutionnelle qui devait avoir lieu, en 2006, mais qui a été reportée à plus tard pour des raisons non dites. Bouteflika est-il physiquement en état de briguer un troisième mandat et de le mener à son terme ? Le secret pesant qui entoure la maladie du Président ne permet pas de donner une réponse à cette question. Ce qui est certain, c’est que Bouteflika est désireux de changer la Constitution de manière, d’une part, à se libérer du carcan trop limitatif des deux mandats et, d’autre part, à instaurer un régime véritablement présidentiel qui permettrait au système qu’il a mis en place de lui survivre. En effet, si le Président disparaît subitement sans avoir préparé sa succession, le danger est réel de voir revenir en force le clan des généraux qu’il a si difficilement éloigné du pouvoir. Ce serait faire injure à son intelligence et à ses capacités manœuvrières que de croire qu’il n’est pas en train de préparer l’avenir, le sien propre et celui de son système. La révision constitutionnelle aura bien lieu. La seule question qui se pose encore est la date à laquelle elle se fera : en 2007, 2008 ou 2009, juste avant les futures élections présidentielles ? Si son état de santé le permet, nul doute qu’il reportera cette date au plus loin possible, sans pour autant attendre 2009. La nouvelle Constitution instaurera certainement un régime présidentiel à l’américaine avec la désignation d’un vice-président qui prendra automatiquement la relève en cas de disparition en cours de mandat du Président. C’est la seule manière de faire perdurer le système qu’il a mis en place en choisissant lui-même son successeur parmi sa famille politique (FLN ou RND) ou parmi ses proches.

En guise de conclusion

Que conclure, donc, sur le bilan de huit années de pouvoir du président Bouteflika ? Positif ? Certainement, pour une bonne partie de son œuvre. Car, la chance aidant (en politique, même la chance, il faut la mériter), le pays est pour quelque temps à l’abri, financièrement parlant. La stabilité politique est revenue, même si elle n’agrée pas tout le monde : ceux qui sont dans l’opposition se lamentent de la fermeture du champ politique qu’il a imposée. Les projets économiques structurants sont nombreux, même si leur réalisation est confiée dans leur quasi-totalité à des firmes étrangères au détriment des entreprises algériennes ; c’est le retour au système du produit en main, éliminant tout espoir de transfert de technologie. La paix, même si elle n’est pas totalement revenue et qu’elle a coûté un prix exorbitant, éthiquement parlant (pardon sans contrepartie aux assassins de femmes, d’enfants et de vieillards), ne paraît plus aussi irréalisable qu’avant 1999. Le carcan, véritable ceinture sanitaire mise en place par les Occidentaux et respectée par tous, qui enserrait l’Algérie, a été brisé grâce à une diplomatie personnelle dynamique et efficace du Président (avec l’aide, bien sûr, des réserves de change qui s’accumulent). Les grands équilibres économiques ont été maintenus et renforcés, même si, en dehors des hydrocarbures, les autres secteurs économiques ne connaissent pas de développement remarquable et soutenu, à l’image des grands pays émergents. Négatif ? Aussi pour une autre partie. Il s’agit, surtout, de la fermeture du champ politique qui fait que l’Algérie est loin du système démocratique que beaucoup appellent de leurs vœux. Bouteflika n’aime pas la démocratie et son pendant, le multipartisme. Il a tendance à fermer le jeu politique, de manière à ce qu’il n’y ait plus que lui pour dicter les règles aux autres. Son travail de sape a fini par transformer l’ensemble des partis, majorité présidentielle comprise, en coquilles vides. Les partis d’opposition ont perdu cette capacité de mobilisation populaire sans laquelle ils n’ont plus aucune crédibilité. Les partis formant la majorité présidentielle sont perçus comme de simples relais de l’action présidentielle, ainsi que ses porte-voix. Aucun contre-pouvoir n’est en mesure de contrecarrer la volonté présidentielle, y compris ceux qu’on appelait autrefois « les décideurs ». Le président Bouteflika est le seul maître de la scène politique algérienne : tous les autres ne sont que des faire-valoir. On n’est pas loin d’un système totalitaire, qui a pour devanture un visage pluraliste, mais qui est, en réalité, au service du seul Président, et, par extension, de son clan. Le très fort taux d’absentéisme officiel, aux dernières élections législatives est le reflet de l’énorme décrédibilisation de l’action des partis sur la scène politique. Les citoyens ne croient plus en leur capacité de les représenter et de défendre leur aspiration profonde à un mieux-être. Ils ont fini par se désintéresser totalement du fait politique (il est d’ailleurs significatif que les Algériens aient suivi avec passion le déroulement, campagne électorale comprise, des élections présidentielles françaises, tout en n’accordant aucun crédit aux législatives algériennes qui se déroulaient presque au même moment). La Kabylie paye encore, aujourd’hui, le prix de la politique du Président qui ne lui pardonne toujours pas son opposition systématique. Elle rassemble sur son espace géographique toutes les misères et tous le maux sociaux du pays : délinquance, drogue, alcoolisme, prostitution, terrorisme, kidnappings, suicides etc. La région qui était autrefois qualifiée de Suisse algérienne est devenue un véritable coupe-gorge que tout le monde montre du doigt et évite. La vindicte présidentielle est la cause principale de cette nouvelle réalité kabyle. Le retrait criminel des brigades de la Gendarmerie nationale (certes revendiquée par les Arouch) a été le point de départ de cette descente aux enfers. Nulle part dans le monde on n’a vu un Etat, dont la mission première est de protéger les citoyens et leurs biens, accepter de retirer ses forces de sécurité d’une région et la laisser plonger dans l’insécurité. Il est d’ailleurs significatif de la volonté présidentielle de déstabiliser durablement la Kabylie, de voir que sur les onze points de la plate-forme d’El Kseur, c’est ce point du retrait des brigades de la Gendarmerie nationale qu’il a accepté le plus facilement. La trop forte proximité du Président avec l’islamisme n’est pas à mettre automatiquement au débit de son bilan. Qu’il ait une forte sensibilité islamiste n’est pas en soi anormal. L’islamisme existe bel et bien en Algérie et constitue une des composantes essentielles du champ politique. Le nier serait criminel et dangereux pour la stabilité du pays. Ce qui est important, et qui a été réalisé, c’est d’avoir enlevé la couverture politique à l’islamisme radical ; celui qui mène au terrorisme et qui, un temps, avait le vent en poupe. Il est aussi important d’avoir amené ses responsables à déclarer solennellement abandonner l’objectif d’installer un Etat islamique et instituer la chari’a. La mouvance islamiste, celle qui accepte de jouer le jeu électoral, qu’elle se soit mise ou non sous la bannière du Président, représente environ le quart de l’électorat. On ne peut pas, donc, nier son existence. Cette réussite, car c’en est une, même si la sincérité des leaders islamistes n’est pas à prendre pour argent comptant, est à mettre au crédit de la politique de concorde, puis de réconciliation nationale du Président. Nous avons vu que le prix payé était certainement lourd, mais le fait est là, la mouvance islamiste accepte aujourd’hui de nuancer ses positions et de se fixer des objectifs raisonnables qui ne remettent plus en cause le caractère républicain de l’Etat algérien.

Ce qui ressort de tout ce qui précède, c’est que le président Bouteflika a pesé de tout son poids sur l’évolution de la situation du pays, ces huit dernières années. Il a profondément recomposé le paysage politique du pays en utilisant les ingrédients existants et en les reformulant autrement : il n’a pas créé un nouveau parti pour le servir ; il a regroupé les partis qui l’ont soutenu en une seule entité et les a mis en ordre de marche pour réaliser son programme. Il a donné l’illusion qu’il a réconcilié toutes les mouvances politiques algériennes qu’il a amenées à travailler ensemble. Il a éliminé (plus ou moins durablement) de la scène politique la haute hiérarchie militaire qu’il a renvoyée dans ses casernes. Il a renvoyé à leurs affaires, après une longue guerre de position, tous les membres du pouvoir occulte qui, auparavant, dictaient toutes les décisions importantes de l’Etat algérien. Il compte, enfin, instaurer un véritable régime présidentiel, fait sur mesure pour lui et pour la pérennité du système qu’il a mis en place.

Quid de l’après-Bouteflika ?

Quel que soit le scénario de ce qui se passera les quelques années prochaines, la question se pose de savoir ce que deviendra le système bouteflikien sans Bouteflika. En considérant acquis le fait que la Constitution sera révisée et que le président actuel bénéficiera d’un troisième mandat, il n’en demeure pas moins que le problème de sa succession demeure entier. Qui sera en mesure de le remplacer au poste de président de la République dans un système qui sera, entre-temps, devenu purement présidentiel, c’est-à-dire donnant les pleins pouvoirs au chef de l’Etat au détriment de tous les autres ? Dans l’état actuel des choses, il est difficile de se prononcer. Aucun candidat à la succession ne possède une personnalité équivalente à celle de l’actuel Président, capable d’assumer sans déraper tous les pouvoirs que la Constitution lui donne : ni Belkhadem (qui semble tenir la rampe aujourd’hui), ni Ouyahia (qui reste en réserve), ni un autre proche du chef de l’Etat (y compris son frère Saïd, que, selon la rumeur, Bouteflika préparait pour la relève). Il est, toutefois, évident que le chef de l’Etat a une idée bien arrêtée sur la suite ; il sera, s’il dispose d’assez de temps pour cela, le seul chef d’Etat algérien à avoir préparé sa succession. Dans le cas contraire, ce sera un retour à la case départ, avec un retour sur la scène politique de la haute hiérarchie militaire qui pèsera de tout son poids pour désigner le candidat à la succession.

L’auteur est politologue

Rachid Grim

25 juin 2007

1...45678...19

Alliance des Empereurs |
UN JOURNAL |
GlobalWarning |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Convention Collective
| Distribution de flyers dans...
| Palestine – la paix dites-v...