Rencontre Bouteflika-Sarkozy : Jean Daniel raconte 20 juillet, 2007
Posté par benchicou dans : Algérie-France : entre le passé et Sarkozy , 9 commentaires
Dans l’avion qui le conduit à Alger, le mardi 10 juillet, Nicolas Sarkozy évoque la cérémonie du 14-Juillet. Normal. Sauf que ce n’est pas celle à laquelle il présidera quatre jours plus tard et qui comprend un hommage fervent et sans précédent à l’Union européenne. Le président français, lui, pense au 14-Juillet… 2008! Tout simplement. Et cette idée illumine son visage d’une excitation enfantine. Car, imaginez, cette célébration serait, pourrait être, et en fait sera «formidable» parce qu’elle réunira les pays de toute la Méditerranée, celle des deux rives, celle de l’Europe et de l’Afrique. Rien de moins. «Je crois plus que tout à la force des symboles. Après l’Union européenne, ce sera l’Union méditerranéenne.» Telle est la grande idée qu’il entend «vendre» aux Algériens en choisissant leur capitale pour effectuer son premier voyage officiel hors d’Europe. Le premier partenaire de la France devrait être le président Abdelaziz Bouteflika, avec lequel Nicolas Sarkozy a entrepris, depuis longtemps et à l’insu de tous, de tisser des liens d’estime et de sympathie. Il avait son plan. C’est du président algérien que le président français a reçu les premières félicitations, à 20h10, le soir de son élection.
Que fais-je dans cet avion? J’ai voté Ségolène et ne le regrette pas. J’ai horreur de la jubilation masochiste des hiérarques du Parti socialiste devant l’échec de leur candidate. Face à la droite, le socialisme ne s’est tout de même pas déshonoré. Avec Mauroy, avec Rocard, avec Jospin, ça a même été le contraire. La façon dont Eric Besson a trahi les siens pour devenir ministre me paraît le comble de la forfaiture. Quant à Nicolas Sarkozy lui-même, j’ai sévèrement critiqué un voyage qu’il avait fait aux Etats-Unis pour dénoncer la politique de son propre pays tout en étant le numéro deux du gouvernement, risquant ainsi de discréditer la fonction à laquelle il prétendait. Et si je me suis toujours interdit de dire ou de laisser entendre que l’ancien ministre de l’lntérieur de Jacques Chirac pût être le moins du monde raciste, xénophobe ou fascisant, j’ai douté en revanche fortement des orientations de sa politique étrangère.
Mais je n’entends rien dans cet avion qu’un Hubert Védrine n’aurait pu formuler. Aucune fausse note entre Nicolas Sarkozy, Bernard Kouchner, Jean-David Levitte, Henri Guaino et Rama Yade. Que disent-ils du Proche-Orient, par exemple? La sécurité d’Israël? Une priorité. Mais elle dépend désormais surtout de l’aide plus ou moins massive fournie par les Israéliens à l’Autorité palestinienne. Mais de plus, de toute façon, on ne fait la paix qu’avec des ennemis. Et ce n’est pas lorsqu’ils s’arrogent le droit de parler aux Iraniens que les Etats-Unis peuvent trouver à redire au fait que l’on songe à parler au Hamas, au Hezbollah, sinon aux Syriens. «Auriez-vous envoyé des troupes en Irak auprès des Américains si vous aviez été aux affaires?», ai-je demandé à Sarkozy. Il s’attend à la question et répond aussitôt: «En aucune façon! Je n’y aurais même pas pensé, connaissant le sort de toutes les occupations. En revanche, j’aurais été mille fois plus proche qu’avant des Etats-Unis.»
Il y aura donc une certaine continuité de la politique étrangère. Et comme j’ai derrière moi une longue vie de familiarité avec le Maghreb et la Méditerranée, j’ai été invité à voir comment les ambitieux projets du nouveau président pouvaient être accueillis. Mais en fait, et avant toute chose, si avec Nicolas Sarkozy commence une ère nouvelle, c’est d’abord dans la rupture qu’il opère avec le style, les méthodes, le langage, les gestes de ses prédécesseurs lorsqu’ils incarnent le visage de la France à l’étranger. Tous ceux qui se font une idée avantageuse de la présidence de la République doivent revoir leur copie. Si vous pensez que le président ne doit pas se départir d’une certaine superbe, que son autorité doit garder quelque secret sinon un parfum de mystère, que ses propos doivent révéler une conscience un peu suffisante du rang que son pays occupe dans le concert des nations, bref, si vous évoquez de Gaulle, ou Giscard d’Estaing, ou Mitterrand, alors vous devez vous apprêter (c’est ce que j’ai fait) à tomber de haut et à revenir de loin. Je dois dire que les interlocuteurs algériens et tunisiens de Nicolas Sarkozy n’ont pas été les moins surpris, les moins divertis, et parfois même les moins séduits, par le spectacle d’un président de la République française exprimant, avec les mots de tout le monde et avec une cordialité aussi naturelle, la défense non pas de la grandeur mais des intérêts de son pays. Dans son dialogue avec le président Abdelaziz Bouteflika, Nicolas Sarkozy s’est présenté comme un jeune chef d’Etat qui n’avait jamais participé à aucune des tragédies qui séparaient la France de l’Algérie, qui n’avait de toutes ces souffrances qu’une connaissance indirecte et qui ne pensait, mais de manière obsessionnelle, qu’à l’avenir. Ce nouveau président français a entrepris de «ringardiser», comme il pourrait le dire lui-même, les préoccupations de repentance et les états d’âme sur la signature d’un «pacte d’amitié». C’est sans doute aller vite en besogne! Mais c’est la première fois que j’entends un représentant de la France abandonner, vis-à-vis de l’Algérie, l’habituelle attitude de paternalisme complexé et de protection coupable pour ne voir en elle qu’une puissance égale à celle de la France, disposant d’un immense territoire, de ressources considérables et objet de convoitises planétaires. «Je suis pour une reconnaissance des faits, pas pour le repentir, qui est une notion religieuse et n’a pas sa place dans la relation d’Etat à Etat.»
Quels sont les faits? L’Algérie est le premier partenaire économique de la France sur le continent africain. Les Français sont les premiers investisseurs, hors hydrocarbures, et les deuxièmes, hydrocarbures inclus, derrière les Etats-Unis. Or, le 10 juin, les Etats-Unis et l’Algérie ont signé un protocole d’accord dans le délicat et important domaine du nucléaire civil. C’est la signature de ce protocole qui a conduit Nicolas Sarkozy à une stratégie immédiate et offensive, préconisant, outre un rapprochement de GDF et de Suez avec la société algérienne d’hydrocarbures Sonatrach, la fourniture par la France des équipements indispensables à l’édification d’un nucléaire civil algérien. Ce sont ces données qui commandent l’avenir des relations franco-algériennes, franco-maghrébines et euro-méditerranéennes. Nicolas Sarkozy déclare avec tranquillité qu’il entend conclure avec les Algériens un partenariat si privilégié, si exceptionnel et qui profiterait de manière si égalitaire aux deux parties que cela dissuaderait les ambitions compétitives des autres grandes puissances. Il montre qu’il connaît suffisamment son dossier mais aussi celui des Algériens: sérieux progrès.
La différence générationnelle a-t-elle altéré la communication entre le jeune chef d’Etat français et le président Bouteflika, beaucoup plus âgé? Je n’en sais rien. Il m’a semblé qu’Abdelaziz Bouteflika connaissait déjà le réalisme lyrique et l’impatience survoltée de Nicolas Sarkozy. Mais il a décrété publiquement, et s’adressant à moi, que son homologue français était un «patriote», qu’il défendait son pays de la même manière que lui-même le faisait. Et il avait trouvé normal, il y a quelques mois, qu’un candidat à la présidence de la République française demandât à tous les citoyens français d’aimer leur pays. Pour «l’immigration choisie», on verra plus tard. Ce que les Algériens veulent par dessus tout c’est garder chez eux leurs élites. Même s’il est bien vrai qu’ils ne font pas encore tout pour cela.
Cela dit, les Algériens ont de sérieuses difficultés de gouvernance. L’audacieuse politique de «réconciliation nationale» n’a pas définitivement tari les sources du terrorisme islamiste ni diminué la douloureuse amertume de ses victimes.. Les généraux sont loin d’avoir perdu toute influence. L’autorité du président Bouteflika tire une bonne partie de sa force de ce qu’il n’existe aucun autre recours politique dans le pays. Pourtant, la vitalité des jeunes Algériens et leur capacité d’adaptation au monde moderne ne laissent pas d’impressionner les étrangers. Ce sont eux qui pourraient sans doute, dans un avenir proche, devenir les vrais interlocuteurs de Nicolas Sarkozy. Il reste que, comme me l’ont confié plusieurs responsables algériens, si le président français tient sa promesse de s’engager personnellement dans une coopération maghrébine et méditerranéenne dont l’axe serait en quelque sorte Paris-Alger, et cela sans nuire à l’orgueil national et aux intérêts du Maroc et de la Tunisie, alors le voyage officiel d’Etat de décembre prochain de Nicolas Sarkozy à Alger pourrait déboucher sur un accord historique.
Jean Daniel
Le Nouvel Observateur
Nicolas Sarkozy en Algérie : neuf articles de la presse française 12 juillet, 2007
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Les commentaires de la presse française sur la visite du chef de l’Etat au Maghreb.
L’HUMANITE
Jean-Paul Piérot
« (…) Ne pas être les bienvenus, ou plutôt n’y être tolérés que s’ils répondent « aux besoins économiques de la France ». L’état d’esprit qui anime nos dirigeants n’a visiblement pas évolué depuis les années soixante, quand des démarcheurs de l’industrie automobile écumaient les villages de Kabylie pour alimenter les chaînes de montage de Renault et Citroën. Des hommes tout juste bons, aux yeux des grands patrons, à produire de la plus-value, mais fermement invités à laisser femme et enfants loin de nos cités. Aujourd’hui, parce que l’Algérie est indépendante et que, malgré la crise qui la frappe, ce pays forme des étudiants, dispose de jeunes gens plus qualifiés que ne l’étaient leurs parents, tout juste sortis du joug colonial, il est tentant d’y puiser des compétences. Telle est la philosophie de l’immigration choisie, que le président Sarkozy traduit par un quota : 50 % du total des immigrés. Sur de telles fondations, il est douteux que le nouveau chef de l’État puisse contribuer à bâtir une union de la Méditerranée digne de ce nom. (…) »
LA PRESSE DE LA MANCHE
Jean Levallois
« (…) L’Union méditerranéenne a l’avantage de délimiter très clairement les Etats qui pourront en être membres?: il faut avoir une frontière maritime avec la Méditerranée. La Turquie, pour le coup, pourra en faire partie.
Certes, le passage de cette idée à sa réalisation risque de prendre du temps et de demander beaucoup d’efforts, tant les pays concernés sont divers, parfois très susceptibles de leur liberté, ce qui nécessitera une structure à la fois solidaire et très souple. Néanmoins, ce projet a du sens et de l’utilité, ce qui justifie de s’y lancer en dépit des problèmes qui ne manqueront pas de surgir. Une bonne nouvelle pour conclure?: la Libye, Etat concerné par l’Union méditerranéenne, annonce qu’une solution est en vue, suite à l’accord entre la Fondation Khadafi et les familles des enfants contaminés prétendument par les infirmières bulgares. Ce qui revient à dire qu’un accord financier a pu être trouvé et que les condamnés à mort pourraient enfin retrouver la liberté. »
LE JOURNAL DE LA HAUTE-MARNE
Patrice Chabanet
« (…) Nicolas Sarkozy, comme il l’a rappelé, n’a pas connu la guerre d’Algérie. Cette situation, à la différence de celle de son prédécesseur, lui permet de ne pas privilégier l’affect dans les rapports franco-algériens. Une posture intellectuelle moins crispée pour proposer la normalisation des relations des deux peuples. Aujourd’hui, l’Algérie, c’est d’abord un pays producteur de pétrole et de gaz. C’est, on l’oublie aussi, une pièce centrale dans l’Afrique septentrionale qui intéresse fortement Américains et Chinois. Or, à force de se cramponner au miroir de l’Histoire ou de son interprétation, la France risquait d’y perdre son influence. Reste à savoir si l’Algérie est disposée à avoir la même lecture de ce que devrait être une coopération revisitée avec la France, et si elle adhère au grand projet, cher à Nicolas Sarkozy, d’Union de la Méditerranée. Le pays est encore travaillé par des mouvements hostiles à la France, soit dans le sillage de la guerre d’indépendance, soit sous la poussée des groupes intégristes. On est encore loin de la réconciliation franco-allemande. »
MIDI LIBRE
Michel Noblecourt
« (…) Rien à voir avec les voyages de Jacques Chirac. Moins qu’une visite, M.Sarkozy a fait une escale. Le président français est ennemi de la repentance, y compris sur la guerre d’Algérie. Les Algériens qui ont enterré le projet de traité d’amitié avec la France savaient donc à quoi s’en tenir. « Je viens ici ni pour blesser ni pour m’excuser », a lancé avec franchise le chef de l’Etat. L’escale a juste permis de prendre note d’une volonté conjointe de coopération économique. Sur sa grande idée, une Union méditerranéenne, rassemblant dans un partenariat privilégié avec l’Europe des pays méditerranéens, Turquie comprise, M.Sarkozy n’a guère avancé. Comme on dit en termes diplomatiques, l’Algérie se montre prudente. Il faudra plus qu’une escale pour entrer dans le vif du sujet et pour convaincre. En novembre, promis, M.Sarkozy fera, cette fois, une vraie visite d’Etat en Algérie. Il en attend déjà des résultats « concrets et tangibles »".
NICE MATIN
Marc Chevanche
« L’ordre du jour d’une rencontre franco-algérienne est invariable. On ne coupe pas à l’évocation du passé colonial, on échange quelques bonnes paroles sur l’immigration et on consulte le dossier, toujours ouvert, de la coopération économique. (…) L’instrumentalisation de la » question française » leur est trop commode. Elle sert à stigmatiser l’adversaire intérieur, l’imaginaire » parti français « , tout comme le » malheur colonial » sert d’excuse depuis bientôt un demi-siècle aux fiascos économique, social et démocratique du régime algérien. La question de l’immigration ne se présente pas sous de meilleurs auspices. Tant que l’Algérie ne trouvera pas en elle-même le ressort de son développement, la demande sera toujours supérieure à l’offre. Enfin, que faut-il penser de l’idée sarkozyenne d’une » union méditerranéenne » ? La conflictualité franco-algérienne aurait-elle une chance d’être soluble dans une relation élargie à l’Europe ? Le lancement, sans effets, de la même idée avec le processus dit de » Barcelone « , en 1995, autorise à être sceptique. La Méditerranée, » Mare nostrum « , n’est décidément pas pour demain. »
LA VOIX DU NORD
Hervé Favre
« (…) Et pourquoi pas un traité là aussi simplifié, mettant l’accent sur les coopérations concrètes plutôt que sur les grandes déclarations de principe ? Car pendant que la France et l’Algérie débattent sans fin de leur passé commun douloureux, les États-Unis, la Chine et la Russie investissent chaque année d’avantage le très prometteur marché algérien. La France, encore premier fournisseur et premier client de l’Algérie, n’est déjà plus le premier investisseur, détrônée par les États-Unis* François Mitterrand avait été ministre de l’Intérieur pendant la guerre d’Algérie, tandis que Jacques Chirac servait comme jeune lieutenant de l’armée française. Nicolas Sarkozy, lui, avait sept ans lorsque l’Algérie a accédé à son indépendance. Il faudra sans doute attendre le même renouvellement de génération au pouvoir en Algérie pour que les embrassades au sommet soient dénuées de toute arrière-pensée. »
LES DERNIERES NOUVELLES D’ALSACE
Olivier Picard
« (…) Le président de la République veut enterrer notre culpabilité coloniale comme si elle encombrait la grandeur contemporaine et future de notre pays. C’est, en vérité, un contresens historique qui va à l’encontre de ses intérêts, et prolongera les malentendus diplomatiques. La France doit avoir le courage de s’excuser, sans honte, pour avoir occupé l’Algérie en lui imposant sa domination politique et ses humiliations. C’est tout. (…) La repentance – le terme, vaguement méprisant, détourne la notion, plus sereine, de pardon – ce n’est pas une autocritique à la chinoise. C’est un acte de reconnaissance sur lequel nos deux pays pourront, enfin, bâtir une union de destins aussi nécessaire dans le XXI
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siècle que dictée par une géographie immuable. Il ne s’agit pas d’une autoflagellation pitoyable, mais le geste d’un grand pays, assez sûr de lui pour assumer ses zones d’ombre et confirmer qu’il a renoncé à toutes ses tentations hégémoniques. Il est temps, en effet, d’inventer une réelle amitié avec les adversaires d’hier. Oui, il est temps pour la France de s’ouvrir au sud en construisant une formidable passerelle vers le monde arabo-musulman. Elle passe par un seul mot. »
LE TELEGRAMME
Hubert Coudurier
« (…) Pour l’heure, le traité d’amitié franco-algérien paraît bel et bien enterré avec les formes mises par Nicolas Sarkozy qui a expliqué au dirigeant algérien que la repentance n’était décidément pas sa tasse de thé : » Je ne suis pas de cette génération pour qui l’histoire pèse lourd « . Et par-delà les discussions sur un assouplissement des visas lié à un meilleur contrôle des flux migratoires, les enjeux de demain sont clairement posés. Le partenariat privilégié entre Paris et Alger vise à développer des relations bilatérales plus intenses avec rencontres annuelles des ministres des deux rives de la Méditerranée. Le nouvel Eldorado maghrébin a décidément bien des attraits. » Les entreprises françaises sont massivement prêtes à investir dans cette économie émergente « , assure Nicolas Sarkozy dont la dynamique tranche avec cette présidence léthargique d’un président algérien affaibli par la maladie. »
OUEST FRANCE
Joseph Limagne
« (…) Libertés et droits de l’homme auraient tout à y gagner, en Tunisie comme chez nombre de ses voisins. Encore faut-il que la partie Sud de cet ensemble ne fasse pas figure de banlieue de l’Europe, destinée seulement à la protéger de l’immigration clandestine ou à garantir ses approvisionnements énergétiques. D’une rive à l’autre, l’histoire a créé une communauté de destin qui va bien au-delà des tensions de l’histoire. Des millions de Maghrébins ont fait souche dans nos pays. Un courant continu les lie à leurs régions d’origine. L’Union méditerranéenne aura un sens si elle contribue à éviter que ne se constitue un ensemble arabo-islamique en opposition, voire en confrontation avec l’Europe. Tout en assumant un passé douloureux, notamment entre l’Algérie et la France, dont les comptes ne sont toujours pas soldés, Nicolas Sarkozy entend » construire l’avenir « . Mais son projet n’a aucune chance de réussir tant que subsisteront les obstacles majeurs des conflits non résolus du Proche-Orient. Israël, Palestine et Liban seront, pour lui, autant de prochains défis. »
Sarkozy : » Je ne veux pas de repentance envers l’Algérie » 10 juillet, 2007
Posté par benchicou dans : Algérie-France : entre le passé et Sarkozy , 7 commentairesDans un entretien exclusif accordé à El Watan et à El Khabar, le président français évoque dans le détail, justement, sa conception des relations algéro-françaises et aborde, de front, les dossiers sensibles, y compris celui controversé de la mémoire et de l’histoire. Il rejette catégoriquement l’idée de repentance. « Je suis donc pour une reconnaissance des faits, pas pour le repentir, qui est une notion religieuse et n’a pas sa place dans les relations d’Etat à Etat. Le travail de mémoire doit continuer, mais dans la dignité et l’objectivité, à l’abri des polémiques et des tentatives d’instrumentalisation politique. Ce cheminement doit aussi se faire des deux côtés, car il ne s’agit pas d’avoir une partie qui doit accepter sans discuter la vérité de l’autre. »
Monsieur le Président, vous vous rendez en Algérie, étape d’une tournée maghrébine qui sera la première en dehors de l’Union européenne. Concrètement, qu’attendez-vous de cette visite, d’autant qu’on a évoqué à maintes reprises le désir de Paris d’opérer une refondation dans ses relations avec Alger ? Qu’entendez-vous par asseoir une relation exceptionnelle avec Alger alors que les rapports paraissent ternes sur le plan politique et que l’idée de « traité d’amitié » est abandonnée ? Par ailleurs, vous avez proposé la mise en place d’une « union méditerranéenne ». Sur quel type de construction un tel projet peut-il aboutir ? Est-il possible de parler d’une coopération avec la rive sud de la Méditerranée alors que l’Europe ressemble à une forteresse et pensez-vous que la politique européenne de voisinage est à même d’être une alternative au processus de Barcelone qui a échoué ?
On peut faire l’amitié sans un traité d’amitié. Ce qui importe surtout, c’est de donner au partenariat entre les deux pays un contenu concret qui soit perceptible par les Algériens et par les Français. Pour atteindre cet objectif, nous nous sommes fixé une feuille de route ambitieuse, mais aussi, je crois, réaliste, qui recouvre tous les domaines de la coopération entre les deux pays : formation des cadres, échanges économiques et investissements, énergie, coopération en matière militaire et de sécurité, circulation, etc. Nous avons aussi défini une méthode pour réaliser ce programme, comprenant une série d’échanges de visites aux niveaux politique et technique afin de faire mûrir tous ces projets en vue d’une autre visite que j’ai proposée au président Bouteflika de faire à la fin de cette année. Un objectif (le partenariat d’exception) ; un contenu ; une méthode pour sa mise en œuvre : voilà ce que je propose pour les relations franco-algériennes dans les prochains mois. L’approfondissement de nos relations bilatérales avec chacun des partenaires du Sud et la mise en chantier de l’union méditerranéenne sont deux démarches complémentaires. La Méditerranée est notre deuxième espace de solidarité, après l’Europe, et les deux se recoupent d’ailleurs largement. La prospérité, la stabilité, la sécurité des deux rives de la Méditerranée sont interdépendantes. Notre histoire, notre vie culturelle, nos sociétés sont mutuellement imprégnées. Notre mer commune est aussi un enjeu écologique majeur. Ensemble, nous pouvons faire mieux pour développer les échanges commerciaux, culturels et humains, prévenir les crises et mieux gérer celles qui existent déjà ou se déclarent. Vous m’interrogez sur l’architecture de ce projet. J’ai bien sûr quelques idées, mais elles sont encore préliminaires, et si j’ai souhaité faire très rapidement une première tournée maghrébine, c’est justement pour consulter nos partenaires de la rive sud, et en priorité ceux qui en constituent pour nous le cœur, dont l’Algérie, par laquelle je commencerai ma visite, et qui est appelée, si elle le veut bien, à jouer un rôle clé dans cette nouvelle initiative. Là aussi, il ne s’agira pas de refaire, ni de défaire, ce qui a déjà été fait, mais de redonner vigueur à ce qui existe, de voir quelles structures seraient les mieux à même d’assurer le pilotage du dispositif et de décider d’ores et déjà de quelques initiatives concrètes. Sur tout cela, les conseils et l’expérience du président Bouteflika me seront très précieux.
Dans l’une de vos déclarations vous dites : « Je veux en finir avec la repentance qui est une forme de haine de soi et la concurrence des mémoires qui nourrit la haine des autres. » Cette manière de voir les choses n’est-elle pas un frein à une amélioration réelle des relations avec l’Algérie surtout qu’Alger demande à la France de reconnaître les crimes commis durant la colonisation qui a duré 132 ans ?
Les jeunes générations, de part et d’autre de la Méditerranée, sont tournées vers l’avenir, plutôt que vers le passé, et ce qu’elles veulent, ce sont des choses concrètes. Elles n’attendent pas de leurs dirigeants que, toutes affaires cessantes, ils se mortifient en battant leur coulpe pour les erreurs ou les fautes passées, parce qu’à ce compte, il y aurait beaucoup à faire, de part et d’autre. Cela ne veut pas dire qu’il faut occulter le passé, car toute grande nation, et cela vaut pour la France comme pour tout autre pays dans le monde, doit assumer son histoire, avec sa part de lumière et sa part d’ombre, et certainement qu’il y a eu beaucoup d’ombres, de souffrances et d’injustices au cours des 132 années que la France a passées en Algérie, mais il n’y a pas eu que cela. Je suis donc pour une reconnaissance des faits, pas pour le repentir, qui est une notion religieuse et n’a pas sa place dans les relations d’Etat à Etat. Le travail de mémoire doit continuer, mais dans la dignité et l’objectivité, à l’abri des polémiques et des tentatives d’instrumentalisation politique. Ce cheminement doit aussi se faire des deux côtés, car il ne s’agit pas d’avoir une partie qui doit accepter sans discuter la vérité de l’autre. C’est seulement ainsi que l’on pourra avancer, peu à peu, vers une lecture commune de l’histoire, dont il ne faut pas se cacher qu’elle prendra du temps. Je veillerai de mon côté à ce que ce travail se fasse, pour ce qui dépend de l’administration française, par exemple à travers la coopération entre les deux directions des archives. Les médias ont aussi leur rôle à jouer et ils ont déjà beaucoup fait pour éclairer les opinions publiques. Un regard plus lucide et objectif sur le passé, des deux côtés de la Méditerranée, fera beaucoup pour parvenir à des relations apaisées entre les deux pays. Mais je crois tout autant qu’il ne faut pas faire des questions de mémoire un préalable, car dans ce cas nous pénaliserions tous les Algériens et les Français qui attendent de nous des avancées rapides dans nos relations.
Etes-vous satisfait du niveau des rapports économiques et de l’engagement français en Algérie, cela sachant que des critiques sont régulièrement émises par rapport notamment à la frilosité des entreprises françaises (celles-ci préfèrent l’activité commerciale) à investir directement en Algérie ? Par ailleurs, vous avez émis le souhait d’un rapprochement entre Sonatrach et Gaz de France. Vous vous êtes dit d’accord aussi pour que la France coopère avec l’Algérie dans le domaine nucléaire civil durant la campagne présidentielle. Est-ce toujours votre position ? Comment voyez-vous l’évolution de la coopération énergétique entre l’Algérie et la France ?
L’Algérie est notre premier partenaire économique sur le continent africain. Mais cette situation est loin d’être acquise, car nos entreprises font face à une forte concurrence et les dernières années ont montré une tendance à l’érosion de leurs positions. Il leur faut donc faire preuve de plus de dynamisme et d’imagination que jamais. Les entreprises françaises devront ainsi, de plus en plus, s’engager, comme elles ont commencé à le faire, dans des formes nouvelles de partenariat avec leurs homologues algériennes. Les investissements en font partie et je souhaite que les nôtres se développent. A cet égard, nos entreprises ne sont pas si « frileuses », puisqu’en 2006 elles ont été les premiers investisseurs hors hydrocarbures et les deuxièmes, hydrocarbures inclus, derrière les Etats-Unis. On peut faire mieux, j’en suis persuadé. Mais cela suppose aussi de lever certains obstacles à l’investissement, qu’il s’agisse du foncier, de la protection de la propriété intellectuelle ou de la concurrence provenant du secteur informel. D’autre part, au-delà des grands contrats qui répondent aux programmes gouvernementaux très ambitieux de modernisation des infrastructures et présentent de fantastiques opportunités pour les entreprises françaises, je crois fortement à la nécessité de développer la présence de nos PME, qui assurent déjà 50% de nos exportations, et de les encourager à se rapprocher des PME algériennes. Je souhaite l’élaboration d’une véritable stratégie pour encourager ce rapprochement entre PME françaises et algériennes. Quant à l’énergie, j’ai eu l’occasion de souligner, avant même mon élection, son importance pour la relation entre les deux pays. Elle est en effet de nature à structurer celle-ci et illustre le lien d’interdépendance qui existe entre eux. Or nous sommes complémentaires : la France dispose de la technologie nucléaire, alors que l’Algérie commence à penser à l’après-pétrole. D’autre part, nous avons autant besoin de sécuriser nos approvisionnements en gaz pour le futur que l’Algérie de pouvoir compter sur un accès sûr et garanti au marché français et, au-delà, européen. On ne peut donc que souhaiter un rapprochement entre les compagnies françaises — GDF, mais aussi Suez et Total — et Sonatrach.
La France est-elle prête à vendre des armes à l’Algérie, un pays qui a tendance à diversifier ses sources d’achat ? Et quelles seront, à l’avenir, les grandes lignes de la coopération dans le domaine militaire ?
Je serai très ouvert aux demandes algériennes, de la même façon qu’à celles des deux pays voisins, dès lors qu’elles contribuent à l’objectif de renforcer la sécurité régionale et la stabilité de ces pays, qui est pour moi une priorité. Nos entreprises ont été approchées pour de nombreux projets de fourniture d’équipements modernes, dans les domaines naval, aérien et terrestre, ainsi que pour des propositions de partenariats industriels. Il faut reconnaître que peu ont abouti jusqu’à ce jour et je serais très heureux d’en voir un plus grand nombre se réaliser. En ce qui concerne la coopération militaire avec l’Algérie, je suis prêt à aller plus loin, car je veux accompagner celle-ci dans ses efforts de professionnalisation et de modernisation de ses forces et faire face, à ses côtés, aux enjeux de sécurité en Méditerranée et au défi de la lutte contre le terrorisme et les trafics. Ainsi, je souhaite l’aboutissement de l’accord qui avait commencé à être discuté avant mon élection, car il permettrait de renforcer la confiance entre les forces armées des deux pays, d’intensifier le dialogue stratégique et de développer les actions de coopération déjà engagées, notamment en matière de formation des cadres.
Différents chiffres circulent quant aux personnes en situation irrégulière en France. Allez-vous opter pour une solution policière et radicale pour le traitement de ce problème, d’autant que vos déclarations, lors de la campagne électorale pour la présidentielle, ont suscité la crainte d’assister à des refoulements massifs ? Quelle signification donnez-vous à ce qui est appelé « l’immigration choisie » ? Qu’en sera-t-il de la libre circulation des personnes notamment pour les conditions d’octroi de visas aux ressortissants algériens ?
On ne peut ignorer la question des personnes en situation irrégulière. C’est une réalité qui pose un certain nombre de problèmes en France et à l’égard de laquelle j’ai pris des engagements vis-à-vis du peuple français qui m’a élu. Pour autant, je souhaite résoudre cette question de façon concertée avec les pays d’origine et avec le maximum d’humanité. Mon objectif est de faciliter, et non pas de rendre plus difficile, la circulation entre les deux pays et, au-delà, entre la France et les pays du Maghreb. Cet objectif est même une partie intégrante de mon projet d’union méditerranéenne. Mais ceci comporte une contrepartie, à savoir une coopération sans faille pour lutter contre l’immigration illégale et les filières clandestines. L’équation est très simple : plus nous serons convaincus que les Algériens, Marocains ou Tunisiens auxquels nous accordons un visa rentreront dans leur pays à l’issue de leur séjour et plus facilement seront réadmis ceux entrés sans visas ou en situation irrégulière, plus nous serons généreux dans l’attribution des visas. Je vous rappelle que lors de la visite que j’ai effectuée en Algérie en novembre 2006 en qualité de ministre de l’Intérieur, je m’étais engagé à œuvrer en faveur de la levée de la consultation Schengen, qui alourdissait les délais, et c’est maintenant chose faite. J’avais aussi annoncé la réouverture de notre consulat général à Oran et celle-ci est prévue pour septembre prochain. Il nous faut aussi transférer en Algérie les tâches qui sont encore assurées à Nantes et généraliser la biométrie. Notre objectif est d’y parvenir avant la fin de cette année. De plus, nous avons augmenté le nombre de visas de circulation de plus d’un an (34 000 en 2006) et allons continuer à le faire, pour tous les Algériens, hommes d’affaires et universitaires notamment, qui contribuent à nourrir la relation bilatérale. J’encourage d’ailleurs nos amis algériens à faire de même. Quant à l’immigration choisie, c’est autre chose, puisque, par définition, il ne s’agit pas de circulation, c’est-à-dire de personnes de passage, mais de celles qui sont appelées à rester chez nous un certain temps. Il est normal que, pour celles-là, et comme c’est le droit de tout pays souverain, nous décidions des critères qui vont nous amener à les sélectionner. C’est ce que font par exemple le Canada, les Etats-Unis ou l’Australie. Il faut d’ailleurs bien distinguer cette immigration, destinée à répondre aux besoins de la société et de l’économie françaises, de la situation des Algériens qui séjournent en France pour se former et ont vocation à retourner dans leur pays pour contribuer à son développement à l’issue de leurs études ou de leur période de formation. En effet, il ne s’agit pas pour nous d’alimenter la « fuite des cerveaux », bien au contraire, tout en sachant qu’il appartient au pays d’origine de créer l’environnement professionnel et social qui amènera les cadres ainsi formés à avoir envie d’y retourner.
Plusieurs pays et ensembles, à puissances diverses, œuvrent actuellement à intensifier leurs relations avec la zone Maghreb. Comment la France perçoit-elle ses futurs rapports avec cette région sans donner l’impression d’évoluer dans un terrain conquis ? Et quelle est, selon vous, la meilleure solution pour régler définitivement le conflit du Sahara occidental ?
Il y a plusieurs questions dans votre question. En ce qui concerne la première, il serait bien aventureux pour nous de considérer le Maghreb comme un « terrain conquis ». Notre histoire avec cette région nous enseigne une certaine prudence. Non seulement nous ne prétendons pas à des rapports exclusifs, mais ceux-ci ne seraient pas sains. Sur le plan économique, nos entreprises font face à une vive concurrence, et c’est une bonne chose pour l’Algérie. Dans le domaine linguistique, je souhaite évidemment que l’Algérie reste un grand pays francophone — et nous ferons tout ce que nous pourrons pour l’y aider —, mais il est bon aussi que de plus en plus de jeunes Algériens sachent l’anglais et légitime aussi que l’Algérie affirme son identité arabo-islamique et poursuive ses efforts en matière d’enseignement de la langue arabe. D’ailleurs, nous souhaitons nous-mêmes renforcer l’enseignement de l’arabe en France, qui correspond à une ancienne tradition mais aussi à de vrais besoins. Quant à la question du Sahara occidental, il est, en effet, grand temps d’y trouver une solution durable, car sa persistance fait de toute évidence obstacle au rapprochement entre les pays du Maghreb qui pourront plus facilement relever les défis auxquels ils font face, qu’il s’agisse des aspirations de leur population ou de la lutte contre le terrorisme. La résolution 1754, adoptée à l’unanimité par le Conseil de sécurité le 30 avril dernier, a représenté une avancée. La première session des négociations directes sous l’égide des Nations unies, qu’elle a prescrites, s’est déroulée près de New York les 18 et 19 juin et nous l’avons saluée. Un nouveau rendez-vous a été pris. J’espère très sincèrement que ces discussions vont aboutir à une solution raisonnable, acceptable par chacune des parties, et suis certain que tous les pays de la région qui ont une influence sur ce dossier, dont l’Algérie, auront à cœur d’y contribuer.
Metaoui Fayçal, Zine Cherfaoui
10 juillet 2007
Sarkozy sera accompagné de Jean Daniel 9 juillet, 2007
Posté par benchicou dans : Algérie-France : entre le passé et Sarkozy , 1 commentairePour son déplacement au Maghreb, son premier voyage hors d’Europe, Nicolas Sarkozy sera accompagné par Jean Daniel, directeur de la rédaction du Nouvel observateur, apprend-on aujourd’hui dans un communiqué de David Martinon, le porte-parole du chef de l’Etat. Après un déjeuner de travail avec Abdelaziz Bouteflika, Sarkozy dînera avec Zine al Abidine ben Ali, le président tunisien. La question d’une coopération éventuelle entre Gaz de France et la société nationale algérienne Sonatrach sera notamment au coeur des discussions.
Sarkozy au Maghreb pour défendre son « Union méditerranéenne »
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Sarkozy à Alger : qu’en pense la presse française ?
Posté par benchicou dans : Algérie-France : entre le passé et Sarkozy , ajouter un commentaire
Au Maroc, le Rafale vaut bien un voyage mardi 10 juillet 2007
Le report de la visite de Nicolas Sarkozy au Maroc pourrait finalement arranger les affaires des industriels français de l’armement. «On ne vend pas un Rafale à l’occasion d’un séjour de quelques heures, surtout après une étape en Algérie. Mieux vaut une visite d’Etat plus solennelle», estime-t-on dans ces milieux. Le Maroc négocie en effet avec la France l’achat de dix-huit avions de combat Rafale. Le Royaume serait ainsi le premier client à l’exportation pour le dernier-né de Dassault. Les discussions se poursuivent avec les banques : il s’agit d’un montage financier complexe, qui implique notamment l’Arabie Saoudite. Riyad devrait en effet «aider» financièrement le Maroc à acheter ses avions de combat. Si le Maroc tient autant à s’équiper en Rafale, c’est parce que l’Algérie vient de moderniser son parc aérien, avec l’achat de Sukhoï Su-30 russes. Face auxquels les vieux Mirage F1 marocains feraient piètre figure. |
Première visite du président Sarkozy au Maghreb
‘est à l’Algérie que le président Sarkozy a réservé sa première visite hors d’Europe. Le chef de l’Etat effectue, les 10 et 11 juillet, une brève tournée maghrébine qui le conduira, après Alger, à Tunis. Relations bilatérales, émigration, visas, mais surtout projet de création d’une « Union méditerranéenne » qui aurait pour vocation, dit-on à l’Elysée, de « résoudre les problèmes de sécurité » et de promouvoir « les libertés et le développement« . Tels sont les principaux sujets à l’ordre du jour.
Programmée pour mercredi après-midi, l’étape au Maroc de M. Sarkozy a finalement été reportée à octobre, à la demande de Rabat, officiellement pour des raisons de calendrier. En réalité, le royaume chérifien a estimé « un peu cavalier » d’être visité après Alger et Tunis, et pour quelques heures seulement. « On ne traite pas la fidélité de cette manière », commente un familier du souverain marocain, sans vouloir faire de cet incident « une affaire d’Etat ». Ce report n’a, en tout cas, « pas de lien », précise-t-on à Rabat, avec la « mise en état d’alerte maximum » des forces de sécurité marocaines, annoncée vendredi, pour contrer une « menace terroriste avérée ».
Nicolas Sarkozy est accompagné par le ministre des affaires étrangères, Bernard Kouchner, et la secrétaire d’Etat aux affaires étrangères et aux droits de l’homme, Rama Yade. A son arrivée à Alger, mardi matin, il devait avoir un entretien puis un déjeuner avec le président Abdelaziz Bouteflika à la résidence d’Etat de Zeralda, en banlieue d’Alger, avant de s’envoler dans l’après-midi pour Tunis.
A l’Elysée, on souligne que l’intérêt de Nicolas Sarkozy pour le Maghreb « est ancien », et que le président a effectué de nombreuses visites dans la région à l’époque où il était ministre. C’est en novembre 2006 que M. Sarkozy s’était rendu pour la dernière fois à Alger. Il y avait été reçu davantage comme candidat à la présidence de la République française que comme ministre de l’intérieur.
Si le chef de l’Etat français est attendu avec bienveillance à Alger, ses hôtes font néanmoins preuve d’une prudente expectative. Ils soulignent que le président Sarkozy est « un interlocuteur nouveau » pour eux et que sa visite sera l’occasion « de clarifier certains points ».
L’Union méditerranéenne ? « Nous ignorons ce qu’il y a dedans et sommes curieux de l’apprendre. Pour l’instant, ce projet ne nous paraît pas très clair », indique-t-on dans l’entourage du président Bouteflika, en s’avouant échaudé par « les résultats mitigés » du processus de Barcelone.
La question des visas risque de faire figure de test à Alger. D’un côté, l’Algérie est reconnaissante au président français d’avoir plaidé et obtenu la suppression de la consultation européenne préalable pour les demandeurs de visas français, à l’époque où il était ministre de l’intérieur. Cette mesure rallongeait considérablement les délais d’attente pour les Algériens et était ressentie comme humiliante, puisque ni le Maroc ni la Tunisie n’y étaient soumis.
D’un autre côté, Alger s’inquiète de la politique du nouveau locataire de l’Elysée en matière d’immigration, de circulation des personnes et de regroupement familial. Les nouvelles restrictions annoncées irritent. « S’il y a un jour un partenariat d’exception, il doit trouver son expression dans sa dimension humaine. C’est fondamental pour nous. C’est même plus important que les autres grands volets de notre coopération, énergétique et scientifique, par exemple », déclare fermement un proche du président Bouteflika.
Du traité d’amitié entre la France et l’Algérie, il ne sera sans doute pas question à Alger. Des deux côtés, on admet que ce projet lancé par Jacques Chirac en 2003 « n’est pas d’actualité ». Est-il mort ? Non, plutôt « mis en sommeil », répond-on à Alger, où l’on espère pouvoir être bientôt en mesure de faire la part entre le candidat Sarkozy et le président de la République française.
Certaines contradictions mériteraient en effet explication. « Je ne suis pas favorable à un traité d’amitié avec l’Algérie », affirmait ainsi M. Sarkozy, le 16 avril, au Comité de liaison des associations de rapatriés. Cinq jours plus tard, le 21 avril, le même annonçait, dans un entretien au journal algérien arabophone Djazaïr News : « Je signerai le traité d’amitié (…). L’Algérie appartient aux Algériens (…). Je condamne sans réserve le système colonial. Entre l’Algérie et la France, c’est une histoire d’amour. Le problème réside dans la manière de l’exprimer et de le prouver. »
Florence Beaugé et Philippe Ridet