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L’évènement rapporté par le Soir d’Algérie 17 juin, 2007

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Sofiane Aït Iflis – Alger (Le Soir) – L’ancien directeur du quotidien Le Matin, le journaliste écrivain Mohamed Benchicou, avait l’émotion visible de se retrouver parmi ses compagnons de combat, dans l’enceinte de
la Maison de
la Presse Tahar-Djaout. Emu, certes, mais aussi fier, a-t-il tenu à dire, d’appartenir à cet échantillon qui lutte. “Une année après ma libération de prison, je n’ai pas eu, je dois dire, le temps de voir tous mes amis et mes compagnons de combat. A tous, je dis que je suis fier d’appartenir à votre famille”, a déclamé Benchicou, en guise de propos liminaire à un laïus qu’il a, en la circonstance, voulu raisonnablement court. Pour lui, les retrouvailles d’hier sont riches en enseignements, d’autant qu’elles interviennent pour la commémoration d’une date triplement symbolique : le 14 juin qui est en même temps la date anniversaire de l’historique marche des archs de Kabylie, en 2001, le jour anniversaire de la mort dans l’accomplissement de leur métier de deux confrères Adel et Fadhila et, enfin, le date d’entrée et de sortie de prison de Mohamed Benchicou. “Nous sommes unis aujourd’hui, cela prouve qu’au-delà des malentendus, l’Algérie qui se bat sait se réunir et s’unir autour de mots d’ordre généreux telle la défense de la liberté de la presse”, a déclaré Benchicou, poursuivant que “cette Algérie qui se bat a besoin d’une presse libre et forte”. L’honneur de remettre les trophées symboliques aux deux confrères est revenu, comme en 2005, au président d’honneur de
la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme, Me Ali Yahia Abdennour. L’infatigable militant des droits de l’homme a, avant de remettre les prix à leurs récipiendaires, prononcé un discours ou a fait le rappel des conditions dans lesquelles Benchicou a été incarcéré, avant de chuter sur une présentation des deux lauréats, Beliardouh et Kilo. “Tout dans le procès Mohamed Benchicou était étrange et incompréhensible : la date d’inculpation, les charges retenues, le contenu de l’acte d’accusation (…)”, a-t-il rappelé. Fidèle à son engagement pour la défense des libertés de la presse et d’expression, Me Ali Yahia a fait part de la nécessité impérieuse de se mobiliser pour la dépénalisation du délit de presse. “Il faut se battre même si c’est un combat inégal. Il vaut mieux perdre en ayant combattu que de perdre sans l’avoir fait.” De Beliardouh, lauréat à titre posthume du prix Mohamed Benchicou, Ali Yahia dira que “ lorsque l’Algérien est humilié, il oublie qu’il est habité par la vie. Ne pouvant pas supporter l’humiliation subie devant sa famille, puis traîné dans la ville de Tébessa jusqu’à la place du 1er-Novembre, il a préféré se donner la mort en avalant de l’acide. Homme de conviction, pondéré, serein, réfléchi, il a tracé son itinéraire de journaliste d’investigation, en suivant sa route quels que soient les obstacles et les dangers. Seule la mort pouvait mettre fin à son combat”. Et du second lauréat, le journaliste écrivain syrien, Michel Kilo, il soulignera des qualités qui font de lui une référence professionnelle. “Michel Kilo a été arrêté le 14 mai 2006, après avoir signé une déclaration appelant à une réforme des relations syro-libyennes. Il est accusé de “provoquer des dissensions confessionnelles et raciales” de “publier des informations mensongères et exagérées qui ont pour but de porter atteinte au prestige de l’Etat”. Le 13 mai 2007, il a été condamné à 3 ans de prison pour “affaiblissement du sentiment national”. Journaliste, politologue et défenseur des droits de l’homme, Michel Kilo est directeur de “Hourriyat” un centre de défense de la presse et des libertés d’expression”. Ce prix qui lui a été décerné, Michel Kilo devra le recevoir via
la FIJ qui, depuis Bruxelles, se chargera de le lui acheminer. Quant au prix décerné à titre posthume à Beliardouh, il a été remis à son épouse. A l’occasion de cette cérémonie, la parole a été donnée aux lauréats du prix les deux années précédentes. Hakim Laâlam, qui l’a obtenu en 2005, a avoué qu’il restait frustré de ne l’avoir pas reçu des mains de Benchicou. Benchicou le lui a re-remis, hier, symboliquement. Notons que plusieurs personnalités ont pris part au rassemblement, entre autres l’ancien ministre de
la Communication, Abdelaziz Rahabi, l’ancienne ministre de
la Jeunesse et des Sports, Leïla Aslaoui, le président de
la LADDH, Me Zehounane, le secrétaire général de l’UDR, Amara Benyounès, Ahmed Djedaï du FFS et des représentants du CCDR, du MDS et des syndicats autonomes. Une gerbe de fleurs a été déposée à l’endroit où ont été tués le 14 juin 2001 les deux journalistes Adel et Fadhila.
S. A. I.

Du 14 juin 2004 au 14 juin 2007

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Par Me Ali Yahia Abdennour- C’est pour la liberté d’expression et la liberté de la presse que Mohamed Benchicou, qui a affronté le pouvoir par souci de vérité, de liberté et de justice, a été condamné le 14 juin 2004 à 2 ans de prison. La justice, quant à elle, a considéré qu’il n’a pas été condamné pour ses écrits critiques à l’encontre du pouvoir, mais pour infraction à la législation des changes et aux mouvements de capitaux.
Tout dans le procès Mohamed Benchicou était étrange et incompréhensible : la date d’inculpation, les charges retenues, le contenu de l’acte d’accusation. Le pouvoir, qui a exprimé à maintes reprises son hostilité pour certains titres de la presse privée, en premier lieu le journal Le Matin, a manifesté sa volonté de faire condamner son directeur de publication, qui a assumé pleinement sa mission de journaliste, en refusant une lecture univoque et complaisante des évènements. Il a montré sa hâte à priver de sa liberté et de sa plume un adversaire coriace, habile, incommode, doué des qualités d’initiative, de ténacité et de courage, qui a acquis l’expérience qui a conféré tant de poids à sa parole et d’efficacité à son action. Il a interdit le journal Le Matin, pour détruire un espace de liberté qui échappe à son contrôle. Il y avait une telle émotion dans la salle d’audience du tribunal d’El-Harrach, le 14 juin 2004, après le prononcé du verdict, que tous les présents étaient bouleversés, avaient les larmes aux yeux. Le combat de Mohamed Benchicou pour la liberté d’expression et la démocratie qui se conjuguent ensemble a soulevé un large mouvement de solidarité à l’intérieur du pays et partout dans le monde. Le Comité Benchicou, très efficace, a alerté l’opinion publique et facilité sa mobilisation, afin que plus jamais des actes de punition et de vengeance ne soient exercés contre un journaliste. Nous avons fait face à un pouvoir qui représente le modèle d’une société bloquée, bureaucratisée, policière par l’écrit et la parole libre qui témoignent afin de mobiliser l’opinion publique nationale et internationale.
2° - Il n’y a pas de liberté sans justice, ni de justice sans liberté La liberté d’expression est un droit élémentaire de la vie sociale et culturelle, de la création scientifique et artistique. L’actualité politique nous rappelle que la liberté d’expression ne se donne pas, mais se gagne et se mérite, qu’il faut toujours se battre pour la faire respecter, la maintenir, la consolider, l’élargir. Comme toute conquête de l’homme, elle est fragile et ne peut devenir une réalité juridique que dans un Etat de droit. Elle n’existe que dans la mesure où la conscience collective est prête à se mobiliser pour la défendre. Le pouvoir a cédé contre son gré un espace de liberté à la presse privée, parce que de nombreux journalistes ont parlé haut et fort et sans précaution pour imposer la liberté d’expression et la liberté de la presse. Le respect des règles de l’éthique et de la déontologie qui sont nécessaires à l’exercice du métier de journaliste doit émaner de la profession et non d’un code de l’information qui n’est qu’un code pénal bis, qu’il faut expurger de son venin. La dépénalisation du délit de presse est une priorité, car le métier de journaliste est à grand risque pénal. Le pouvoir a fabriqué des procès contre des journalistes. C’est dans les combats menés que se trouvent les conditions du succès de demain. Il faut se battre, même si le combat est inégal et semble perdu d’avance, car il vaut mieux perdre en se battant, que perdre sans se battre. Le combat est comme le football : “Si vous ne descendez pas sur le terrain vous êtes sûr de perdre, si vous y allez, vous n’êtes pas sûr de gagner, mais vous aurez l’honneur de vous être battu.” A tous ceux qui veulent ignorer les violations graves de la liberté d’expression et de la presse perpétrées par le pouvoir, nous rappelons les mots d’Albert Camus : “Maintenant, il n’y a plus d’aveugles, de sourds et de muets, mais seulement des complices.” Quand la prison devient un honneur, c’est que l’Etat s’est perverti. C’est l’oppression qui a enfanté la liberté, et la répression qui a enfanté les droits de l’homme. Les procès contre les journalistes ont mis en relief la soumission de la justice au pouvoir exécutif. Il est fréquent qu’avant un procès contre un journaliste, le président du tribunal reçoive les directives à appliquer ou demande à ses supérieurs ce qu’il doit faire. Il agit sur ordre, un ordre venu d’en haut, de bien haut, du pouvoir exécutif. Je vous demande de manifester votre solidarité avec les avocats en grève et les syndicalistes autonomes poursuivis en justice. Les atteintes graves, délibérées, répétées aux droits de la défense ont obligé à plusieurs reprises les avocats à geler leurs activités au niveau de toutes les juridictions. Les avocats savent qu’il y a des jugements et arrêts qui ne respectent ni la loi ni le droit. C’est la responsabilité du pouvoir qui est engagée, lorsqu’un avocat ne peut exercer pleinement et sans risque sa profession. L’histoire l’a souvent montré, c’est la justice qui est mise en cause, lorsqu’on s’attaque aux avocats. Qu’avez vous fait de la justice, Monsieur le Garde des Sceaux ? Vous ne cessez de dire et de répéter, que la séparation des pouvoirs vous interdit de vous ingérer dans les affaires de la justice, alors que vos interventions pour orienter le déroulement de l’action judiciaire sont permanentes. L’UGTA a tourné le dos à l’action syndicale, a abandonné le syndicalisme de protestation et de contestation pour un syndicalisme de concertation et de soumission à la politique économique et sociale du pouvoir. Il faut dépasser la conjoncture actuelle, voir plus loin, penser l’avenir qui est dans le pluralisme et la solidarité syndicale. Le travail définit la condition humaine, notamment le droit à la liberté syndicale dans ses deux dimensions, le pluralisme syndical et l’adhésion libre, sans que les réunions syndicales et autres soient prohibées et les manifestations publiques brutalement réprimées.

 3°
– Le prix Benchicou pour 2007 a été décerné à titre posthume au journaliste Abdelhak Beliardouh et au journaliste écrivain syrien Michel Kilo
a)
A tous les membres de la famille Abdelhak Beliardouh, à ses amis, aux journalistes d’ El Watan, si douloureusement éprouvés, nous présentons l’expression de notre profond respect. Qu’il me soit permis d’évoquer la mémoire de ce grand disparu qui a travaillé de toute la force de sa conviction à la réalisation de son métier de journaliste d’investigation par la recherche de la vérité, sans fauxfuyants, avec résistance et ouverture intellectuelle. Il avait du courage, du caractère, des certitudes, une forte sensibilité pour la vérité. Il a été victime de la mafia politicofinancière locale, qui l’a humilié. Lorsque l’Algérien est humilié, il oublie qu’il est habité par la vie et la rixe. Ne pouvant pas supporter l’humiliation subie devant sa famille, puis traîné dans la ville de Tébessa jusqu’à la place du 1er-Novembre, il a préféré se donner la mort en avalant de l’acide pur. Homme de conviction, pondéré, serein, réfléchi, il a tracé son itinéraire de journaliste d’investigation, en suivant sa route quels que soient les obstacles et les dangers. Seule la mort pouvait mettre fin à son combat.
b)
Michel Kilo a été arrêté le 14 mai 2006, après avoir signé une déclaration appelant à une réforme des relations libanosyriennes. Il est accusé de “provoquer des dissensions confessionnelles et raciales”, de publier des “informations mensongères et exagérées qui ont pour but de porter atteinte au prestige de l’Etat”. Le 13 mai 2007, il a été condamné à 3 ans de prison pour “affaiblissement du sentiment national”. Journaliste, politologue et défenseur des droits de l’homme, Michel Kilo est directeur de Hourriyat, un centre de défense de la presse et de la liberté d’expression. Il est une des personnalités les plus marquantes de
la Syrie, un pionnier de la démocratie. Il s’est imposé par sa profonde connaissance des problèmes les plus divers, la clarté de son argumentation, le brio de ses départies dans les débats. Il agissait avec méthode, sans précipitation mais toujours avec la ténacité d’un esprit dont la tension ne se relâchait qu’une fois la tâche achevée. Il a acquis une réputation bien méritée d’intégrité, d’honnêteté et d’efficacité. Dans le métier de journaliste qui comporte des risques, il les a assumés pleinement, car pour lui, ils relèvent de la conscience professionnelle.
Alger, le 15 juin 2007
Me Ali Yahia Abdennour

Rassemblement à la Maison de la presse pour la remise du prix Benchicou de la Plume Libre 2007

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« Il y aura toujours une Algérie debout pour résister et défendre la liberté et les droits humains ». C’est sous ce slogan qu’a été célébrée la

   journée du 14 juin, journée dédiée à la liberté d’expression depuis l’incarcération de Mohamed Benchicou, aujourd’hui samedi à Alger.

        A cette occasion, le prix Benchicou de
la Plume Libre pour l’année 2007 a été remis   conjointement, et à titre posthume, au journaliste Abdelhak BELYARDOUH, correspondant  d’El-Watan à Tébessa qui a payé de sa vie l’audace d’écrire sur la mafia locale et au journaliste-écrivain  syrien Michel KILO emprisonné par la justice syrienne depuis le 14 mai 2006 et condamné à 3 ans de prison pour  »critique et affaiblissement de l’Etat  ».

      Les trophées ont été remis  par Ali Yahia Abdenour à la famille du défunt Beliardouh et, pour Michel Kilo, au représentant de
la FIJ, lors d’un rassemblement à
la Maison de la presse Tahar-Djaout.

      Avant cela, ont eu lieu un recueillement et un dépôt de gerbe de fleurs devant l’Etusa (rue Hassiba-Ben-Bouali) en souvenir des deux journalistes Fadhéla Nedjma et Adel Zerrouk, tués dans des circonstances tragiques, lors de la marche noire organisée à Alger par le mouvement citoyen des archs, et dont ils assuraient la couverture.

      La cérémonie s’est déroulée avec la participation de responsables de
la Ligue des droits de l’homme, d’associations, de  partis politiques représentés par leurs chefs, de syndicats libres, de directeurs de journaux, de journalistes et de nombreux citoyens.

     Mohamed Benchicou, Ali Yahia Abdenour, Hocine Zahouane, président de
la Ligue des droits de l’homme, Hakim Laâlam chroniqueur au Soir et lauréat 2005, ainsi que des familles de victimes du terrorisme, des représentants de partis et de syndicats libres, se sont adressés à l’assistance avec un leit-motiv : « Il y aura toujours une Algérie debout pour résister et défendre la liberté et les droits humains ».

    Un message du Comité syrien de soutien à Michel Kilo a été lu par Hafnaoui Ghoul, journaliste emprisonné en 2004.

Une pétition demandant la libération des journalistes en Syrie, en Egypte et en Tunisie a été lancée au cours du rassemblement.

Beliardouh, pour témoigner de nos oublis 16 juin, 2007

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Par Boubakeur Hamidechi
hamidechiboubakeur@yahoo.fr

Vendredi 22 novembre 2002, jour de Ramadhan et faces de carême dans une ville de la fin du monde. Toute une humanité saisie par une excessive piété quitte les mosquées et rase les murs pour cacher sa lâcheté à ne pas témoigner. «Dieu seul est témoin», se console-t-elle. La mauvaise conscience ne s’exorcise- t-elle pas à travers les prières et les gestes d’impuissance ? Sale temps pour la presse sous un soleil hors de saison.
Les journalistes sont bien là pour enterrer, presque seuls, un confrère. «Presque», avons-nous dit, car il y a quand même un courageux tébessi qui aborde discrètement les envoyés spéciaux du Matin et du Soir pour se lamenter. «Etes-vous sûr de pouvoir faire quelque chose et ne pas laisser impunie cette mort», leur murmura-t-il ? Indicible inquiétude qui, 5 années plus tard, n’a pas quitté une corporation provinciale lassée à son tour par tant d’indifférence. Or, au moment où les correspondants des journaux s’étaient fait une raison de vaincus, un comité national pour la liberté de la presse se souvient de ce journaliste martyrisé. Beliardouh vient d’être exhumé afin d’empêcher l’imprescriptibilité d’un meurtre par acharnement. Celui que le journaliste du Matin, C.Mechakra avait judicieusement qualifié de «victime des droits…de l’homme d’affaires». La distinction posthume vaut donc son pesant de mémoire car elle est une interpellation sans équivoque destinée à ceux qui se haussent du col et de la plume et s’autoproclament dépositaires exclusifs de l’éthique journalistique, quand quelques parts, ils ont déjà failli. A travers ce choix éminemment emblématique, le comité Benchicou souligne en effet le devoir premier d’une presse d’opinion. Celui de continuer impérativement à relayer les véritables combats démocratiques au lieu d’épouser les thèses officielles. De dénoncer les dérives de la justice aux ordres et ses accointances avec les maffias locales. S’inscrire en révolte au lieu d’expliciter, c’est-à-dire justifier, est plus que jamais sa tâche. Désormais la tombe de Beliardouh est en quelque sorte son mausolée où elle doit se ressourcer. … Retour sur une infamie mortifère que l’on a failli oublier… C’est tout dire donc sur l’état d’esprit qui régnait dans cette ville et de l’opinion que l’on se fait encore aujourd’hui de la fonction de la presse. Comme une sorte de fatalité à tout tétaniser sous son empire, n’épargnant même pas les préposés à l’information — ces correspondants locaux — la peur aussi bien physique que la crainte des représailles sociales fait dans le meilleur des cas tarir les plumes quand elle ne les corrompt pas. Et c’est parce qu’il se refusa à choisir entre ces deux alternatives, toutes deux dégradantes, que le journaliste d’ El Watany laissa sa vie. Car jamais autant qu’à Tébessa, ville-otage des gros bonnets de l’affairisme, la consigne de l’omerta n’est appliquée avec une aussi stricte rigueur. Le Garboussi, dont le nom est synonyme de parrain corrompu et de «protégé » des hautes sphères, ne pouvait que prospérer dans ces territoires frontaliers propices aux transactions fructueuses et illégales de la même façon qu’opéraient en leur temps les Hadj Bettou dans les limes du sud. Dans un contexte social surchargé d’intérêts qui se croisent, et avec le souci partagé des acteurs de susciter le moins possible la curiosité journalistique, le fait pour le reporter d’oser décrypter la réalité locale et rendre publiques certaines accointances prennent alors des dimensions insoupçonnées. Pire, elles l’exposent à des pressions et des représailles inimaginables ailleurs d’autant qu’elles se déroulent dans un huis clos provincial où même ce qui s’apparente à la puissance publique affiche une «neutralité» active comme le souhaitent toutes les baronnies transfrontalières. Abdelhai Beliardouh était précisément l’archétype du correspondant de presse qui a parfaitement assimilé son métier tout en se cadenassant dans le respectable corset de l’éthique pour aller voir ce qui est derrière les apparences. Autrement dit, faire des «gros plans» sur la réalité locale tout en se gardant d’inventer «autre chose» mais montrer ce qui…est. Or, ce qui se passe à Tébessa est bien loin de la légalité des affaires propres et nickel comme un dinar sur lequel l’Etat prélève l’impôt. L’argent sale à blanchir, la connexion trabendo — terrorisme, la corruption notoire de l’administration «privatisée» par les magnats de l’importation, les banques piégées par les fausses domiciliations, l’impressionnante circulation des registres du commerce (Garboussi n’est-il pas président de
la Chambre du commerce), autant de raisons pour un journaliste courageux d’aller voir, interroger et écrire. Lui l’a fait tout en mesurant les risques auxquels il s’exposait mais sans jamais penser que la vermine userait de procédés aussi ignobles que le rapt et la séquestration. Moins d’une semaine après l’expédition punitive n’avait-il pas exprimé à l’époque dans les colonnes du Matin son étonnement à propos des méthodes utilisées à son encontre ? «Ce qui s’est passé est très grave, déclarait-il. Car il ne s’agit pas uniquement de ma propre personne. C’est un double crime, d’abord à cause de l’agression physique dont j’ai fait l’objet, ensuite pour le fait que Garboussi Saâd s’est permis de se substituer à l’Etat. User de la violence et de la torture est déjà condamnable, que dire alors quand c’est un simple citoyen qui en est l’auteur ?» Terrible acharnement qui n’a reculé devant aucune méthode et non moins terrible mansuétude de la justice à l’égard des auteurs de rapt, pourtant passible de peine de mort. Ainsi, la mort du journaliste ne fût, comme on dit, une affaire «regrettable» que pour les porte-plumes du pouvoir car elle était prévisible tout comme est prévisible sa répétition sous d’autres formes, tant qu’existe une conjonction d’intérêts entre le grand banditisme anobli par l’accès à des fonctions officielles et les cercles politiques qui s’accommodent de la manne matérielle dont il bénéficie par retour d’ascenseur. Ce risque de voir d’autres confrères connaître une fin identique à celle de Beliardouh est une probabilité parfaitement décelable en province. Car bien plus que dans la capitale où le corporatisme joue — en dépit de ce que l’on croit — le rôle d’alarme pour dissuader contre les coups tordus, dans les villes de l’intérieur, la précarité et la solitude du correspondant l’inclinent à tous les renoncements. Autrement dit, cela fait bien des années que les correspondants sont soumis aux embargos des autorités locales, aux pressions des lobbies , voire aux menaces physiques. Et ce n’est pas noircir à volonté le trait que d’insister sur la condition du journaliste travaillant à distance. Exposé qu’il est en permanence à des tracas sans nom qui finissent par altérer l’objectivité dans sa relation des faits. Manipulé parfois, circonvenu, souvent le correspondant renonce progressivement à son indépendance intellectuelle. En écrivant sous la dictée des cercles de la ville, il disserte finalement pour le compte des commanditaires en vue. Allant jusqu’à flirter avec la désinformation. C’est cette muselière en velours qui, subtilement jette le discrédit sur certains travaux journalistiques franchement orientés dès lors qu’ils agréent les mandarins locaux. Mais les correspondants solitaires dans les lointaines bourgades ne sont pas tous des ripoux car, dans leur majorité, ils assument convenablement les rapports ambigus qu’ils entretiennent avec les autorités et la traduction journalistique des événements. Certes, quelquefois, il accepte de bonne ou mauvaise grâce de faire siennes, les thèses de la très officielle administration ; cependant, rares sont les cas où délibérément, il eut à maquiller outrancièrement la vérité pour plaire au potentat du moment. Quitte à subir l’arrogance des féodalités en place ces «petites mains» de l’information destinée aux «grand faiseurs » de la capitale font preuve d’une incomparable probité. Cas atypique du journaliste de province, solidement immunisé contre les pressions, les chantages et la corruption, Beliardouh dévoila patiemment les enjeux politiques agitant sa ville et enquêtât sur les connections destinées au détournement des crédits et l’évasion fiscale, il ne manquât pas de dresser des portraits peu flatteurs de la nomenklatura de la ville. Sans doute fut-il perçu comme un «transgresseur» d’un code non écrit régissant les mœurs admises par le tribalisme. Du genre à préserver une sorte de deal fixant les zones et les secteurs d’influence et de prospérité. Il avait à travers ses multiples articles donné à voir la réalité non pas telle qu’elle semblait être (honorabilité des notables et des bienpensants), mais telle qu’elle est en fait, gangrenée par la bassesse et la corruption, l’hypocrisie et la lâcheté. En démontant un système parfaitement rodé où l’affairisme, la politique officielle et le terrorisme font bon ménage et les «frontières » de l’éthique allégrement enjambées (rappelons-nous l’énigmatique rapt du sénateur Boudiar par des «terroristes » et sa libération tout aussi confuse) , il parvint parfois à mettre à nu l’insupportable complicité de l’administration et des institutions avec les réseaux diversifiés des conteneurs et la bienveillance dont ceux-là bénéficièrent en matière de facilitation documentaire. De même qu’il révéla que les groupes terroristes sévissant en pays nemouchi sont directement en relation d’affaires avec le premier d’entre les importateurs de la région. Il était à sa façon sans concession dans la dénonciation mais également, avait-on dit, sans prudence quant à sa propre sécurité. Après Garboussi, le terrorisme islamiste avait autant de raisons de l’éliminer aussi bien que nombreux notables craignant beaucoup de ses révélations. Il revint de la séquestration et des humiliations subies profondément blessé malgré le soutien de ses confrères. Mais entre le «je ne me laisserai pas faire», rapporté dans les colonnes des journaux du 23 juillet et l’effondrement psychologique à la mi-octobre, Beliardouh était passé de la crânerie au renoncement le plus mortel. «Un ressort s’est cassé quelque part» ont conclu les apprentis-psy pressés de pontifier. Quant à nous, qui avons si peu de science de la nature humaine, nous ne voulons pas croire que le verre d’acide fatal était réellement destiné à mettre un terme à une grande lassitude morale. Son «suicide» – qu’il faut impérativement mettre entre guillemets est sans hésitation un meurtre par acharnement. Même s’il faut si peu se préoccuper des formules dans le propos des gens, celle d’un de ses confrères nous semble résumer le mieux sa détresse morale, accusant ses tortionnaires de l’avoir obligé à quitter non seulement la ville mais la…vie. Depuis sa disparition, tout a peut-être été dit : des mots les plus sincères aux considérations les plus justes et aux regrets les plus hypocrites. Malgré tout, rien ne changera dans cette ville. Les conditions économiques qui ont provoqué la mort d’un correspondant sont encore bien là et leur expression idéologique et mafieuse également. Combien de temps le sacrifice de Abdelhai Belardouh résistera-t-il à l’érosion des évocations pour devenir un modèle d’une intransigeance éthique qui a trouvé son accomplissement dans la mort et un exemple pour la corporation ?
B. M.

Communiqué du COMITE BENCHICOU POUR LES LIBERTES 13 juin, 2007

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Abdelhaï Beliardouh et Michel Kilo lauréats du prix Benchicou de la Plume libre pour 2007

Demain, 14 juin 2007, les Algériens attachés à la démocratie et à la liberté commémorent le sixième anniversaire de la mort dans l’exercice de leur travail de deux journalistes, tués dans des circonstances tragiques, lors de l’historique marche noire organisée à Alger par le mouvement citoyen des arouch. La disparition des deux jeunes journalistes, Fadhéla Nedjma et Adel Zerrouk, dans des conditions de répression a encore une fois rappelé, en plus du courage d’accomplir le devoir d’informer et de rendre compte objectivement des faits, la situation politique et sociale difficile dans laquelle évoluent les travailleurs algériens des médias et les risques encourus dans l’accomplissement de leurs tâches ordinaires.

Le 14 juin est aussi la date de l’incarcération et de la libération, il y a un an, de Mohamed Benchicou, journaliste, directeur du journal Le Matin après deux années d’emprisonnement pour délit d’opinion durant lesquelles la société civile, à sa tête le Comité Benchicou pour les libertés créé en réaction à sa détention, n’a pas cessé de démontrer le caractère injuste et arbitraire de son incarcération et de réclamer sa remise en liberté. C’est pour ces raisons que le Comité Benchicou pour les libertés a décidé de faire du 14 juin une journée dédiée à la liberté d’expression et la liberté de la presse et institué un prix national et international en hommage aux luttes et sacrifices des professionnels des mass media pour l’exercice libre et indépendant de leur profession, en récompensant chaque année des journalistes et écrivains qui se distinguent par un esprit de liberté et de courage. Pour sa troisième édition consécutive, le prix Benchicou de la plume libre de l’année 2007 a été décerné conjointement, et à titre posthume, au journaliste Abdelhak Beliardouh, correspondant d’ El-Watan à Tébessa qui a payé de sa vie l’audace d’écrire sur la mafia locale et au journaliste- écrivain syrien Michel Kilo emprisonné par la justice syrienne depuis le 14 mai 2006 et condamné à 3 ans de prison pour “critique et affaiblissement de l’Etat”. Abdelhaï Beliardouh, décédé dans la nuit du 19 au 20 novembre 2002, a été poussé au suicide par les potentats de la ville qui l’ont agressé, torturé et humilié suite à la parution, dans l’édition du 20 juillet d’ El Watan, d’un article intitulé “Arrestation du président de la chambre”. Abdelhaï Beliardouh écrivait notamment que Saâd Garboussi, président de la Chambre de commerce et d’industrie des Nememchas (wilayas de Tébessa et de Souk-Ahras) “aurait été cité par un repenti comme étant un pourvoyeur de fonds pour le terrorisme” et “aurait participé au blanchiment des fonds du GIA, fruits du crime et du racket qui ont endeuillé les régions de Médéa et de Jijel”. Après cet article, le journaliste avait alors été roué de coups devant sa famille par Saâd Garboussi et ses nervis avant d’être traîné, par le col de sa chemise, dans les rues de la ville et ce, jusqu’à la place publique du 1er- Novembre. Il avait alors été de nouveau violenté et insulté publiquement. Humilié, Abdelhaï Beliardouh, dans un état de grande tension, avait alors avalé, à Tébessa, de l’acide pur. Il avait été rapidement hospitalisé à l’hôpital Mustapha, à Alger. Mais c’était trop tard : l’acide avait provoqué de graves lésions internes, notamment à l’œsophage et à l’estomac. Détenu depuis un an, Michel Kilo, connu pour ses prises de position en faveur des réformes démocratiques dans son pays la Syrie, a été condamné à trois ans de prison. Il avait été arrêté le 14 mai 2006 après avoir signé une déclaration appelant à une réforme radicale des relations libano-syriennes. Accusé de “provoquer des dissensions confessionnelles et raciales”, de publier des “informations mensongères et exagérées qui ont pour but de porter atteinte au prestige de l’Etat” et de “diffamation à l’encontre du chef de l’Etat et des tribunaux” Michel Kilo est aujourd’hui enfermé dans les geôles syriennes. Il est directeur de Hourriyat, un centre de défense de la presse et de la liberté d’expression, créé à Damas en 2005 et correspondant de plusieurs journaux arabophones. A cette occasion de la commémoration de cette journée, le Comité Benchicou pour les libertés tient à réaffirmer ses craintes devant les velléités avérées du régime, tendant à encadrer la liberté d’expression et à étouffer la presse. La poursuite des procès intentés aux journalistes et ce, malgré des signaux factices d’apaisement, atteste, s’il en est, de la volonté des pouvoirs publics à faire taire à terme toute voix libre dans la presse et au-delà dans la société, faisant, ainsi, reléguer l’Algérie au rang des pays les plus fermés de la planète. Devant ces menaces réelles contre la liberté d’expression et la liberté de presse, le Comité Benchicou pour les libertés appelle les organisations de la société civile, les partis politiques, les journalistes, les syndicalistes, les hommes de culture, les universitaires, les travailleurs, les étudiants et les chômeurs à la cérémonie de la remise des prix des lauréats qui aura lieu le samedi 16 juin 2007 à la maison de la presse Tahar-Djaout.

Le programme de la journée du samedi 16 juin :
 – A 11h00 rassemblement à la maison de la presse Tahar-Djaout (place du 1er-Mai)
– Recueillement et dépôt de gerbe de fleurs devant l’Etusa (rue Hassiba- Ben-Bouali) en souvenir de Fadéla et Adel
– Remise des trophées, prise de parole et collation.

Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2007/06/13/article.php?sid=54893&cid=2

Le prix Benchicou de la plume libre 2007 attribué à Abdelhak Beliardouh et au syrien Michel Kilo

Posté par benchicou dans : L'Algérie qui résiste , 2 commentaires

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Pour sa troisième édition consécutive, le prix Benchicou de la plume libre de l’année 2007 a été décerné conjointement, et à titre posthume, au journaliste Abdelhak Beliardouh, correspondant d’ El-Watan à Tébessa qui a payé de sa vie l’audace d’écrire sur la mafia locale et au journaliste- écrivain syrien Michel Kilo emprisonné par la justice syrienne depuis le 14 mai 2006 et condamné à 3 ans de prison pour “critique et affaiblissement de l’Etat”. 

Le prix sera remis à l’occasion de la célébration de la journée du 14 juin une journée dédiée à la liberté et la liberté de la presse. 

Le 14 juin est ainsi célébré pour être le jour-anniversaire de la mort dans l’exercice de leur travail de deux journalistes, Fadhéla Nedjma et Adel Zerrouk, tués dans des circonstances tragiques, lors de l’historique marche noire organisée à Alger par le mouvement citoyen des arouch. 

Le 14 juin est aussi la date de l’incarcération et de la libération, il y a un an, de Mohamed Benchicou, journaliste, directeur du journal Le Matin après deux années d’emprisonnement pour délit d’opinion durant lesquelles la société civile, à sa tête le Comité Benchicou pour les libertés créé en réaction à sa détention, n’a pas cessé de démontrer le caractère injuste et arbitraire de son incarcération et de réclamer sa remise en liberté. 

C’est pour ces raisons que le Comité Benchicou pour les libertés a décidé de faire du 14 juin une journée dédiée à la liberté d’expression et la liberté de la presse et institué un prix national et international en hommage aux luttes et sacrifices des professionnels des mass media pour l’exercice libre et indépendant de leur profession, en récompensant chaque année des journalistes et écrivains qui se distinguent par un esprit de liberté et de courage. 

 

Le programme de la journée du samedi 16 juin:
 – A 11h00 rassemblement à la maison de la presse Tahar-Djaout (place du 1er-Mai)
– Recueillement et dépôt de gerbe de fleurs devant l’Etusa (rue Hassiba- Ben-Bouali) en souvenir de Fadéla et Adel
– Remise des trophées, prise de parole et collation à la maison de la presse Tahar-Djaout. 

le Comité Benchicou pour les libertés appelle les Algériens attachés à la liberté et à la démocratie à venir nombreux à cette célébration. 

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